Le jeudi 5 mars 1998


Le rôle des céréales dans le processus créatif
Pierre Foglia, La Presse

Pour améliorer la qualité de l'éducation, pour faire le point sur l'enseignement du français, des sciences, pour questionner les méthodes et les ressources, les commissions scolaires tiennent des colloques.

Bien.

Il y a trois semaines, au colloque de la commission scolaire des Manoirs ( dans le bout de Terrebonne ), les profs pouvaient aller se ressourcer dans des ateliers très divers consacrés aussi bien à la préparation aux examens, qu'à l'incidence de la violence familiale sur le comportement des élèves, qu'à l'utilisation du cédérom en classe, qu'au partage du pouvoir avec les élèves...

Très bien.

Mais que vient foutre dans un colloque de professeurs, que vient foutre un atelier sur le Jin-Shin-Do, la conscience qui mène au changement, qui favorise un état de relaxation profond dans lequel le participant peut laisser son mental s'apaiser pour contacter son senti-corporel ? C'est quoi le senti-corporel ? C'est quoi ce charabia de massothérapeute...

Que vient foutre dans une école un atelier sur les céréales entières, trame énergétique des processus créatifs ? Je savais que les céréales " facilitent le transit ", autrement dit que c'est très bien pour aller chier, mais pas pour chier de la copie. Je le saurais. J'en mangerais.

Que vient foutre dans une école une formatrice en médecine chinoise et son prêchi-prêcha sur le Qi Gong, méditation en mouvement, un art millénaire chinois ? What about la grammaire, un art millénaire latin ?

Que vient foutre dans une école un atelier sur le focusing, c'est exactement comme ça que c'est écrit dans le programme, le focusing qui permet aux élèves de se réapproprier... leurs couleurs personnelles ! Quand allez-vous arrêter de fuckusser les enfants avec vos fuckussantes conneries nouvelâgeuses ?

SECONDAIRE CINQ -

Pour devenir prof dans une commission scolaire de l'île de Montréal, il faut, depuis avril 1996, passer un test de français. Pas seulement pour devenir prof de français. Pour devenir prof de n'importe quoi.

Les huit commissions scolaires de l'île ont confié au CEFRAN, centre d'évaluation du français écrit, le soin de faire passer ces tests et de les corriger. Géré par la commission scolaire Jérôme-LeRoyer, le CEFRAN est logé à Anjou où doivent se rendre les candidats qui doivent aussi payer 50$ pour les frais de correction.

Le test comporte une partie grammaticale et orthographique et un texte d'opinion, une composition comme on disait dans mon temps. Le test est de niveau secondaire cinq fort. Ce n'est pas moi qui le dis, C'est le directeur du CEFRAN. Et c'est la volonté des commissions scolaires : niveau secondaire cinq fort.

Le test est considéré comme réussi avec une note de passage de 60%. Encore que certaines commissions scolaires exigent 80 % (pour un poste de prof de français par exemple ).

Huit mille aspirants profs ont passé le test du CEFRAN en 1997. Deux mille quatre cents l'ont échoué ( 30% ).

Répétons-le: un test de niveau SECONDAIRE CINQ fort.

Ajoutons-le: les profs ont le droit de passer ce test orthographique et grammatical avec un dictionnaire et une grammaire ! ! !! !

En cas d'échec, les recalés ont droit à deux reprises.

J'ai complètement oublié de demander s'ils avaient droit aussi à un bol de céréales.

VIVE LES SCOUTS -

Je reviens sur ma chronique de mardi qui parlait du bois ramassé en prévision de la prochaine tempête de pluie verglaçante. Ce bois pourri qui va achever de pourrir dans la cour des municipalités.

Sur le même sujet, Montréal ce soir donnait hier soir la parole à des fonctionnaires de la Sécurité civile qui disaient des folies du genre " Le bois nous a été donné, on n'était quand même pas pour vérifier si c'était du bon bois... " Nono ! L'attrape, c'était le transport. Les chauffeurs et surtout les propriétaires des camions étaient morts de rire. Ils savaient bien eux, que tout cela ne servait à rien..

Ma collègue Martine Biron termine son topo en notant que, pourri ou pas, du bois, ça ne se garde pas plus de deux ans. Du bois franc encore vert, peut-être. Celui-là, tout coti, beaucoup moins, environ six mois. Faudrait donc que la prochaine tempête de pluie verglaçante arrive au plus tard au mois d'août.

Je continue de tenir une certaine grande presse indirectement responsable de cette farce-là par la pression indue qu'elle a foutue sur la Sécurité civile. Une presse bien trop snob pour jouer au flic, mais qu'est-ce qu'elle aime se souvenir qu'elle a été scout.

SI J'AVAIS UN MARTEAU -

Dans les années 80, je portais un macaron populaire chez les rock'n'roll qui disait : " Si j'avais un marteau - if I had a hammer - il n'y aurait plus de folk singers... "

Il eût été dommage que moi, ou un autre, éteigne l'engeance des folk singers à coups de marteau. Cela nous aurait privés, 18 ans plus tard, de ces superbes coffeehouse girls qui ont raflé les honneurs aux Grammys la semaine dernière, Paula Cole révélation de l'année, Shawn Colvin, disque et chanson de l'année, la Canadienne (de Halifax) Sarah McLachlan, chanteuse pop de l'année, Fiona Apple chanteuse rock de l'année, Erykah Badu, l'album R'N'B...

Elles ont un air de famille (comme si Joni Mitchell était leur grand-mère ) un air de famille qui transcende leurs différences musicales, leurs différences de style et d'inspiration. Elles ont une même manière d'être belles qui est surtout une façon de n'être pas connes du tout, c'est dire combien elles nous changent agréablement de Céline à la voix d'or et aux yeux de velours, tchika tchik aie aïe aïe.

Leurs chansons bien ficelées et leurs guitares acoustiques - si on m'avait dit que je célébrerais un jour la guitare acoustique - nous changent agréablement aussi du grunge et du rap misérabiliste des faux gangsta de banlieue. Bref, si j'avais un marteau, if I had a hammer, j'en crisserais plutôt un coup sur la tête de Dylan pour qu'il arrête de se renier et de renier en même temps cette époque que les Paula Cole et Shawn Colvin sont en train de revernir.

EXCUSEZ-MOI J'AI UN PETIT PEU MAL AU COEUR -

Je ne connais pas M. Gilbert Rozon, je n'ai jamais eu affaire à lui, ce n'est ni un ami ni une connaissance que je veux défendre ici, d'ailleurs je ne le défends pas, je dis seulement que je sens dans l'air comme une fièvre fétide et carnassière, c'est la foule des braves gens qui va s'exciter le poil des jambes à la grand-messe du cul et du sang. Je voulais juste vous dire que vous ne m'y verrez pas. Je hais cette foule-là.