Le samedi 25 janvier 1997


Ça fait longtemps qu'on a parlé de cul ?
Pierre Foglia, La Presse

Avez-vous vu un film qui s'appelle Tête-à-queue ? Non, non, ce n'est pas un documentaire de la Régie de l'assurance automobile. C'est un film porno. Regardez-vous des films pornos, des fois ? Ça m'arrive dans les motels d'en accrocher un en pitonnant : je dépasse la limite des cinq minutes gratuites et, tant qu'à payer, aussi bien le regarder jusqu'au bout.

Tête-à-queue, donc. Au début, c'est un film porno comme les autres. Une fille avec deux gars. Pas de scénario, pas de dialogues, pas de décor, super cheapo, le même salon pendant 30 minutes. Si c'est du sexe que vous voulez, très bien, il y en a plein l'écran.

Les deux types ont la tête et le reste ailleurs, comme toujours dans ce genre de film. Ce qui est différent des autres films du genre, c'est la femme. Très spéciale. Ou plutôt pas du tout spéciale. Aussi peu reine du porno que possible. Popote. La quarantaine dodue, des seins normaux au lieu des obus habituels, la fesse un peu carrée des joueuses de piano, le pubis pas rasé. Tout cela sentait la précipitation, comme si la caméra avait été louée et qu'il fallait la rendre à midi pile. On imagine que, plus tôt dans la matinée, la dame était en train de faire des confitures et le téléphone a sonné. C'était son cousin Gaston, celui qui fait des films cochons : " Germaine, j'ai un service à te demander, la reine du porno m'a fait faux bond... "

J'invente, c'est pas dans le film. Ce que je n'invente pas, c'est le bonheur avec lequel cette dame ordinaire fait l'amour. Sa timide bonne volonté du début s'alanguit assez vite comme si elle s'était dit : Ben cout'donc, puisque je suis ici pour baiser, baisons. Et comme ses partenaires ne collaborent guère, elle baise avec l'oeil de la caméra. Avec le miroir. Avec nous, quoi.

C'est très rare que le cul exulte au cinéma. Jamais dans les films pornos, sauf cette fois. Et guère plus souvent dans les vrais films. Dans les scènes torrides ( comme ils disent ), les plus connues du répertoire (comme dans Le facteur sonne toujours deux fois ), on voit toujours une actrice (Kim Basinger, Michelle Pfeiffer, Meryl Streep qui " se dépasse " ), jamais une femme qui prend son pied. Quant à leurs partenaires célèbres, c'est encore pire : ils accompagnent. Comme la mayonnaise accompagne le veau froid.

Anyway, pourquoi on parle de cul, donc ?

C'est pas vous qui avez commencé.

LE SENS PROFOND, DES CHOSES -

Le rendez-vous était à 8 h et je suis arrivé à 8 h. Le parking de la bibliothèque de Granby était plein. Merde. J'avais dit : pas de conférence. J'avais dit : une discussion avec " quelques personnes, quelques ! " Ils avaient promis : Oui, oui, ne vous inquiétez pas. Mais la première chose qu'ils font, c'est d'appeler le journal local : " Foglia donne une conférence le 22 janvier à notre bibliothèque. " Le parking était plein. Plus de cent personnes, certain. Mais je ne voyais personne, je ne voyais que la petite estrade en avant, la carafe d'eau sur la table et le verre qui s'est mis à trembler dans ma main. La dame de la bibliothèque a dit : " Ce n'est pas nécessaire que je vous le présente... "

Je me suis jeté dans le trou noir.

Deux heures et demie plus tard, dans l'auto, j'essayais de me souvenir de quoi j'avais parlé. De chanterelles, d'avortement, de la peine de mort, de la Corée du Sud, de ma mère, des chats, de Zézette, de Jacques Ferron, du socialisme, de pédophilie, de typographie, de vélo, de journalisme ( en bitchant quelques consoeurs et confrères, lalalère ), de démocratie, de ma fiancée, des Juifs, d'éducation, de la DPJ, du Mexique, de cinéma, de rap, de Sylvie Fréchette, du fromage bleu avec un petit verre de Beaumes-de-Venise (absolument délicieux ), du prix de la salade, des Rolling Stones, de mon fils et de sa cristie de Course autour du monde, de Réjean Ducharme et de la vie en général - que j'appelle par fois le quotidien...

Dans l'auto, je me disais : C'est quand même extraordinaire, je suis plus timide qu'une souris, et pendant deux heures j'ai parlé de tout ça à des gens que je ne connais même pas.

Et puis, juste avant que je m'en aille, il y a eu ce type dans le parking qui m'a apostrophé gentiment :

- Dites donc, vous, avait-il commencé.
- Oui, monsieur.
- Votre truc, c'est tout simple : vous dites les choses comme elles sont, et voilà...
- Sauf que les choses ne sont jamais comme elles sont, lui ai-je répondu, en prenant mon air tibétain. Il est parti en se demandant ce que j'avais bien voulu dire.
Moi aussi.

FÉLICITONS MONSIEUR CLINTON -

La rafraîchissante visite de M. Axworthy à La Havane ne changera rien au sort des Cubains, c'est sûr. En fait, c'est aux Canadiens que cette visite fait le plus de bien. Enfin un peu de fierté, enfin un peu de couilles. Il y avait longtemps que le Canada (depuis Trudeau), petit chien-chien couché au pied de son maître, n'avait pris le risque de déplaire aussi ouvertement aux États-Unis. Rappelez-vous toutes ces années où Mulroney et Reagan étaient cul et chemise ( sans nous laisser ignorer qui était le cul et qui la chemise )...

Anyway. Je voulais seulement profiter, de l'occasion pour redire tout le respect que j'ai pour la chose politique quand je vois que M. Clinton, un démocrate, un libéral, un homme de grande ouverture intellectuelle... quand je vois que M. Clinton, pour faire basculer la républicaine Floride dans le camp des démocrates, est devenu plus anticastriste que Ronald Reagan. Félicitons-le, il a gagné la Floride aux dernières élections. Et Félicitons son épouse Hillary, dont le frère, Hugh Rodham, est marié à une des leaders de l'hystérique communauté cubaine floridienne, l'avocate Maria Victoria Arias.

On ne parle pas ici de l'obscure petite magouille d'un député d'arrière-pays. On parle de collusion, de grossier opportunisme du politicien le plus en vue de la planète. Et est ce que cela indigne la planète ? Pas une, seconde. Parlant de Clinton, la seule chose qui indigne la planète, c'est qu'il pogne le cul de ses secrétaires.

You bet que je vais aller à la pêche, madame Chose...

MARDI -

Mardi, je vous parle du projet " FIN DE SIÈCLE ". J'ai lu vos premiers textes : emballants ! Je vous jure. J'en suis tout étonné.

Mardi, je reviendrai aussi sur le sondage à propos de Gerry Roufs, mais je peux vous dire tout de suite que 425 d'entre vous m'ont dit oui, je suis tanné d'en entendre parler, et 225 m'ont dit non.