Le samedi 25 juin 1994


C'est un miracle, j'y peux rien
Pierre Foglia, La Presse, Mondial 94

East Rutherford ,

Bon, bon ça va. Je me suis trompé. Jeudi, l'Italie a battu la Norgève 1-0.

Mais cela ne compte pas. C'est un miracle. Tout le monde le dit. Tout le monde l'a vu.

Les Italiens avaient perdu le match bien avant la rencontre. Dans leurs chicanes avec la presse, dans le mol optimisme des joueurs, dans l'entêtement de Sacchi à ne rien changer à ses tactiques.

Les Italiens avaient perdu le match dans la foule même de leurs cousins, les Italiens du Queens qui avaient envahi le Giants Stadium par devoir patriotique, mais sans y croire.

Dès les premières minutes il est apparu que c'était exactement la même Italie que celle qui avait perdu contre l'Irlande. Fuckée dans sa tête, téteuse, bretteuse. Le même Roberto Baggio étriqué, téteux, bretteux, les pieds pleins de pouces. Les Norvégiens n'avaient absolument rien à craindre. Ils n'avaient qu'à attendre l'erreur...

Elle est arrivée à la 21e minute. Erreur de Benarrivo. Leonhardsen file seul vers les buts. Erreur du gardien Pagliuca piégé en dehors de la zone. Leonhardsen n'avait plus qu'à tirer. Pauvre, pauvre Italie...

C'est alors que le bon Dieu a eu pitié. S'est-il souvenu soudain que Rome était la capitale de son royaume ? Que les Norvégiens n'étaient après tout que des réformistes luthériens ?

Dieu a tendu la main, je veux dire qu'il a tendu le bout des doigts de Pagliuca. Dévié, le ballon a roulé hors des buts.

Ce n'était pas tout. Le plus miraculeux restait à venir. Carton rouge à Pagliuca pour avoir touché au ballon avec la main en dehors de sa zone. L'Italie finirait le match à dix.

Ce n'est pas tout. Pour remplacer Pagliuca par son gardien substitut, Sacchi doit retirer un joueur. Qui ? Robert Baggio, légèrement blessé se sacrifie.

Ce n'est pas tout. Au début de la deuxième demie c'est Baresi qui quitte le terrain sur une blessure au genou.

À dix, sans Roberto Baggio le téteux, sans Pagliuca le gaffeux, sans Baresi le nul, ce n'était plus du tout l'Italie de Sacchi. Le miracle pouvait s'accomplir.

Libérés de leurs devoirs, les Italiens ont arrêté de s'entortiller les pieds et se sont mis à jouer un football qui respire, efficace, agréable à voir. Le but est venu de la tête de l'autre Baggio (Dino) qui ne devrait plus avoir à répéter que Roberto n'est pas de sa famille. C'est évident.

Bon, bon, ça va. Je me suis trompé. L'Italie a battu la Norgève 1-0. Mais c'était un miracle. Et personne ne peut rien contre les miracles.

Je n'ai pas dit mon dernier mot. Regardez-les bien aller contre le Mexique mardi prochain. Surtout si Roberto Baggio retrouve son poste.

Évidemment, si Roberto Baggio ne joue pas, ni Baresi, s'ils se retrouvent encore à dix, évidemment les Italiens peuvent encore gagner mardi.

Personne ne peut rien contre deux miracles de suite...