Le mardi 18 août 1998


Drame d'été
Pierre Foglia, La Presse

Un camping, un lac. Fait beau, fait chaud. Plein de monde. Un monsieur sur la plage avec ses amis. Sa petite fille, cinq ans, joue dans l'eau. Le monsieur lève les yeux : plus de petite fille. Il court vers les sauveteurs qui patrouillent la plage, mademoiselle, mademoiselle, ma petite fille a disparu !

La jeune femme organise immédiatement les recherches, demande l'aide des adultes alentour, envoie le père vérifier aux toilettes si la petite n'y serait pas. La jeune femme, 18 ans, est sauveteur brevetée en piscine et en plage, monitrice de la Croix-Rouge, elle est aussi instructrice ( elle forme des sauveteurs et leur fait passer des examens ).

La petite fille est retrouvée sur le fond. Son coeur bat encore très faiblement. La jeune femme commence la réanimation, mais le père la bouscule, la tasse, s'impose, exige qu'on le laisse faire, et se met à brasser sa fille, pour en faire, sortir l'eau. Les amis du père s'interposent, essaient de lui faire entendre que ce n'est pas la bonne méthode pour réanimer un noyé. Des coups de poing sont échangés entre le père et les amis. Finalement le sauveteur et des ambulanciers peuvent reprendre la réanimation. Trop tard. La petite meurt.

Trop tard de toute façon ? L'enfant serait-elle morte si... Disons-le. On ne ramènera pas la petite avec des si. On peut comprendre que le père ait perdu les pédales, on comprend moins qu'il ait dénoncé publiquement le travail des sauveteurs, protestant surtout contre le fait qu'au début des recherches, on l'ait envoyé chercher sa fille aux toilettes. C'est pourtant la bonne procédure, il faut envoyer un parent ou un proche qui connaît l'enfant, vérifier s'il ne serait pas dans les aires de jeux ou les toilettes.

Démolie par le drame, mais aussi par la façon dont on l'a rapporté publiquement dans les journaux, ulcérée par les reproches du père, la jeune femme a quitté sa job de sauveteur. Elle a passé un été misérable, ça va un peu mieux maintenant et elle compte sur la reprise des cours au cégep pour oublier tout ça. Ce qu'elle voudrait dire, cependant, avant de tourner la page, et c'est pour cela qu'elle m'a écrit en insistant bien pour que cela ne prenne pas des allures de règlement de comptes et surtout pour que les malheureux acteurs de ce drame ne soient ni identifiés, ni identifiables, ce qu'elle me prie de communiquer aux parents, c'est qu'on ne laisse pas une petite fille de cinq ans aller jouer tout seule dans l'eau.

Eh bien voilà, c'est dit.

FUCKER LA LANGUE -

Je commençais ma chronique de samedi par une parenthèse syntaxique, item-article, spéciaux-aubaines, effets scolaires-fournitures scolaires. Ce que je craignais est arrivé, j'ai reçu une centaine de dénonciations de mauvaises traductions, de fautes relevées ici et là dans des pubs, des articles de journaux, voire dans mes propres chroniques.

Excusez-moi d'être un peu brutal, je n'en ai rien à foutre. Surtout des mauvaises traductions. Depuis trente ans bientôt que je travaille à La Presse, je reçois au moins une mauvaise traduction par jour d'un téteux scandalisé : c'tu effrayant monsieur Foglia.

M'en crisse, monsieur Chose.

Je ne suis pas le père-la-virgule que vous croyez. Les fautes, rien à foutre. A moins, À MOINS qu'elles consacrent une pratique généralisée, qu'elles aient force de mauvais exemple universel. Ce n'est la faute qui me fait freaker, c'est son origine. L'école par exemple. Une faute qui vient de l'école est toujours un scandale, toujours un crime commis contre le langage puisque l'école est le moule du langage. Est-ce si difficile a comprendre ?

L'école ou la ville de Montréal. Quand une ville d'un million d'habitants fait une faute sur une pancarte, c'est comme si elle se la tatouait sur le front. Ce n'est pas qu'une faute, c'est une proclamation en tôle, affichée toute l'année pendant des années dans toutes le rues de cette ville qui se pète les bretelles d'être la seconde plus grande ville francophone de la planète. Demandez autour de vous, pour le fun, comment s'écrit résident dans " stationnement réservé aux résidents ".

Eh bien non, justement, pas comme ça. Pas avec un " E ". C'est résidant qu'il fallait écrire. Les gens qui habitent le quartier Rosemont sont des résidants du quartier Rosemont. Avec " E ", ce sont les personnes établies dans un autre pays, " les résidents Canadiens en France ".

Le plus grave là-dedans c'est quand on appelle à la Ville de Montréal pour signaler la chose : Bof !

Bof on a autre chose à faire. Bof c'est pas grave. Bof la culture. C'est comme ça qu'on fucke une langue. Pas quand les journalistes parlent mal comme moi. Pas quand les anglophones la traduisent tout croche.

GELÉE OU GAGA ? -

Il est de bon ton chez les élus interrogés sur la légalisation des drogues douces, d'avouer avoir déjà fumé du pot. Ainsi Diane St-Jacques, la députée conservatrice du comté de Shefford...

- J'en ai fumé deux fois si je me rappelle bien, je n'ai pas aimé ça du tout, confiait-elle la semaine dernière à une collègue journaliste de La Voix de l'Est.

- Une fois, c'était au mariage d'un de mes oncles, ce ne devait pas être du bon pot, plusieurs ont été malades...

Ç'est pas pour vous ostiner madame chose, mais ce que vous racontez ne tient pas debout. Le pot, c'est pas comme le speed ou la coke, ou la mescaline. Le pot, quand il est pas bon, ça fait rien. Rien du tout. C'est comme fumer du foin.

Si au mariage de votre oncle plusieurs ont été malades en fumant le même pot, c'était pas le pot, niaiseuse, c'était le pâté chinois.

GRAFFITI -

C'est à la limite de Verdun et de Montréal, dans un triangle d'usines désaffectées coincé entre le canal Lachine et l'autoroute 20, exactement au coin Cabot et Laurendeau, dans un passage souterrain sous une voie ferrée, sur le mur de droite en allant vers le canal Lachine, ce graffiti d'une bien involontaire causticité, ce suave barbarisme ( un mot pour un autre ) qui ne fera pas sourire les féministes, tant pis, je vous le rapporte quand même pour la poésie de la chose.

Fille cherche gars pour se faire maitre.

( Non, je vous ne parlerai pas de Monica Lewinsky, je n'y pensais même pas. )