Le samedi 12 septembre 1998


Le plaisir d'aller au stade
Pierre Foglia, La Presse

À entendre les gens qui veulent bâtir un stade au centre-ville, les Expos sont une sacrée bonne affaire.

Et une très mauvaise à entendre ceux qui ne veulent pas qu'on engage de fonds publics dans l'aventure.

Un bien triste débat. On ne dirait pas qu'on parle d'une équipe de baseball, mais de l'implantation d'une usine. Le débat ressemble à celui sur les centrales électriques. Utile. Pas utile. Bon pour l'économie. Trop cher... Permettez ? Puis-je poser une question ? Je l'ai déjà posée, mais je n'ai pas entendu votre réponse, la question était : y a-t-il, oui ou non, dans la grande région de Montréal assez d'amateurs de baseball pour faire vivre un club de baseball professionnel ?

J'ai l'impression que non. J'ai l'impression que Montréal est de moins en moins une ville de baseball, que ses Africains, ses Latinos et même ses Asiatiques sont plus tournés vers le soccer, mais peut-être est-ce une impression dictée par ma propre indifférence pour ce spectacle, et je serais bien prêt à croire une enquête sérieuse et indépendante qui me dirait le contraire. Qui me montrerait que oui, il y a suffisamment d'amateurs de baseball pour faire vivre une équipe.

Je m'inclinerais. Ce serait une bonne raison, la seule en fait, de garder les Expos à Montréal. Une bonne raison pour le gouvernement d'aider à construire un stade au centre-ville. Une aide raisonnable. Je ne sais pas combien, ni comment. Je n'entends rien à ces choses-là. Je dis seulement que cela n'a rien à voir avec les hôpitaux, rien à voir avec les retombées, les soi-disant jobs que cela donnera ou pas, les impôts que paieront les joueurs, et où, et toutes ces conneries.

Cela a à voir avec le plaisir qu'auront les gens à aller au stade. C'est tout.

Ce qui nous ramène à ma question : y a-t-il assez de gens qui tripent baseball ici pour qu'on leur construise un stade où ils auront du fun ?

Lâchez-moi avec votre morale de l'essentiel. On n'a pas à choisir entre le baseball et les hôpitaux. Entre le baseball et un musée. Si un million de Montréalais veulent une équipe de baseball, on n'a pas à leur dire que c'est des cons et qu'ils devraient plutôt aller à l'opéra.

Par contre, si l'intérêt n'est pas là, de quoi on parle ?

C'est pour cela que j'insiste : y a-t-il assez de gens qui tripent baseball dans la région de Montréal pour faire vivre une équipe qui ne gagnera pas les séries mondiales avant longtemps ?

Je ne pose pas la question à M. Brochu parce que M. Brochu répond qu'il faut construire le stade d'abord et que le public viendra. L'effet d'entraînement. Faire bouger les choses pour qu'elles arrivent. Les affaires, quoi. Il ne faut pas construire un stade pour faire des affaires. Pas plus qu'il ne faut pas en construire parce qu'on a fait des coupes dans les hôpitaux.

Il faut demander aux gens. Que ceux qui veulent un stade et comptent y aller régulièrement lèvent la main. On les compte. S'il y en a beaucoup, la question ne se pose plus : le stade se payera tout seul. S'il n'y en a pas assez, la question ne se pose plus non plus. On ferme les livres. Et on dit à Brochu d'arrêter de nous pomper l'air.

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ENCORE LE PLAISIR -

Une de ces revues de mode et beauté qui disait jadis aux jeunes femmes québécoises comment faire disparaître les poches sous les yeux avec des tranches de kiwi, et comment ne pas rater une pâte feuilletée, leur explique dans sa dernière livraison comment réussir une fellation.

Et j'ai entendu dire que le prochain numéro sera consacré à la sodomie.

Pendant ce temps-là, le président des États-Unis va peut-être être destitué parce qu'il a fait des folies avec une stagiaire. On vit une époque fascinante, à la fois porno et morale, mais d'où, curieusement, le plaisir est de plus en plus absent.

Rien ou l'overdose. La chasteté ou l'orgasme en public. Le cul dénoncé ou le cul mode d'emploi, même finalité : vendre de la copie. Même justification : on vous en parle parce que ça existe. Et je suis sûr qu'ils en parlent mal, en plus. Un article pour expliquer comment faire une fellation ne peut que gâcher les jeunes talents qui ne sauront jamais qu'un rien de maladresse fait le bonheur de la chose.

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LE PLAISIR DES PRESBYTES -

Cette confidence d'une maîtresse de François Mitterrand : " il gardait ses lunettes. Cela m'excitait. Et aussi le vouvoiement. Mais surtout les lunettes. "

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LE PLAISIR DES MOTS -

Certains mots me mettent en joie par cette façon qu'ils ont de se contredire, ainsi " phonétique " qui pourrait au moins s'écrire fonétiquement, non ?... On me rapporte que dans l'actuel répertoire des services de la Ville de Montréal, le centre communautaire de Notre-Dame-des-Neiges offre des cours de phonéthique... Moi je veux bien, mais ça m'étonnerait. C'est rarement le fun, l'éthique.

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LE PLAISIR DE TUER -

C'était dans un avion, cet été. Nous n'avions pas encore décollé que mon voisin s'est emparé de l'accoudoir. Je posai mon coude près du sien, et le poussai légèrement. Il ne s'y attendait pas. Son coude dérapa. Il le reposa vivement sur l'accoudoir. Et me poussa à son tour. Je m'y attendais. Je résistai. Nous forcions tous les deux. Je cédai brusquement. Emporté par sa poussée, il bascula de mon côté : " Excusez-moi ", dit-il. " Ce n'est rien ", répondis-je. Nous reprîmes position. Nos deux coudes se sont défiés jusqu'à Paris, mais il ne semblait pas que nous luttions. Je lisais. Il faisait semblant de dormir. J'ai lu pendant le film pour l'emmerder avec la lumière. J'ai fini par m'endormir aussi. C'est à ce moment-là qu'il s'est levé pour aller pisser. J'ai profité de son absence pour appeler l'hôtesse :

- Pourrais-je avoir une hache s'il vous plaît ?

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LE PLAISIR DE LA CONVERSATION -

" T'as une drôle de voix...
- J'étais couché.
- Monique est pas là ?
- Non.
- Dis-lui de m'appeler s'il te plaît, je suis en train de faire ma sauce à spaghetti et je me souviens plus s'il faut mettre l'origan au début ou à la fin.
- À la fin.
- T'es sûr ?
- Absolument.
- Bon ben, ça va, dérange-la pas pour rien. Embrasse fort les enfants.
- Sont pas ici.
- Vous vous êtes encore chicanés ? Monique est partie avec les enfants ?
- Je ne connais pas de Monique.
- C'est qui qui parle ? Henri ! Henri !
C'est le faux Henri madame. Peut-être me lisez-vous. Je me suis trompé pour l'origan. C'est au début.

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LE PLAISIR DALLER EN VACANCES -

Quatre petites semaines et je vous reviens tout bronzé.