Le lundi 1er mars 2010
La plus grande réussite sportive des Jeux? Je serais tenté de dire les résultats d'ensemble de l'équipe canadienne de ski de fond, la performance de Joannie Rochette dans les circonstances que l'on sait, la médaille de bronze et les paroles d'or de Clara Hughes, la médaille de l'ingénuité de Marianne St-Gelais, les filles au hockey -quelle bêtise de leur avoir demandé de s'excuser, de quoi grand dieu?-, il reste qu'il est une plus grande réussite encore que toutes celles-là, la matrice de toutes les médailles canadiennes: le programme À nous le podium mis en place en 2004, financé à parts égales par le COVAN et le fédéral.
Depuis six ans, À nous le podium a mis à la disposition des athlètes canadiens des équipements, des sites d'entraînement, un soutien technique, scientifique, médical, surtout des fonds qui ont permis d'engager des entraîneurs de pointe. Résultat: le Canada a gagné les Jeux -le plus grand nombre de médailles d'or- même s'il a raté son objectif premier: le plus grand nombre de médailles.
L'autre bonne nouvelle, c'est que le programme a été étendu aux sports d'été.
Une impressionnante réussite sportive, notons-le, sportive. Bien sûr, ce matin, grande récupération patriotique, sur le thème: le Canada tout entier en est ravigoté. Ce serait une première. Il n'est jamais arrivé que les grandes victoires qui ont embrasé pendant quelques semaines un pays -notamment le Mondial des Italiens et des Français- aient eu un quelconque effet sur l'économie ni même sur le moral des troupes passé une semaine ou deux.
L'ORGANISATION- Correcte. Les accrochages du début n'ont pas été réparés aussi vite que le disent les organisateurs, mais les Jeux méritent une note parfaite sur au moins deux aspects très sensibles, le transport des spectateurs pour aller aux sites et en revenir, et la sécurité qui ne pesait certainement pas le milliard qu'elle a coûté, c'est ce qu'on demande à la sécurité: de ne pas peser. Et comme toujours, une formidable armée de bénévoles (18 000) pour huiler la machine. Tiens, par exemple, cette jeune femme de Halifax qui voulait être partie des Jeux, si humble fût cette partie. On lui a donné la tâche de coordonner la navette qui nous amenait de notre hôtel au métro. Elle a passé les Jeux dans le minuscule hall du Days Inn, sur un boulevard complètement soviétique, à noter sur un cartable les heures d'arrivée et de départ de la navette. Quelque chose m'échappe sûrement, je n'arrive pas à trouver cela, comment dire, olympien?
LA FÊTE- Je suis la personne la plus mal placée au monde pour vous parler de l'extraordinaire fête que les Vancouvérois ont faite de leurs Jeux. Même si j'étais là. Même si j'ai marché dedans, pour ainsi dire. Ce que j'aime le plus de Noël : me trouver une excuse pour rester seul à la maison et lire. Ces Jeux ont probablement été le plus vibrant Noël du sport depuis que les Jeux d'hiver existent. Je vous raconterai un jour comment j'ai échoué à me trouver une excuse.
LE FRANÇAIS- N'eût été l'affront fait au Québec dans la cérémonie d'ouverture, ce sont, après Montréal bien sûr, les Jeux les plus bilingues que j'ai vécus. Les sites, la ville, les bénévoles... vous n'aurez pas cela à Londres ni à Sotchi. Reste cet affront en ouverture, affront qui n'en est pas un réellement en cela qu'il était «innocent». C'est en cela aussi qu'il est plus insultant, l'omission n'insulte pas, elle occulte.
LA DOPE- Pas un dopé à ces Jeux, le croyez-vous? À la place de Mme Ayotte, je ne m'en féliciterais pas. Je ne crois pas pour autant que les athlètes aient «un pas d'avance», je crois par contre qu'ils ont changé leurs protocoles de dopage pour s'adapter aux contrôles, se dopent avec la même EPO de deuxième, voire de troisième génération, mais s'y prennent autrement, à plus petites doses, plus souvent.
L'OLYMPISME NOUVEAU- Les bobeuses canadiennes qui ont gagné l'argent en bob à deux à Whistler, Helen Upperton et Shelley-Ann Brown, toutes deux dans la trentaine, sont allées préparer les Jeux... à Disneyland. Pourquoi pas.
CTV a trouvé la chose assez passionnante pour en faire une histoire. Merci pour la plogue, voilà que Disneyland réinvite les jeunes femmes et leurs médailles d'argent pour un séjour gratuit. «C'est la plus belle chose que j'aie entendue -the best thing I've ever heard», a dit Shelley-Ann quand on lui a appris la nouvelle. J'ai assez hâte d'y retourner, trépignait-elle.
Les Jeux sont de plus en plus confiturés de petites histoires débiles comme celles-là rapportées par de plus en plus de journalistes qui notent le plus sérieusement du monde dans leur carnet: «The best thing I've ever heard.» Et ça me fout en l'air, vous n'imaginez pas. Ce n'est pas Johnny Weir qui menace les Jeux. C'est Mickey Mouse.