Le jeudi 3 septembre 1998


" Tu m'as coupé, mon crisse ! "
Pierre Foglia, La Presse

On a procédé, ces jours-ci, devant le comité de déontologie policière, aux représentations sur sanction, dans l'affaire Normand Proulx.

Normand Proulx est l'inspecteur-chef de la Sûreté du Québec et actuel commandant du district de Montréal. Il y a trois ans, alors qu'il n'était pas en service et circulait dans une voiture banalisée, il s'est fait couper par un automobiliste à la sortie du tunnel Louis-Hippolyte... La chose n'est pas si rare, un speedé se rabat un peu vite devant nous, on met les brakes, on sacre, on klaxonne, on rêve qu'on est flic, qu'on le rattrape, qu'on y crisse une contravention et peut-être même une claque sur la gueule.

Normand Proulx n'a pas besoin de rêver qu'il est flic. Il l'est et même plus que ça : inspecteur-chef, commandant, plus ou moins adjoint au directeur de la Sûreté du Québec. Il rattrape le tata, le colle :
- Tu m'as coupé, mon crisse ! Je suis policier, donne-moi ton permis... Le tata regimbe. Proulx menace : " Tu me donnes tes papiers ou je fais venir ma gang ? " Ça s'est terminé, par une plainte à la déontologie.

Plainte retenue. Appelé à témoigner, Proulx a donné une version de l'incident très différente du plaignant, différente au point où un commissaire l'a qualifiée de " peu plausible ", autrement dit de mensongère. Normand Proulx a été reconnu coupable. Il va vraisemblablement écoper d'un blâme dans les prochaines semaines, peut-être d'une petite suspension. Rien de bien méchant.

La bavure, il est vrai, n'a eu aucune conséquence fâcheuse. Personne n'est mort. Personne n'a été blessé. N'empêche que cette histoire anodine est plus révélatrice des carences de notre police que l'affaire Barnabé, par exemple. Il y a dans l'abus de pouvoir du commandant Normand Proulx toute la commission Poitras en raccourci. Un instantané qui nous montre la Sûreté du Québec dans tout son délabrement moral. Un flash qui nous éclaire sur une culture policière fuckée à l'os.

On n'est pas devant la saute d'humeur d'un jeune flic mal embouché et mal instruit de ses obligations.

On est devant un poids lourd de l'état-major de la SQ qui n'a pas l'air de savoir que la pire infraction que puisse commettre un policier, son pire manquement au code moral, est justement de s'impliquer personnellement. De laisser libre cours à ses humeurs, à ses sentiments personnels. Les psychologues parlent de " la confusion entre les référants personnels et les référants professionnels ". Si j'étais instructeur de flics, la première chose que je leur dirais, c'est que le plus dur de leur profession tient dans un mot : DISTANCIATION. Un flic n'a pas le droit de s'investir comme personne.

On est ici devant un chef de flics qui n'était pas de service, il en a repris - du service - exprès pour sanctionner une offense qui lui était faite personnellement. C'est la négation même du rôle de gardien de la paix publique. C'est se conduire comme un petit shérif de merde au fin fond du Texas.

On est aussi devant un chef de police qui ment ( ce " témoignage peu plausible " relevé par un commissaire ). Mentir, c'est ce que font tous les flics qui passent devant le comité de déontologie, mais justement on attendrait d'un chef de flics qu'il aille contre une pratique qui sape le système dont la police est en principe la gardienne. Ne venez pas nous demander de respecter une loi que vous êtes les premiers à ridiculiser...

Et on est enfin devant une société qui tolère tout ça sans sourciller puisque, trois ans plus tard, ce chef de flics est toujours chef de flics, alors que son intérêt pour les aléas de la circulation aurait dû lui valoir depuis longtemps d'aller diriger le trafic à quelque carrefour périphérique.

LES ÉLECTIONS MUNICIPALES -

Parlant de flic, j'ai fréquenté un peu le candidat à la mairie Jacques Duchesneau. Oh très peu. En fait, trop brièvement pour faire la part de sa sincérité et de son opportunisme. Un séducteur, c'est sûr. Un ratoureux éminemment médiatique. Ceux qui n'en veulent pas parce que c'est un ancien flic se fourvoient autant que ceux qui le plébiscitent pour la même raison. Pour un flic, c'est plutôt un gentil flic, avec des idées plutôt pas connes sur la flicaille. Mais c'est aussi un homme de droite, un de ces gouvernants QUI SAVENT ce qui fera le bonheur du peuple et de Montréal. Il le sait parce que Claude Brochu le lui a dit.

Remarquez que je préfère encore Duchesneau à Doré. Entre une pute sympathique et un verbeux janséniste, à tous les coups je vais prendre la pute sympathique. Au moins, on rigole.

Encore que celui qui m'a fait le plus rire ces jours-ci, c'est M. Bourque. Je dis bien rire. Pas ricaner. D'ailleurs, vous m'accorderez de ne pas avoir souvent suivi la meute qui le déchirait. Je ne me souviens pas d'un homme politique qu'on ait autant tourné en dérision que M. Bourque, il y a de l'indécence dans cet acharnement, mais ce n'est pas ce qui me gêne. C'est plutôt le sentiment que ce type-là est surtout maladroit. Pas pire que les autres, mais maladroit, gaffeur, si totalement dépourvu de flair que c'en est finalement touchant. De là à en reprendre pour quatre ans, je ne suis pas sûr...

Anyway, un ami me faisait remarquer hier que Bourque est un mot qui est devenu synonyme de nono, de plouc et de nul et quelle est la dernière trouvaille du nono, du plouc et du nul ? Il change le nom de son parti Vision Montréal pour Équipe Bourque ! ! ! Peu importe que ce soit de l'humour ou de l'inconscience, un homme qui a aussi peu de sens politique ne peut pas être complètement mauvais.

CADEAUX -

Un de mes huit chats, Bine Bino le Nono, est depuis toujours en adoration devant ma fiancée. Il la suit partout, et bien sûr au lit. Je ne suis pas jaloux, sauf que de temps en temps, la nuit, il va chasser et rapporte une souris. Dans le lit. Là je me pompe : " Bino ! Scram ! " Ma fiancée prend sa défense, évidemment. L'autre nuit, c'était dimanche, elle m'a expliqué que c'est la manière qu'ont les chats de faire des cadeaux. Et elle a ajouté, mais elle n'aurait peut-être pas dû :
- Il m'aime, LUI. Il me fait des cadeaux, LUI.
Depuis lundi, je mets des tapettes à souris dans la grange. J'en ai pogné sept. Je les ai fait congeler. Ce soir ( mercredi ) je les mets sous son oreiller. Elle va bien voir que je l'aime beaucoup aussi.