Le mardi 20 août 1996


Le courrier du jock strap
Pierre Foglia, La Presse

Je m'appelle Catherine Rochon et j'ai 14 ans. La lecture de votre article sur Sylvie Fréchette et la nage synchronisée m'a mise en colère. Vous n'avez aucun respect. Vous critiquez et dénigrez un sport et non une parade de poupounes...

Je pratique la nage synchronisée depuis trois ans et laissez-moi vous dire que ce sport nécessite beaucoup d'entraînement. Vous n'êtes qu'un vieux macho, etc....

Et évidemment, plus loin, la gamine me défie d'aller m'entraîner avec elle.

Éclaircissons tout de suite un point, mademoiselle : vous semblez dire qu'athlète et poupoune, ça ne marche pas ensemble ; je sens que, dans votre petite tête, ce sont là deux états incompatibles. Je suis totalement en désaccord avec vous. Il est des athlètes qui sont des poupounes totales. Marie-Josée Pérec, par exemple, est la Poupoune absolue, avec un «P» majuscule, et en même temps, probablement, la plus grande athlète de notre temps. Pareil pour Carl Lewis et Florence Griffith, dit la belle Floflo ; plus poupounes que ces deux-là, t'apportes tes bigoudis dans le vestiaire...

Mais pour revenir à la nage synchro, vous êtes en retard de quelques chicanes, mademoiselle.

Non, je n'irai pas m'entraîner avec vous. Il n'est pas nécessaire que j'aille me noyer dans votre piscine ( je sais à peine nager, et je n'aime pas l'eau ) pour me convaincre que la nage synchro est un exercice très difficile. Je sais déjà cela.

Mais ce n'est pas parce que c'est difficile que cela doit devenir un sport olympique. Descendre une montagne en marchant sur les mains, c'est très difficile aussi. Doit-on en faire un sport ? Combien êtes-vous à nager synchro à travers le monde ? Il y a mille fois plus de gens que font du triathlon. Savez-vous pourquoi le triathlon n'est pas au programme des Jeux, mademoiselle ?

Parce que le triathlon, qui enchaîne trois épreuves, s'étire trop pour donner un bon show. Alors que vos cinq minutes d'humides galipettes, c'est du bonbon pour la télé. Dans les salons, les matantes capotent sur vos musiques quétaines, et les mononcles sur vos juvéniles foufounes.

J'exagère, pour les foufounes ? Vous croyez ? Portez donc des combinaisons au genou ( genre tenues de vélo ) et on reparlera de la popularité de votre sport ! Un coup parti, qu'on remplace aussi la jupette des patineuses artistiques par des culottes de joueuses de basketball, et on en reparlera de « l'artistique », et des cotes d'écoute du patinage...

Quelque part, vous me traitez de macho, mademoiselle. Entendez-vous par là que je m'intéresse moins aux performances des filles qu'à celles des hommes ? Pas du tout. Ma seule réserve sur les filles est sur la valeur de l'opposition (au tennis notamment) qui diminue parfois la qualité du spectacle. Mais sur la valeur de la performance elle-même, je n'ai jamais l'ombre de la queue d'une restriction.

Parlant de queue, si c'est à cela que vous pensiez en me traitant de macho, vous vous fourvoyez encore. À part les émouvantes sauteuses en hauteur, et quelques grandes dames de la gymnastique ( la Boguinskaya ), je m'excite très rarement le poil des jambes dans les stades, les gymnases et encore moins les piscines. Je vous l'ai dit : je n'aime pas l'eau, et je n'aime pas non plus le genre de peau que l'on trouve au bord de l'eau. Dans vos maillots de bains qui vous font remonter les cuisses sous les bras, je vous trouve complètement nulles, et à peu près aussi émoustillantes qu'un veau pendu par les pattes à l'étal d'un boucher.

Que tout cela ne vous empêche surtout pas de nager synchronisé, mademoiselle, mais si d'aventure, entre deux pratiques, il vous adonne un jour de relire la chronique qui vous a mise en colère, vous verrez qu'il n'y était pas du tout question de poupoune, mais d'idéologie de la beauté. Pour vous simplifier le propos, j'établissais en quelque sorte la différence entre le sport et la coiffure.

Je disais que le sport c'est la beauté de l'effort. Alors que la coiffure c'est l'effort d'être belle.

( Pas seulement la coiffure, la nage synchronisée aussi. Et, à un degré moindre - je vais me faire d'autres amis - et à un degré moindre, le patinage artistique, de moins en moins patinage et de plus en plus « artistique », toujours pour la même raison : pour plaire à la télévision. Pour plaire aux matantes. Pas de matantes, pas de grosses cotes d'écoute. Pas de cotes d'écoute, pas de commanditaires. Pas de commanditaires, pas de redevances de télédiffusion. Pas de redevances, pas de Jeux olympiques. Si vous avez compris ça, mademoiselle, vous en savez autant sur l'olympisme que Juan Antonio Samaranch lui-même ).

Voilà qui répond à l'essentiel de mon courrier olympique, pour lequel je n'ai pas de grandes félicitations à vous faire. Même que j'ai l'impression que vous vous êtes trompés de ligne ouverte. Je vous suggère de retourner à vos Ron Fournier et Alain Chantelois habituels et de m'oublier dans vos prières sportives. Merci.

J'ai gardé la meilleure pour la fin. Dans une chronique d'Atlanta sur la gymnastique, je disais : « Ces petites gymnastes, dans leur splendeur flexible, sont-elles nées de vrais humains, ou ont-elles été fabriquées avec un bout de caoutchouc auquel on aurait greffé une tête de poupée de porcelaine ? »

Je ne sais pas comment vous lisez cela. Voyez-vous une quelconque malice là-dedans ? Je n'en ai mis aucune. Je voulais seulement souligner le contraste entre la fixité de la tête et la flexibilité du corps. Anyway...

Commentaire de Jean-Paul Caron, directeur technique de la fédération de gymnastique du Québec : Insinuer que les gymnastes puissent être fabriquées avec un bout de caoutchouc auquel on aurait greffé une tête de poupée de porcelaine est un manque de respect, une honte et un ridicule qui ne font que confirmer le peu de connaissances que possède M. Foglia du développement et du perfectionnement d'une gymnaste olympique...

Le genre de con qui a appris à lire avec Tarzan. Moi rien compris. Mais moi pas content. Moi pas bu mon Nescafé à matin.

Mamma mia.