Le mardi 16 septembre 1997


De l'utilisation du beurre
Pierre Foglia, La Presse

Howard Stern, arrêtez de me demander ce que j'en pense : je n'écoute pas Stern. C'est en anglais. C'est le matin. Il y a des choses que je ne fais jamais le matin, comme passer la tondeuse, manger du rôti de porc, et écouter des annonces de chars en anglais. Et il y a une chose que je ne fais plus depuis au moins cinq ans, c'est écouter CHOM. Nul musicalement. Pink Floyd, Z. Lépine, ça va faire. Le ton jappeur aussi. J'ai lâché CHOM depuis que j'ai découvert WNCS ( Montpelier, Vermont, 104,7 ), un rock allumé et documenté, du rock d'aujourd'hui servi à la manière de CHOM il y a 20 ans. Ah, Doug Pringle !...

Howard Stern. J'écoute ce que vous en dites et je vous trouve bien bons (ou bien masos ) de vous laisser traiter d'enculés et d'en rire. Je ne vous dis pas qu'il faille en pleurer comme notre ministre de la Justice, ni sortir les pancartes, mais il est quand même opportun de rappeler que nous vivons dans une société un peu particulière, où la majorité francophone est systématiquement et malicieusement accusée de xénophobie, d'antisémitisme et de fascisme ; à la moindre virgule de travers, à la moindre joke douteuse,, le monde entier ( de Hampstead à Tel Aviv ) est informé par Mordecai Richler, Guy Bertrand, Galganov, Jacques Hébert, Stephen Scheinberg (du B'nai Brith ) et Esther Delisle que le Québec est un immense camp de concentration où l'on torture l'anglophone, surtout quand il est juif et fédéraliste.

Imaginez qu'une station privée de Montréal, francophone celle-là, se branche sur une radio " trash " parisienne et que l'animateur ouvre sa première émission en paraphrasant Stern : " Vive le Québec libre et que tous les anglophones du Québec aillent se faire enculer ! " Croyez-vous que sur les tribunes téléphoniques de CJAD, et que dans la page des lecteurs de The Gazette, on trouverait des anglophones pour dire, comme on lit dans nos journaux : " C'est pas grave. C'est des farces. C'est Stern, faut pas le prendre au sérieux ! " Croyez-vous ?

Moi, je crois que le Canada entier flamberait.

La moralité ? Y'a pas de moralité. J'ai juste un doute, tout d'un coup, quant à l'utilisation que l'on fait du beurre dans ce pays. Le beurre, là, c'est pour mettre sur votre petit pain , vous le saviez ?

Puisqu'on parle de radio, pouvez m'expliquer pourquoi le gros qui était si bon dans les annonces du journal de Montréal est si nul à la radio, le samedi et le dimanche matin à CBF ? Prétentieux et provincial comme la présidente du cercle de prose et poésie du Témiscamingue, et toujours à se tortiller comme s'il était pressé par une éternelle envie de pisser, c'est agaçant... Si vous m'aviez dit qu'un jour j'aurais hâte au retour de LeBigot, je vous aurais giflé deux fois. Pourtant si.

LA SOURNOISERIE DU CASTOR -

Je pense que je vais mourir étonné. Ça fait 212 dans que j'écris cette chronique et vos réactions me surprennent encore. Pas tellement ce que vous dites. Mais le moment, l'occasion, l'élément déclencheur de vos commentaires, de vos critiques. Des fois j'écris un truc et je me dis oulala ! ça va gueuler. Rien. Pas un mot. D'autres fois, le contraire, je crois avoir écrit une petite chronique tranquille et voilà que ma boîte vocale déborde de vos protestations, mon pigeonnier de vos fax, vos lettres me poursuivent pendant un mois.

L'impression d'avoir mis le pied sur une fourmilière par inadvertance.

C'est arrivé la semaine dernière. Deux sujets la chronique. Le premier sur les vignobles de mon coin. Connaissant les susceptibilités des tycoons locaux, je m'attendais à une vendange de bêtises. Rien. Pas un mot.

Dans le second texte, je raconte le voyage d'une amie en Chine où elle est allée chercher le bébé qu'elle a adopté. Depuis le reportage-catastrophe de la BBC sur les orphelinats en Chine ( repiqué par un peu tout le monde ), les Chinois passent pour des tortionnaires qui foutent leurs orphelins à la poubelle en attendant que des matantes de Saint-Hyacinthe viennent les sauver des rats. Ce n'est pas ce que mon amie a vu. Elle a vu les nounous de l'orphelinat pleurer. Je trouvais le détail " signifiant ". Mais j'ai surtout évoqué un climat et je ne m'attendais pas à un seul commentaire.

Le déluge ! Vous devriez entendre les folies qu'on me dit dans ma boîte vocale. Les lectures débiles que l'on a faites de mon bout de texte. On me mêle à des chicanes entre écoles pro-adoption internationale et contre, genre : " Tu diras à ton amie qu'avant d'adopter une Chinoise elle aurait pu penser aux petits handicapés québécois qui attendent un foyer. " Fuck et refuck.

Mon amie a un chat et, va savoir pourquoi, le chat et la petite Chinoise restent sur leur quant-à-soi. J'ai trouvé drôle, pour la fin de mon article, de marier leur indifférence respective, et c'était en même temps un clin d'oeil à Lewis Carroll... You are nobody until, you have been ignored by a cat.

Vous devriez entendre les sottises que l'on m'a débitées, les intentions définitives que l'on m'a prêtées. Il y a même un monsieur qui m'a raconté : " Mon petit Chinois de 4 ans que je suis allé chercher dans la même ville que ton amie et mon gros chien ne s'approchaient pas au début. Tu sais pourquoi ? Parce que les Chinois mangent les chiens ! " Je vous jure sur la tête de ma petite-fille Bobinette que c'est ce qu'il a dit. C'est bien connu, quand les enfants chinois voient passer un chien, il disent : tiens, voilà ma collation.

Hey misère ! Je vous aime pareil, allez. Mais c'est vraiment parce que je déborde de bonté.

( Même sujet. Avez-vous lu la lettre qui accuse Chapleau - en B2 hier - de manquer de respect au peuple algérien ? Alors, que tout au contraire, anyway... Je suis pourtant d'accord sur un point avec ce lecteur ; c'est quand il dit que " l'horrible et l'inhumain ne semblent pas toucher Chapleau plus que la sournoise attaque d'un castor ". Çà, c'est vrai ! Je confirme que Chapleau deux choses du castor. La sournoiserie. Et l'autre, c'est pas les dents. )

FIGURATION -

J'étais figurant dans le film de De Palma. Tu sais ce que je fais dans le film ? Je fais semblant de travailler. Ça fait deux ans que je me cherche une job, deux ans. Et la première job que je trouve, c'est quoi ? Une job où on me demande de faire semblant de travailler. C'est comique, non ? Il me vient soudain à l'esprit que je fais de la figuration dans ma vie aussi. Je ne sais pas pourquoi je t'écris ça, j'écris jamais à personne. ( D. McLean, Montréal.)