Le mardi 5 mai 1998


À droite et à gauche
Pierre Foglia, La Presse

Je ne sais pas quel était le sujet de Droit de parole, l'autre soir à Télé-Québec. Les jeunes et la politique ? Mai 68 ? Peu importe. Je suis tombé en zappant, sur un jeune artiste, comédien je crois, qui disait, avec cette moue fatiguée que prennent les jeunes pour parler de ces choses-là: la droite et la gauche n'existent plus, c'est un vieux discours, un vieux concept bouffé aux mythes auquel s'accrochent, comme à un lampadaire, les épaves de la social-démocratie. ( Pour être exact, ce ne sont pas du tout ses paroles, mais c'est tout à fait ce qu'il voulait dire.)

La droite n'existe plus, c'est vrai. Elle s'appelle maintenant le " libéralisme ". La différence ? La droite avait des idées, détestables, mais des idées quand même ; le libéralisme a des experts en marchés financiers. Le libéralisme est devenu la modernité en se décrétant inévitable. Pourquoi questionner ? Pourquoi des débats ? Puisque c'est inévitable. Do it.

Mais comme bien du monde, le jeune homme se trompe pour la gauche. Comme bien du monde, le jeune homme prend la gauche pour le mur qui est tombé à Berlin. La gauche n'est pas un mur. C'est un ressort. Il suffit d'une injustice pour le retendre. Ou d'un petit con, à la télé, qui dit que la solidarité est archaïque. Ou d'un entrefilet comme celui-ci, découpé l'autre jour dans La Presse...

En Ontario, les femmes enceintes ayant droit aux prestations d'aide sociale avaient droit aussi à un supplément dit " alimentaire " de 37 $ par mois. Ce supplément à été supprimé par le premier ministre Mike Harris, qui a ainsi justifié, sa décision : " Ce dont nous voulons nous assurer, c'est que ces dollars ne servent pas à acheter de la bière. "

Hé ! le petit tôton de la télé, j'te cause pas des barricades de 1848 ou du Front populaire de 1936, ou de la grande crise des années 30, ou de mai 68 ! Je te parle d'il y a 15 jours à peine, je te parle du premier ministre de la province la plus prospère d'un des pays les plus riches du monde, qui supprime l'allocation des femmes enceintes nécessiteuses parce qu'il les soupçonne de boire de la bière.

Quand tu sais que Harris est un des modèles de Jean Charest, où tu les classes ces deux-là, dans ta modernité libérale ? Ni à droite ni à gauche puisque, c'est entendu, la gauche et la droite n'existent plus. Où, alors ?

Un peu en dessous de la limace ?

VOIX D'AMÉRIQUE -

Comme bien d'autres diffuseurs d'Amérique, le plus écouté des FM du Vermont (WIZN 106,7) vient de céder à la tentation Howard Stern, au grand déplaisir d'une partie de son auditoire, tout ébouriffé par les propos du sulfureux animateur... Ajoutant l'insulte à la provocation, WIZN a fait paraître l'autre jour dans le Burlington Free Press une pleine page de pub sous forme d'une fausse lettre d'excuses, signée Stern, sorry, guys de déranger vos étroites certitudes...

Le Free Press publiait samedi les réactions scandalisées de ses lecteurs. Une flopée de lettres raisonnables et frileuses. La voix de l'Amérique. Une voix de vieille femme qui serre les cuisses. Une voix de cafard blanc. Une voix qui houspille des enfants dans un parking de Wal-Mart un dimanche après-midi. On entend le grincement des roues du caddie monter vers un ciel absent.

Et si c'était cela, Howard Stern ? Une pierre dans le puits profond de l'Amérique qui fait remonter la vase ? Si c'était cela, ce serait déjà pas si mal.

FROMAGES -

Parlant de Burlington, fait longtemps que vous y êtes allé ? Alors vous ne connaissez pas le NECI Commons, le nouveau resto de la rue piétonne. Le New England Culinary Institute (NECI) de la capitale du Vermont (Montpelier) a ouvert à Burlington cette brasserie sympa et abordable même avec nos dollars dévalués. Plus chic le soir, mais le midi les calmars frits sont à 5,50 $, le saumon fumé aussi à 5,50 $. Des salades, des calzon au poulet, plein d'autres trucs.

Toujours à Burlington, à l'épicerie Cheese Outlet, rue Pine, un camembert et un brie étonnants, au lait de Jersey, la vache emblème du Vermont qui donne un lait très gras. Le meilleur brie nord-américain sur le marché. Tant qu'à y être, essayez aussi le chèvre dur de la Major Sheep Farm vieilli à la mode sarde, fabriqué aussi au Vermont...

LE POINT DE RIZ -

Vous savez comme je suis fou de bénévolat ? C'est pas compliqué, j'ai pour le bénévolat la même passion que pour le patinage artistique. D'ailleurs je me suis souvent dit que lorsque je serai à la retraite, plutôt que d'aller jouer aux cartes comme un con dans un club de l'âge d'or, mon rêve serait de faire du bénévolat dans un club de patinage artistique de banlieue. M'occuper des costumes. Ou coller des timbres sur les invitations.

Mais voilà que j'ai soudain un doute... J'ai sur mon bureau une lettre de 16 pages d'une bénévole très très déçue du Club de tapinage artistique de Brossard. J'ai rien compris à sa lettre. Rien. Tout ce que je sais, c'est que la chicane est pognée, La couturière a démissonné, une secrétaire a été renvoyée, et je crois même que leurs noms ne figuraient pas dans le programme de la revue sur glace de fin d'année qui avait lieu la semaine dernière. N'est-ce pas épouvantable ? Et incompréhensible ? Une banlieue propre. Un sport propre. Des mamans toujours bien coiffées. Des petits enfants qui font, en veux-tu en voilà, des triple axels et des double lutz. Une féerie de décors sous des éclairages magiques. La musique de Grease. Qui se douterait d'un tel noeud de vipères ?

Je suis déçu. Ah oui. Beaucoup. Et je ne sais plus ce que je vais faire quand je serai vieux.

Du vélo, dites-vous ?

Ah non, pas du vélo.

Vous savez, dans mon papier de samedi sur le Viagra, la pilule contre l'impuissance qui intrigue ces jours-ci toute l'Amérique, je vous parlais d'un comptable du Mass plus ou moins impuissant qui a retrouvé toute sa vigueur, et même un peu plus, grâce à cette petite pilule magique. Ce que je ne vous ai pas dit, c'est comment ce comptable est devenu impuissant. Je cite ici le Time : " Il souffrait d'une impuissance partielle causée par des années de pratique du cyclisme "...

Alors voilà, j'ai vendu mon vélo et je viens, de me mettre au tricot. Ah oui, je voulais vous demander : c'est comment, déjà, le point de riz ? Deux mailles à l'endroit, une l'envers ?

Une maille à droite, une maille à gauche ?