Le jeudi 10 septembre 1998


Il y a aussi des flics pas cons
Pierre Foglia, La Presse

" Tu m'as coupé ma crisse, dans sa version bilingue, you cut me off, you bitch, ça vous intéresse, M. Foglia ? "
- Ça se passe en Ontario ?
- Non, non, sur la Rive-Sud, à Boucherville.
Josée Fréchette allait faire ses courses. Son fils de quatre ans était dans l'auto.

- Je roulais lentement, mais j'étais distraite. En entrant dans le parking du Jean Coutu, je coupe une voiture qui venait en sens inverse. J'étais complètement dans mon tort. J'ai freiné brusquement. L'autre aussi. C'est passé proche, mais il n'y a rien eu. On ne s'est pas touché. Je descends pour m'excuser. Le type est déjà sorti. Il fonce vers moi. Pas le temps de dire un mot, il me met sous le nez son badge de la police de l'Ontario. Police ! Police ! Il crie. Il m'ordonne, en anglais, de retourner dans ma voiture et de ne plus bouger. Il me dit que je suis en état d'arrestation. Un type en jeans. Il devait être en visite ou en vacances dans le coin. Police, police qu'il répète. Il m'énerve à la fin.

- Police ? Fuck you ! Je lui dis. Je remonte dans ma voiture. Je rentre dans le stationnement du Jean Coutu. Je prends mon fils qui pleure par la main. J'entre dans le magasin. Je vois bien que le flic est entré dans le parking aussi, mais je ne m'occupe plus de lui. Quand je ressors il est là, son cellulaire à la main. Sa voiture me barre le chemin.

- Je suis en train d'appeler la police, me dit la police.

- T'appelles qui tu veux, je lui réponds, mais si tu n'enlèves pas ton char je fonce dedans, tu comprends ? Et je l'aurais fait. Il a vite libéré le passage. Une heure après, deux policiers de la police municipale de Boucherville arrivent devant chez nous. Je les vois débarquer par la fenêtre. Un gars, une fille, des jeunes. Les voisins sont sortis évidemment, oh, oh, la police, un samedi après-midi, chez Mme Fréchette...

- J'ai tout de suite senti que les deux jeunes policiers étaient mal à l'aise. Ils marchaient sur des oeufs. Plus tard ils me raconteront que l'autre fou voulait les accompagner pour venir m'arrêter. Non seulement ils ne m'ont pas arrêtée, mais m'ont encouragée à porter plainte. Ils m'ont dit que le flic de l'Ontario n'avait pas le droit de faire ce qu'il a fait. C'est pas comme s'il y avait eu un accident, un délit de fuite, ou si j'avais été ivre. Ils m'ont expliqué qu'un flic c'est comme un médecin, même quand il n'est pas de service, il a le devoir d'intervenir si quelque chose arrive. Mais dans mon cas, il n'était rien arrivé. Je l'avais coupé c'est tout. Puis j'étais descendue pour m'excuser. Il n'avait pas à s'imposer, à m'intimider, à me suivre, ni à me bloquer le chemin. C'était de l'abus de pouvoir. Je pouvais porter plainte si je voulais, ils enregistreraient ma plainte. Ça m'a drôlement dépompée.

- Non non je ne veux pas porter plainte, je leur ai dit. Ils allaient partir au revoir madame, mais juste avant de sortir, le gars a demandé à mon fils si ça lui plaisait de faire un tour de voiture de police ? Tu parles ! Ils l'ont emmené. Ils ont fait marcher la sirène et le gyrophare. Quand ils me l'ont rendu, il planait. Avant de se coucher, il a fait un grand dessin, une voiture de police et lui dedans. En passant devant le poste trois jours après, je suis entrée pour leur donner le dessin. La fille était là, elle était vraiment très très contente. Elle a dit attendez que mon collègue voie ça ! Pouvez pas savoir comme ces petites choses-là sont importantes pour nous.

- Il faut que je vous précise, M. Foglia, que tout cela est arrivé il y a un an et demi, mais quand j'ai lu votre chronique de la semaine dernière " Tu m'as coupé mon crisse ", cette histoire d'un officier de la Sûreté du Québec qui s'est conduit comme l'abruti de l'Ontario qui voulait m'arrêter, je me suis dit il faut absolument que je parle de mon aventure à M. Foglia pour qu'il sache qu'il y a aussi des flics pas cons et même très gentils avec une tête sur les épaules. J'espère que je ne vous ai pas ennuyé ?

Pas une seconde, madame.

MOMERIES -

C'est la période des initiations dans les universités. On impose aux nouveaux toutes sortes de déguisements et de momeries plus ou moins drôles, une jeune fille qui entre en communication à l'UQAM cette année vient de m'appeler pour me demander de nommer dans ma chronique d'aujourd'hui " l'équipe numéro dix, initiation, baccalauréat en communication et journalisme "...

Voilà, c'est fait mademoiselle. Mais rappelez donc aux gens qui vous ont commandé ce gage innocent que leurs aînés avaient montré plus d'invention et d'effronterie en volant le coeur du frère André. Pourquoi ne pas renouer avec cette belle tradition des canulars qui faisaient vraiment s'étouffer le bourgeois et nous donnaient à chroniquer ? À l'époque, on se demandait si les étudiants n'allaient pas trop loin. Mais au moins, ils allaient quelque part.

MAUVAIS CASTING -

C'est quoi la pub qui vous tombe le plus sur les nerfs à la télé, ces jours-ci ?

Moi, c'est celle des caisses pop.

Les caisses pop veulent nous dire qu'elles sont devenues modernes sans renier la petite épargne de leurs débuts. Parce qu'il est président des caisses pop, on a demandé à Claude Béland de passer ce message de modernisme et de fidélité, résultat : super crispant. Avec son air de faux-cul, Béland fait bien plus penser à un jésuite défroqué qui vient de piquer cinq piastres dans le panier de la quête pour s'acheter des revues cochonnes qu'à un banquier moderne qui aurait de la tradition.

Le casting le plus contre-productif de l'histoire de la pub.

LA MÉTÉO -

C'est quoi le truc qui vous fait le plus de bien à la télé ?

Moi, c'est Jocelyne Blouin.

J'ai déjà dit beaucoup de mal de madame météo. J'en dis encore d'ailleurs. Presque tous les jours. Par une sorte de réflexe pavlovien, je commence à proférer des insanités à la seconde où elle apparaît à l'écran. Rien que je puisse répéter ici. Un chapelet d'imprécations, une litanie d'horreurs que je forge sur l'instant. Attention, rien de furieux, ni de convulsif qui demanderait une assistance médicale. Au contraire, à la fin je suis bien. Apaisé. Comme exorcisé.

Je sais que des tas de gens lisent cette chronique comme je regarde madame météo : pour " sortir le méchant ". Je veux leur dire deux choses. Un, je suis heureux de leur être utile. Deux, il va pleuvoir demain.