Le mardi 3 novembre 1998


Les devoirs de M. Bourque
Pierre Foglia, La Presse

Je n'arrive pas à voir dans la réélection de M. Bourque le désastre que les chefs syndicaux, entre autres, y voyaient dimanche soir. Je continue de croire qu'il y a dans ce spectaculaire retournement d'opinion un pied de nez à la presse en général, et cela m'amuserait plutôt. Il y a d'autre raisons, bien sûr. M. Bourque a mené une campagne très près du peuple, et sans doute, comme l'appréhendait une de mes collègues hier, sans doute les électeurs ont-ils moins besoin de grands discours que d'un lien direct avec les politiciens.

L'ennui c'est qu'il a un nom ce lien direct avec le peuple, un nom pas très sympathique : populisme.

Sans mettre sur le dos du populisme les maux de la démocratie, sans en faire " une posture pathologique " comme certains intellectuels, je m'étonne quand même, de l'unanime admiration que suscitait la méthode Bourque au lendemain de sa victoire. À droite comme à gauche on le félicite grandement d'avoir serré des millions de mains, d'avoir pris des milliers de petites vieilles dans ses bras, d'avoir promis de repaver des centaines de bouts de trottoirs, même Michel Prescott ( dire que si j'étais Montréalais j'aurais voté pour lui, je le regrette rétrospectivement ) même Prescott est allé dire : " Il nous a donné une leçon. "

Une leçon sur l'art de putasser pour gagner une élection ?

J'ai entendu M. Bourque reprocher vivement à une autre de mes collègues son soi-disant mépris pour le peuple. N'est-il pas plus grand mépris du peuple que de le flatter dans le sens du poil ?

N'est-il pas plus grand mépris que laisser croire au peuple qu'il est génial parce qu'il est le peuple ?

N'est-il pas plus grand mépris que de laisser croire au peuple qu'il est roi... pour devenir le sien ?

On me reproche souvent mon mépris de la chose politique.

Où ça, une chose politique ?

Je ne vois partout que séduction.

CONSOLATION EN DEMI-TEINTE -

Deux saigneurs de province ont été balayés dans mon coin, Jacques Charbonneau, que l'on croyait indélogeable à la mairie de Cowansville, et Robert Désourdy, qui n'a pas besoin d'être maire de Bromont pour en être le maître de toute façon.

Deux petites consolations en demi-teinte.

Et Louise Roy battue dans le quartier Laurier par la candidate du RCM. Dois-je m'en réjouir ? Je ne sais plus avec Louise Roy. Pas celle des autobus. Celle du vélo, jadis. Une fille bien, jadis. Une tête, de l'énergie, et une formidable capacité de faire changer les choses où qu'elle fût. Louise, merde, que faisais-tu dans cette élection avec une police ? Louise, qu'est-ce qui t'arrive ? Sur quelle planète es-tu perdue ? Hey Louise, phone home.

LA BONTÉ -

Chantal Michaud, la jeune femme avec quatre enfants victime d'un incendie ( ma chronique de jeudi dernier ) vient de m'appeler pour me demander de remercier tous les gens qui l'ont aidée à passer ce moment difficile.

Même si je terminais ma chronique par " ne m'envoyez rien pour Chantal, je ne suis pas Jeunesse au Soleil ", il suffisait de faire le 411 pour la retracer.

Les " convulsifs du panier de Noël " n'y ont pas pensé. Aveuglés par la haine qu'a déclenché la petite phrase " ne m'envoyez rien, je ne suis pas Jeunesse au Soleil ", ils ont compris que je voulais les priver d'un show caritatif et, très fâchés, se sont précipités sur le téléphone pour me traiter de pourri, de dégueulasse et de sans-coeur.

Je veux les rassurer. Outre les initiatives privées, la bonne nouvelle c'est que, alertés par la chronique, les pouvoirs publics, en particulier l'aide sociale, ont accéléré les procédures et Chantal a rapidement reçu toute l'aide à laquelle ELLE AVAIT DROIT.

Je vais vous dire un truc, les excités de l'humanitaire. Il y a assez de misère à Montréal pour alimenter cette chronique d'un cas pathétique, tous les jours, pendant cent ans. Sauf que dans quinze jours, un mois maximum, vous ne serez plus là quand je passerai le chapeau. On fera quoi ? On aura changé quoi ?

Dans le cas de Chantal, je trouvais que les pouvoirs publics, l'aide sociale, l'Office municipal d'habitation, ne se grouillaient pas le cul comme ils auraient dû et pu pour dépanner une jeune femme à la rue avec quatre enfants... Si l'on mettait la même énergie à lutter contre le désengagement des pouvoirs publics, la même énergie à secouer l'indifférence et l'immobilisme des fonctionnaires dans les bureaux d'aide sociale et de chômage, qu'on en met à faire nos balivernes caritatives, on aiderait mieux les gens et plus durablement.

Ce qui n'empêcherait pas la bonté d'être bonne.

LA CHANSON QUÉBÉCOISE -

Hier, midi et demi. J'entre à la Banque de Montréal à Bedford pour payer ma MasterCard. Fond sonore : Notre-Dame de Paris.

Une heure moins le quart le même jour. J'arrive au Métro pour acheter de la petite vache pour mettre dans la soupe aux tomates ( ça fait moins acide ) : Notre-Dame de Paris.

À une heure et demie j'avais rendez-vous chez le dentiste, je suis un peu en avance : Notre-Dame de Paris...

Je ramasse une de ces revues connes comme on en trouve dans les salles d'attente de dentiste, je tombe sur un article qui parle d'une maladie que donnent les chats, la bartonella, maladie qui s'attaque aux ganglions lymphatiques. C'est pourquoi, explique l'auteur, il faut toujours se laver les mains après avoir touché un chat ; ne jamais embrasser l'animal ; ne jamais le laisser manger dans notre assiette. Oh, oh.

Deux heures et demie, je rentre chez nous. Je convoque les minous dans le salon.

Écoutez-moi bien les minous... ils étaient tous là, Zézette, Picotte, Chat Gris, Lili, Petit Robert, Ramon, Bino le nono, Bardeau...

Écoutez-moi bien mes petits mongoles à moustaches, s'il y en a un parmi vous, un seul qui se met à chanter Notre-Dame de Paris, je vous fais piquer toute la gang et je m'achète un hamster sourd et muet. Got it ?

JEUX DE MAUX -

Quand on lui parle du prochain référendum, Lucien Bouchard devient si nébuleux et si imprécis qu'il ne serait pas étonnant qu'il le tienne à oui-clos.

S'cusez.