Le jeudi 20 août 1998


Ferme ta fenêtre !
Pierre Foglia, La Presse

Je vous ai déjà raconté que j'avais fui la maison de mes rêves parce que la scierie voisine faisait, nuit et jour, un bruit qui m'amenait tout doucement à la folie et peut-être au meurtre.

Un ami qui a pignon sur le fleuve vient de m'appeler : son premier voisin va ouvrir, en toute légalité, un stand de patates frites, avec des tables, des gens aux tables qui vont parler fort jusqu'à 11 h le soir, avec de la musique, avec des poubelles, avec des millions de mouettes, avec des voitures qui arrêtent et qui repartent.

Lui aussi en a pour quelques années à s'endormir en rêvant de meurtre d'incendie, de bombes, de lance-flammes, et de strychnine dans les frites. C'est le même ami qui était allé voir le maire de son village l'année dernière pour se plaindre des motomarines : " je ne peux plus écrire dans mon bureau tellement ça fait du bruit. " Et bien sûr, le joyeux moron de maire lui avait répondu : " T'as qu'à fermer ta fenêtre. "

On a fait exactement la même réponse à une amie d'un village voisin qui ne s'entend pas parler dans son salon à cause du bruit que font deux immenses séchoirs a grain : " Ferme tes fenêtres. " Et comme elle insistait : " Si t'es pas contente, retourne donc vivre en ville. "

Quand on blesse volontairement quelqu'un, on va en prison. Mais si on détruit sa vie par le bruit, c'est pas grave : c'est le droit de s'amuser, le droit de produire, le droit de vendre des vroum-vroums merdiques qui prime.

J'ai lu l'excellente chronique de Mme Gagnon - Le fléau de l'été, sur les motomarines - et cette semaine, Le Point revenait sur le sujet en insistant sur la sécurité des usagers. On se tue beaucoup, semble-t-il, sur ces engins. On veut réglementer pour qu'on se tue moins. Je laisserais, quant à moi, les usagers mourir encore un peu. On devrait protéger d'abord ceux qui n'ont rien demandé. Les protéger entre autres du bruit. On n'a pas le droit de transformer la cour de milliers de riverains de rivières et lacs en piste de motocross...

Le bruit est-il, la pollution numéro un de notre société ? J'ai envie d'y aller voir. Entendre surtout. Avec votre collaboration.

Si le bruit vous dérange, plus exactement si UN BRUIT en particulier vous dérange, peut-être pas celui des motomarines, dont la saison tire à sa fin, mais par exemple celui des avions pour ceux qui sont sous un couloir aérien, celui des camions d'une carrière voisine, d'une industrie proche, d'une piste de motocross, d'une thermopompe, n'importe quel bruit, écrivez-moi, faxez-moi ( 285-6808 ) ou laissez-moi un bref message dans ma boîte vocale ( 285-7614 ), en spécifiant la nature du bruit et vos coordonnées.

Je vous rappelle avant ou après mes vacances, je ne sais pas encore.

MICHAEL-ANGE -

Début juillet, la revue Time consacrait tout un numéro à Michael Jordan.

Réaction des lecteurs, deux semaines plus tard : Voilà l'homme qui est probablement le plus admiré sur la planète par les enfants. Et quel message leur envoie-t-il ? Le message d'acheter des souliers Nike. Quel dommage. Imaginez s'il leur envoyait le message de ne pas se droguer, de travailler fort à l'école, de respecter leurs parents, imaginez...

Imaginez rien du tout. Si Jordan faisait la morale aux enfants, il ne serait plus l'athlète le plus admiré de la planète. Il serait mère Teresa. Et reprocher à Jordan de ne pas dire aux enfants d'être sages est à peu près aussi niaiseux que de reprocher à mère Teresa de ne pas savoir dunker.

Un autre lecteur - Le plus grand n'est pas Jordan, c'est Gretzky. Le plus grand quoi ? Le plus grand athlète ? A mon avis, ni Jordan, ni encore moins Gretzky, n'est le plus grand athlète du siècle. Jordan est accessoirement un extraordinaire joueur de basket-ball ; ce qui le place hors catégorie, c'est qu'il donne l'impression - fondée ou non - que personne au monde ne fait mieux ce qu'il sait faire que lui. Pas un plombier qui ne fasse mieux de la plomberie, pas un menuisier qui ne fasse mieux de la menuiserie, pas un peintre qui ne peigne, pas un musicien qui ne compose, pas un écrivain qui n'écrive mieux que Jordan joue au basket-ball.

Il ne faut pas se demander si Jordan est plus grand que Jesse Owens, Carl Lewis, Paave Nurmi, Émile Zatopek ( les vrais candidats au titre d'athlète du siècle )... Il faut se demander s'il est l'égal de Mozart, de Michel-Ange.

Jordan, c'est Michael-Ange.

VÉLO -

Québec-Montréal, la grande classique du cyclisme canadien, une des dernières qui reste, sera courue le dimanche 29 août. Grande innovation cette année, la veille de la vraie course, le samedi donc, le Défi Via Rail propose aux cyclos sportifs un Montréal-Québec ( départ de Saint-Lambert ) de 265 kilomètres qui ne s'adresse pas, on l'aura compris, au tout-venant de la pédale. Deux cent soixante-cinq kilomètres en vélo, c'est dull longtemps quand on n'avance pas. Par contre, si vous pouvez tenir ( confortablement ) un beat de 32/33 km/h, alors vous aurez plein de petits amis pour vous relayer jusque sur Grande Allée. Entre 200 et 350 participants sont attendus, le coût d'inscription de 50 $ inclut le billet de train retour.

( Le montant des inscriptions sera versé à la Fondation des Ailes de la Mode pour venir en aide aux enfants atteints de fibrose kystique.) On s'inscrit au Cyclo Défi Via Rail en appelant au 830-1373.

Je n'y serai pas, non. Trop fort pour moi, et aussi, la même fin de semaine, je serai au Grand Prix féminin international du Canada qui se courra dans ma région, quasiment dans ma cour, du 26 au 30 août.

BASEBALL -

Ah ah, vous vous demandez bien ce que je vais pouvoir dire sur le baseball puisque je n'y connais strictement rien...

Rassurez-vous : j'en parle juste le temps de saluer deux amis. L'un, Alain de Repentigny, ami de longue date, vient d'être nommé directeur du cahier des sports de La Presse. Une de ses grandes passions dans la vie est justement le baseball. Félicitations, mon vieux.

L'autre est mon ami depuis seulement cinq minutes ; il n'est pas encore au courant qu'il est mon ami. Il s'agit de M. Peter T. Lochtie, de Laval. Je viens de lire, à l'instant, la lettre qu'il a envoyée à la revue Time en réaction au dossier sur le baseball publié par cette revue deux semaines plus tôt : Le baseball, dit M. Lochtie - numéro du Time du 17 août, page 3 - le baseball is a game invented by morons, watched by morons and played by morons.

Olé.