Le jeudi 30 octobre 1997


1, rue des Cerisiers
Pierre Foglia, La Presse

Je repensais à Diana, la princesse, l'autre jour... Je pensais à Diana en lisant dans La Presse, le fait divers de Cap-Chat, cette jeune femme de 19 ans qui a perdu ses trois enfants dans un incendie. Un bambin de deux ans et demi. Sa petite sœur d'un an et demi. Un bébé de cinq mois. Je lisais et tantôt je trouvais épouvantable qu'ils soient morts, et tantôt je trouvais épouvantable qu'ils soient nés. Une si jeune femme. Dix-neuf ans. Trois enfants. Et soudain aucun. Je lisais et je trouvais plus épouvantable encore de repenser à Diana, à ses kilomètres de fleurs, à tous ces pleurs, à Candle in the Wind, à Bernard Derome à Londres dans son beau costume gris.

C'est drôle comme on est parfois frappé par des détails qui n'ont rien à voir. Le détail qui m'a accroché dans le fait divers de Cap-Chat, c'est le nom de la rue : rue des Cerisiers. " Les corps des enfants ont été découverts à l'étage de la résidence unifamiliale, située 1, rue des Cerisiers ". Cela m'a donné, un instant, très envie d'aller à Cap-Chat. Mais bon, pour voir qui, et raconter quoi ? Tout était dit, déjà.

Allen Cormier, le localier de l'hebdo de la région ( Le Riverain ), habite Cap-Chat. Il était en train de se faire la barbe quand une voiture de la police provinciale est passée sous sa fenêtre en faisant hurler ses sirènes. Le confrère s'est précipité. L'odeur de la fumée l'a guidé. Il a été le premier témoin sur les lieux. Il a vu les pompiers sortir, en pleurant, le corps bleu d'un enfant.

- Excuse-moi confrère, est-ce qu'il y a des cerisiers, rue des Cerisiers ?

- Non. Il y a des arbres mais ce ne sont pas des cerisiers.

Tout le reste était prévisible. On ne s'étonnera pas d'apprendre que la jeune femme était séparée. Elle venait tout juste. Elle avait connu son mari en famille d'accueil, c'était le fils de la maison, à peine plus vieux qu'elle. Enceinte à 15 ans. De nouveau enceinte à 17. De nouveau à 18. Ce matin-là, le plus vieux a joué avec des allumettes en bois...

Les funérailles ont lieu cet après-midi à Cap-Chat. Le curé ( il s'appelle Gérard et il a 60 ans ), dira sûrement que les trois petits enfants sont devenus des anges, il n'est pas exclu qu'il le croie vraiment, mais même, que pourrait-il dire d'autre ?

Allez savoir pourquoi je pensais à Diana, la princesse, en lisant dans La Presse, l'histoire de cette jeune femme de 19 ans qui a perdu ses trois enfants dans un incendie. Tantôt je trouvais épouvantable qu'ils soient morts, tantôt je trouvais épouvantable qu'ils soient nés, tantôt je trouvais épouvantable de penser à Diana, ne me demandez pas pourquoi j'y pensais, je ne sais pas, ce doit être à cause de ces kilomètre de fleurs, de tous ces pleurs de Candle in the Wind, de Bernard Derome à Londres danss on beau costume gris, tout ça.

Et à cause du ventre de cette jeune femme de Cap-Chat, comme un caddie vide renversé sur le parking d'un centre commercial à trois heures du matin.

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ÇA NE CHANGE PAS LE MONDE -

On n'est pas en Afrique pour se faire bronzer, c'est sous ce titre accrocheur que l'organisme de coopération internationale Terre sans Frontières lance sa campagne annuelle de financement. Objectif de la campagne : vendre 3 000 billets à 100 $. Premier prix de cette loterie, parce que c'en est une, premier prix, une Mercedes-Benz 4x4 d'une valeur de 63 000 $ ( mais le gagnant pourra choisir, s'il le préfère, 50 000 $ en argent )

Deuxième prix, un voyage en Thaïlande.

Troisième prix, un voyage à Hawaii.

Je viens de téléphoner à Terre sans Frontières :

- J'ai bien compris mademoiselle ? En achetant un billet à 100 piastres, je sauve un petit Africain de la famine et je cours la chance de gagner une Mercedes-Benz ?

- C'est exactement ça, monsieur.

- Whaô, c'est le fun. Cout'donc, vous apprêtez-vous à lancer Loto-Afrique ?

- Euh non, je ne crois pas.

- Vous devriez. Comme ils disent à la télé ça ne change pas le monde, mais qui a encore envie de le changer ? Hein madame Chose ? Qui ?

Trêve d'ironie. Renseignements pris, on m'assure que c'est du bien bon monde qui oeuvre à Terre sans Frontières, de saints curés pleins de bonnes intentions, mais dieu de dieu que je trouve quand même malséante, pour ne pas dire indécente, cette charité en forme de 6/49.

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LE CANDIDAT CANDIDE -

M. McCullock est candidat à la mairie de Lachine. Son programme tient tout dans cette formule rabattue : faire plus avec moins. Rien de bien original, c'est ce que disent depuis des années tous les politiciens sans jamais préciser le mode d'emploi. On comprend qu'ils vont couper sur à peu près tout, voilà pour, " le moins ". Pour " le plus ", c'est beaucoup plus flou et pas toujours artistique.

Dans un remarquable effort de transparence, M. McCullock innove en dressant la liste exhaustive des plus et des moins qu'il promet à ses commettants. " Si je suis élu maire de Lachine, voici ce que vous aurez en plus et voici ce que vous aurez en moins... " Sa liste est publiée dans les journaux par son agent officiel.

Les plus sont d'abord sans surprise, plus de transparence, plus de démocratie, plus de sécurité... puis on glisse... plus de pompiers, plus de calèches, plus de sport amateur, plus de danse, plus de terrains pour les chiens, plus de familles heureuses et plus de... lachinisme !

Qu'est-ce que le lachinisme ? J'ai cru comprendre qu'il s'agit d'une sorte de dévotion au canal de Lachine qui deviendrait plus ou moins sacré. Les familles heureuses iraient s'y purifier comme les hindous vont se purifier dans le Gange...

La liste des moins, maintenant. On ne s'étonne pas de trouver moins de taxes, moins de gaspillage, moins de bureaucratie, moins de dettes, mais tout à coup, en plein milieu de la liste, entre moins de nids-de-poule dans les rues et moins de stationnements payants, on tombe sur ce très étrange : " moins de desserts " ???

M. McCullock se propose-t-il d'interdire la tarte aux pommes à Lachine ?

Avant, les candidats qui proposaient des trucs du genre venaient du parti Rhinocéros. C'était pour rire. Maintenant c'est des vrais débiles. On rit pareil, mais peut-être qu'on ne devrait pas.