Le mardi 22 décembre 1998


Un sacré mec
Pierre Foglia, La Presse

Jimmy, c'est un mec qui est agent d'immigration à Mirabel. Jimmy a le pouvoir de dire aux visiteurs : « Toi tu peux rentrer au Canada, toi tu peux pas. » Il s'en prive pas. Enfin quoi, merde, c'est vrai, le Canada c'est pas un fourre-tout, c'est pas l'Armée du salut de la planète.

Jimmy a pris le passeport français de Bruno Bresson, l'a ouvert trois secondes, l'a refermé. Jimmy, les passeports, il connaît ça. Il sait où regarder. Il l'a redonné à Bruno Bresson. " Allez voir ailleurs ! " Jimmy, c'est un mec comme ça. Il a du pouvoir. Il s'en sert. " Allez voir ailleurs, on vous a assez vu ici ! "

C'est ce qu'il a dit : " On vous a assez vu ici ! " Jimmy, c'est un mec qui ne s'emmerde pas avec la politesse, la gentillesse, la civilité, ces trucs-là. C'est du temps perdu avec les étrangers. Allez ouste, dehors.

Bruno Bresson venait de passer un an à Montréal. Six mois d'abord, puis il a demandé une prolongation qui lui a été accordée. " Il faut absolument que vous soyez parti le 23 décembre ", lui a-t-on dit. Après cette date, vous seriez un illégal.

- Et si je veux revenir ?

- Si vous partez avant le 23 décembre, pas de problème. Vous revenez quand vous voulez.

Bruno Bresson est parti un mois avant la date limite, il était avec son copain, qui, lui, est canadien. Ils sont revenus le 8 décembre. Ils sont partis juste pour pouvoir revenir. Pour avoir un nouveau permis de séjour de six mois. Ce n'est pas illégal. Ce n'est pas automatique non plus. L'agent d'immigration apprécie, à chaque nouvelle rentrée, le motif de la visite et il a toute latitude de refuser un visiteur qu'il soupçonne de vouloir s'incruster. Bruno entre dans la catégorie des étrangers qui sont tombés en amour avec un ou une Canadienne et qui, à toute fin pratique, vivent ici, sans être immigrants reçus. L'agent d'immigration doit s'assurer que le visiteur n'est pas venu pour travailler ou étudier, et que la personne qui le reçoit a les moyens de le prendre en charge. Et tout cela considéré, l'agent d'immigration a encore le choix. Il peut dire oui. Il peut dire non. La décision finale est laissée à son jugement, à son feeling, à je ne sais pas quoi. Jimmy a dit non. Tout en bavant Bruno Bresson : " Certains de mes collègues vous laisseraient rentrer, mais pas moi. Moi je veux pas de vous ici. "

Jimmy, c'est un mec comme ça. Il n'a pas peur de s'assumer. Il dit MOI je veux pas. Un autre voudrait, mais pas MOI. Moi Jimmy. Moi l'autorité. Moi le Canada, j'te dis décrisse d'ici p'tit Français, pis tout de suite à part de ça ! À soir. Sur le vol de British Airways ( à 1800 $ le billet ).

" Si vous partez, on oublie ça, je déchire votre dossier ! " Jimmy, c'est un mec comme ça, bien blood quand tu files droit, sinon, attention ! " Si vous ne retournez pas ce soir en France, a-t-il dit à Bruno Bresson, je ferai tout pour vous faire extrader À VIE du Canada. " Jimmy, c'est un mec qui prend le Canada pour un pot confiture. S'il ne t'aime pas la face, t'en auras pas. Il enlève même pas le bouchon.

Depuis le début, Bruno parlait de son ami. Je vis avec mon ami. C'est mon ami qui a la valise. Laissez-moi voir mon ami deux minutes, peut-être qu'il trouvera de l'argent pour le billet, de toute façon, si je dois m'en aller, faut que je lui redonne la clef de l'appartement, c'est moi qui ai la clef.

Sauf que Jimmy, c'est pas un mec qui est tombé de la dernière pluie. C'est pas parce qu'il travaille dans un aéroport que tu peux le prendre pour une valise : " Est-ce qu'il existe vraiment votre ami ? "

Finalement Bruno n'a pas trouvé l'argent pour repartir avec British Airways le soir-même. Il a été menotté et conduit au centre de détention d'Immigration Canada, à Laval. Il y est resté 48 heures. Il passe en cour le 19 janvier.

Je vais aller voir ça. Je vais aller voir Jimmy, qui ne s'appelle pas Jimmy, mais je suis sûr de le reconnaître quand même. C'est un vrai mec.

COUT'DONC ! -

Je vous signale, page A6 de La Presse d'hier, un autre cas d'agent d'immigration qui abuse de son pouvoir discrétionnaire, un autre power trip de fonctionnaire qui se prend pour Clovis chassant les Wisigoths, un autre Français mené menottes au poignet à la prison de l'Immigration. L'article est signé Marie-Claude Girard, avec qui j'avais travaillé, il y a deux ou trois semaines, sur cette histoire d'une jeune touriste française renvoyée tout aussi abusivement dans ses terres.

Cout'donc, Mme Robillard, que se passe-t-il à l'immigration ? Et, plus délicat, pourquoi c'est toujours des Français ?

CADEAUX -

J'ai une petite idée de ce que je vais avoir comme cadeaux de Noël. En ramassant les vieilles presses pour les porter au recyclage, je suis tombé sur le cahier Auto d'il y a deux semaines, Des cadeaux de Noël pour les automobilistes. Ma fiancée a encerclé deux des suggestions de mon ami Denis Duquet. D'abord un adapteur que tu visses dans l'allume-cigare et qui te donne deux prises au lieu d'une, ce qui fait que tu peux brancher un autre truc, en même temps que l'allume-cigare lui-même, comme par exemple un séchoir à cheveux ou une fritteuse. Je vais avoir aussi des garnitures pour la pédale de frein et la pédale à gaz, qui vont me donner paraît-il un allure beaucoup plus sportive et faciliter mon pointe-talon. Je suis très content.

En parlant de garniture de pédale, Coluche avait un ami qui était gai et communiste, comment il l'appelait ? L'embrayage. " Parce que, disait-il, c'est la pédale de gauche ". Anyway.

CONTE DE NOUEL -

J'ai reçu ce minuscule conte de Noël de Colombie-Britannique. Il a été écrit en classe, sans aide, par Brian, un enfant anglophone de onze ans en immersion dans une classe de français. Retenez que, un mois avant cet exercice, Brian, comme les autres enfants de la classe, ne parlait pas français, sauf bonjour, comment ça va, et il est téton petit navire...

LE RATON

Mon meilleur ami Ryan a un père c'était un " logger ", et le nom est Dan. Un jour quand Dan était " logging " il trouve deux petits ratons que leur mère était morte. Dan prend les ratons, mais dans le chemin, une des petits ratons mourit. L'autre non, il est pas mourit. Il est grandit comme un bébé de la famille. Pour toute l'année. Puis il s'enfuir. Mais il est revenu pour Noël.

C'est le fin de mon histoire.