Le mercredi 15 juin 1994


J'y suis
Pierre Foglia, La Presse, Mondial 94

East Rutherford

Le douanier était quand même un peu surpris :
- Le soccer ? Oui je connais. Ma petite fille joue à ça. Mais je ne savais pas que les adultes jouaient aussi. La coupe du monde dites-vous ? À New York ? Ah bon...
De St-Armand j'ai coupé à travers les champs du Vermont. L'air était plein du duvet des arbres, c'était comme la route des vacances. Après une dernière douceur - la tarte Tatin du Shelburne Café - j'ai arrêté de bretter. Quand il faut, il faut. J'ai enfilé la 87 jusqu'en bas, puis une espèce de boulevard Taschereau qui m'a mené tout droit au Giants Stadium.

450 kilomètres sans une seule annonce de la Coupe du Monde. Mais à cinq milles du stade un avertissement résigné comme un haussement d'épaule devant un emmerdement inévitable : " Attention, samedi World Cup, trafic heavy prévisible "

L'accréditation se fait dans un aimable désordre, sous une tente, à l'entrée du stade. La salle de presse est pleine de jeunes gens qui ne savent ni comment on se rend aux stades d'entraînements, ni où logent les Italiens, ni rien. On se croirait aux Jeux du Québec à Amos.

Le US Today disait holala, une chambre d'hôtel dans le coin ? N'y comptez pas. Pas vrai. J'ai trouvé comme ça. Sans réservation. Un Holiday Inn, à $75 la nuit à dix minutes du stade. Dites-moi pas que c'est la grande fièvre...

J'ai un drôle de feeling. Je sortais du stade désert des Giants, je me disais je suis sur le lieux du plus grand événement sportif au monde et j'avais cependant le formidable sentiment, qu'à cet instant, 500 milles à la ronde, j'étais la seule personne au monde que cela intéressait.

La seule, et encore.

On se reparle vendredi.