Le jeudi 22 décembre 1988


La Liste, suite et fin
Pierre Foglia, La Presse

Et puis ? L'avez-vous bien regardée la liste de mardi ? Combien placez-vous de vos livres préférés dans les dix premiers ? Moi deux, le Céline et le Salinger.

Combien en avez-vous lu des dix premiers ? Moi, cinq seulement. Le Garcia-Marquez, je l'ai abandonné et repris vingt fois sans réussir à aller au bout. Les Irving m'endorment et Kundera m'ennuie...

Un de mes grands étonnements, c'est votre intérêt pour certains classiques et votre dédain pour d'autres. Pourquoi Zola à la planche et pas Balzac ? Mystère.

Pour les auteurs québécois, c'est à peu près ce que j'attendais. Sauf pour Aquin, je pensais que Prochain épisode ferait aussi bien que certain Tremblay... Qu'on ne s'étonne pas trop par ailleurs de l'absence de Victor-Lévy Beaulieu et d'Yves Thériault, ils reviennent régulièrement dans les listes, mais jamais sous le même titre. Ils sont desservis ici par leur prolixité même.

Les grands absents, maintenant : Proust d'une certaine façon. Poe. Hemingway.

Agatha Christie. Les Anglais, les Allemands, le nouveau roman qui le mérite bien et Maria Chapdelaine très " low profile ". Côté Québécois, les Lemelin, Godbout, Jasmin, mais surtout Ferron, sont portés disparus..

. Je vous disais mardi que la liste me réjouissait à deux déceptions près. EH bien, la première et la plus grande, c'est Ferron. Deux mentions seulement pour ses Contes, vous n'avez pas honte ? Trois pour l'Amélanchier, un crime ! Le ciel de Québec, une fois ! La chaise du maréchal-ferrant, une fois. Les contes anglais, rien. Les confitures de coing, rien. Une épouvantable trahison. Pouvez bien vous exciter le poil des jambes avec Kundera, mes snoros. Pouvez bien vouloir l'unilinguisme en dedans comme en dehors...

L'autre déception, c'est Le Petit Prince. Je pensais qu'il avait beaucoup servi, mais je vois que vous êtes encore accrochés... C'est drôle, moi il m'a toujours agacé ce petit mongol-là. À l'école, j'ai eu mille fois à répondre à cette question de $ 60 000 : " Dites pourquoi il est si important de savoir si le mouton a mangé la fleur ? ". Une fois, j'ai répondu : " Parce que les Français sont des cons... il faut toujours qu'ils mêlent la morale à la poésie ". Puis j'ai grandi. J'ai voyagé. Et j'ai bien vu que c'était pas juste, les Français.

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Qu'est-ce qu'on disait ?

Ah oui, que j'ai adoré vous lire par contre et que je réserve un prochain courrier a vos annotations littéraires... Mais tout de suite un merci tout spécial à Yves Campagna, de Sainte-Rosalie, qui a fait faire la liste par une vingtaine de ses étudiants, et à Ruth Dupré, qui a ramassé les listes de ses collègues, les douze profs d'économie des HEC...

Aussi des listes amusantes. Celle de Raymond Leclerc qui me détaille dix Almanach du peuple ! Parait que le meilleur c'est celui de 71... Celle de cette dame dont le premier choix est L'Impure de Guy des Cars et le second, La République de Platon... : Celle de Pierre Goupil, qui s'avoue maniaco-dépressif et me nomme pour livres préférés, Ainsi parlait Zarathoustra, de Nietzsche, et L'Homme sans qualités, de Musil, quatre tomes de 500 pages chacun, la brique la plus tough à digérer de la littérature contemporaine. On serait dépressif à moins cher ami.

Mais tenez bon, je crois que j'ai quelque chose pour vous remonter, un roman que me recommande chaudement une autre lectrice, roman dont le titre semble avoir été trouvé exprès pour vous. Il s'agit de Si la vie est un jardin de roses, comment ça se fait que je suis dans les patates ? C'est d'Erna Bombeck ( en traduction au Jour ).

Une dernière lettre finalement, tout à fait dans l'esprit de ce jeu, celle de Christine, de Saint-Eustache... Un prof m'a demandé un jour, raconte-t-elle, de lui nommer mes lectures préférées. Colette, Viau, Sartre, Tremblay, Ducharme, lui répondis-je... Il me fait alors observer que je n'aime rien de ce qui est important en littérature. Et de me citer à l'appui Malraux et Claudel... Après six ans d'études à temps partiel, mon bac en poche, je suis heureuse d'affirmer que je n'aime toujours rien d'important et que j'emmerde Claudel.

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Et puis ? Avez-vous fait de grandes découvertes dans la liste publiée mardi ? Moi pas tellement. Deux. Deux livres que je m'en vais quérir à l'instant : La Détresse et l'enchantement, de Gabrielle Roy et Volkswagen Blues, de Jacques Poulin.

Mes découvertes je les ai faites surtout au fil de la compilation, des titres cités une fois ou deux qui m'intriguaient, va savoir pourquoi. L'auteur ? Le commentaire que vous avez ajouté ? Bref, me voilà avec une liste de vos livres, liste sur laquelle on retrouve du Cioran, du Brookner. Boulgakov, Le Maitre et Marguerite. Isabelle Allende, La Maison des esprits. Brendan Behan, Encore un verre avant de partir. Evan H. Rhodes, Le Prince de Central Park. James Carr, Crève... Tout Yves Thériault, mais surtout les Contes pour un homme seul et La Fille laide... Écotopie, Ernest Callenbach. Escalier C, Elvire Murail. Les choses de la vie, Paul Guimard. Mauvais Sang, Ricardo Matas et d'autres, beaucoup d'autres... Je vous suis redevable du plaisir qu'ils me donneront. Mais s'ils m'emmerdent, vous n'avez pas fini d'en entendre parler !

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Une dernière liste pour terminer, en forme de cadeau de Noël. La liste des " Oh oui ! "...

En cours de compilation, je tombais parfois sur un titre oublié qui me faisait sursauter de plaisir, " Oh oui, c'est bon ça ! ". Généralement, pas une Oeuvre avec un « O » majuscule, plutôt le genre petite chose trippante comme par exemple Chien blanc, un des meilleurs livres de Romain Gary. Voici les autres, dans le désordre...

Un bon Exbrayat ( pas policier ), Jules Matrat. Deux Monteilhet, Les Pavés du diable et Les queues de Kallinaos. Deux Christiane Rochefort, Printemps au parking et Les petits enfants du siècle... Boy de Cristine de Rivoyre. La Vie ripolin, de Vautrin. Peut-être le plus le fun de toute la gang : Des Fleurs pour Algernon, Daniel Keyes ( On en a tiré le film Charlie ). Un super-roman noir : À double tour, de Stanley Ellin. Les super-chroniques de Pierre Desproges : Chroniques de la haine ordinaire. Un Suisse : Fritz Zorn, Mars. Et un autre Suisse : Cabinet-Portrait de Benoziglio. De Selby, Last exit to Brooklyn. Enfin, Jos Carbone, de mon confrère Jacques Benoit, qu'une lectrice ( Mme Jaffa ) souligne ainsi sur sa liste : Le chef d'œuvre incontestable mais méconnu de la littérature québécoise...

Là-dessus, je vous laisse. Je ne sais pas encore si j'écrirai samedi, mais je ne pense pas. Pas envie. Noël tout ça. Youpi mon vieux...