Le mardi 10 mars 1998


Le courrier du genou
Pierre Foglia, La Presse

J'ai rapidement parlé la semaine dernière du Céfranc où les nouveaux profs des commissions scolaires de l'île de Montréal doivent obligatoirement, depuis deux ans, satisfaire à un test de français. Deux erreurs. D'abord Céfranc s'écrit avec un " C ", puisque c'est le sigle pour centre d'évaluation du français écrit. Ensuite il était erroné d'avancer comme je l'ai fait que les profs ont le droit de consulter une grammaire et un dictionnaire pour la partie grammaticale et orthographique du test. Le dictionnaire et la grammaire sont autorisés seulement pour la rédaction de la seconde partie, le texte d'opinion. S'cusez.

Les profs ont réagi en grand nombre pour le coup des dictionnaires, s'cusez encore, mais aussi pour me dire tout le mal qu'ils pensaient du Céfranc. Surtout les profs syndicalistes...

Dieu sait que s'il y a un endroit où l'on ménage les syndicats et où l'on montre de la sympathie, voire de l'admiration, pour les profs c'est bien dans cette chronique, mais là ! Là j'ai comme un petit problème.

Rappelons que 30 % des profs échouent ce test de niveau secondaire ce qui est considérable. On me répond, comme si c'était une excuse, que c'est la formation des profs qui est fautive. On ajoute, et c'est ici que je grimpe dans les rideaux, on ajoute : " Qu'est-ce que ça peut bien faire, M. Foglia, qu'un prof de sciences écrive des drapeaus avec un " s " plutôt qu'avec un " x " ? "

Ce que ça peut faire ? Vous n'êtes pas sérieux ! Ça fait toute la différence entre une école et un centre de croissance personnelle.

On peut être Prix Nobel de science, premier ministre du Canada, avocat, informaticien, journaliste, n'importe quoi et ne pas savoir que drapeaux au pluriel prend un " x ". Ce n'est pas très grave.

Mais prof, si. C'est très grave.

Même prof d'arts plastiques. Un prof qui ne sait pas que drapeaux au pluriel prend un " x " est aussi incongru dans une école qu'un flic aveugle qui dirigerait le trafic à l'heure de pointe.

À BÂTON ROMPU - Lettre d'un lecteur haïtien, M. Gérard Belotte, qui me reproche d'avoir laissé entendre assez subtilement qu'il y avait un problème d'enfants battus dans la communauté haïtienne.

Je m'excuse, d'avoir été subtil. Je reprends, donc. Il y a un problème de parents qui abusent physiquement leurs enfants dans la communauté haïtienne. Suis-je plus clair ainsi ?

Et cela n'a rien à voir avec la langue M. Belotte. Vous avez beau m'expliquer qu'en créole c'est pas pareil, que le créolisme l'enfant doit être battu ne doit pas être pris au pied de la lettre, quand il y a brûlure et fracture de membres, on est loin de la sémantique et de la taloche impatiente que la mère allonge à son petit monstre.

Cette information émane, de l'intérieur même de votre communauté, elle émane d'une lucide reconnaissance qu'il existe dans la communauté haïtienne une pratique de la correction physique qui prend chez une minorité, mais une minorité assez conséquente pour qu'on s'en inquiète, des allures de sévices physiques.

Je vous invite à prendre connaissance des réflexions de Mme Amanthe Bathalien qui a été mandatée en septembre dernier pour identifier les éléments de cette réalité particulière.

ENCORE LA POÉSIE - Les jeux de mots sont presque toujours débiles, mais il en est de pires que d'autres, comme celui-ci, en forme de poème, extrait de Désire désirs de Daniel Roy : Les mots qui blessent / Les mots aiment les gestes qui apaisent / Les pots aiment ?

Je suppose que oui mon vieux. Les pots aiment... être des pots. Des pots-êtres.

LE CIRQUE - Les derniers Jeux olympiques m'ont apporté un lourd courrier, lourd dans le sens de balourd... " Et le basketball, me dites-vous ! " Quoi le basketball ? On joue au basketball masculin et féminin dans plus de cent pays dans le monde et on y joue très bien. Alors qu'on joue très mal au hockey féminin dans quatre des six pays où on y joue. C'est quoi le rapport ?

Vous m'avez donné un bel aperçu de votre culture sportive avec cette ineptie qui revient dans presque toutes vos lettres : " Il y a un début à tout. " Pis ? Le type qui apprend à chanter fait-il ses débuts à la Place des Arts ? Les Jeux olympiques c'est dix fois la Place des Arts, c'est la Scala du muscle et des habiletés physiques. On ne va apprendre à jouer au hockey à la Scala, sacrement.

Le hockey féminin. Le patinage de vitesse courte piste. Le ski acrobatique. Les bosses. Dans toutes ces disciplines, sauf peut-être aux États-Unis et au Canada, on forme des athlètes, on monte des équipes uniquement POUR LES BESOINS du cirque olympique. Exactement comme le vrai cirque forme ses trapézistes et ses acrobates pour ses besoins.

C'est la question qui se profile derrière tout cela : du sport ou du cirque ? Le sport suppose une pratique populaire assez large pour dégager des élites qui s'affronteront, éventuellement, dans une logique de compétition. Alors que le cirque exhibe des curiosités et des phénomènes dans une logique de spectacle.

J'aime bien le cirque aussi, de temps en temps. Mais pour en parler vous serez bien mieux avec Réjean Tremblay à la même adresse. Ou avec Ron Fournier à CKAC. N'oubliez pas de leur dire que c'est moi qui vous envoie, ils vous feront une réduction.

L'INSPIRATION - J'ai 48 ans, je suis un cours de création littéraire, je crois bien que je n'ai jamais autant trippé de ma vie. Avez-vous déjà essayé de créer un personnage, puis de le laisser se détacher de vous, pour qu'il vive sa propre ? Grisant. Une bonne fois, donnez-vous la peine... ( Serge Guillet, Montréal )

Monsieur j'ai essayé cent fois. Peut-être mille. Je crée un personnage. Je lui donne un nom. Armand. Victor. Ou Gaston. Je le lâche lousse et savez-vous ce qu'il fait à chaque fois ? À CHAQUIE FOIS. Il va dans ma bibliothèque et en sort trois livres, le Voyage au bout de la nuit de Céline. L'Attrape-coeurs de Salinger. Et les Possédés de Dostoïevski. Et il les lit. Et les relit. Et les relit. Et moi je suis là, comme un con, à attendre qu'il ait fini.

MINOU, MINOU - Je suis Marie, Marie-au-cahier-bleu, ça ne va pas fort ces jours-ci, un de mes copains est mort, je braille beaucoup, mais je m'accroche, comme dirait mon auteur favori : " Quand la vie ne tient qu'à un fil, c'est fou le prix du fil. "

PS. J'ai deux nouveaux chats, une petite chatte rayée chez papa qui renverse tout. Et un avec des puces chez maman. Vous n'auriez pas des idées pour les noms ?

Si. Titanic et Ti-tannant.