Le samedi 27 juin 1998


La solution du berger
Pierre Foglia, La Presse, Mondial 98

VIMY

À mi-chemin entre Lens et Arras, il y a Vimy. Une laide petite ville à l'orée d'une superbe forêt domaniale. Dans cette région frontalière de grands massacres guerriers, endeuillée de dizaines de cimetières militaires, la crête de Vimy est une des plus terribles illustrations de la folie des hommes. En avril 1917, 3598 soldats canadiens sont morts durant les trois jours qu'a duré l'assaut de cette colline. Une terre si douloureusement canadienne que la France ne pouvait faire autrement que la remettre au Canada.

Prenez-la, elle, est imbibée de votre sang.

Cent hectares de terre canadienne. Sous-bois encore minés où il est interdit de se promener. Tranchées restaurées où s'amusent des enfants malgré les pancartes : " Interdiction de jouer ".

Des sentiers mènent à des trous de verdure où gisent des petits cimetières tout blancs.

Il y a aussi des prairies sur cette colline, Et des moutons. Et un vieux berger : Bernard.

- Alors comme ça, vous travaillez en terre canadienne ?

- Faut bien, mes moutons, sont canadiens.

- Vous êtes payé par les Canadiens ?

- Oui. Comme disait M. Robidoux, l'ancien administrateur : Bernard c'est l'argent des contribuables que je vous donne, faites-en un usage modéré ! L'argent des contribuables ! Je trouvais ça marrant. Il n'était pas dépensier M. Robidoux. Mais je l'aimais beaucoup. Un brave homme, sa femme aussi. Pas comme le suivant, M. Pierret, qui est parti aussi, celui-là personne ne pouvait le sentir. Ah lui il dépensait, M. Pierret ! Toujours en cérémonies, en réception. C'est comme ça depuis que je suis ici. À un administrateur qui fait des économies succède toujours un administrateur qui les dépense. M. Robidoux m'avait expliqué qu'au Canada c'est comme ça, quand on ne dépense pas, on n'existe pas... Il est enterré dans le petit cimetière là-bas, M. Robidoux. Son nom n'est pas marqué sur la pierre parce qu'il n'est pas mort à la guerre, je suis tout seul à savoir où il est. Je mets des fleurs des fois. Je les cueille dans le champ. J'ai demandé au nouvel administrateur, M. Chamberland, s'il ne pourrait pas faire faire une petite plaque pour M. Robidoux. Comme je lui ai dit : il n'est pas mort à la guerre, mais ça ne l'empêchait pas d'être un brave homme. Bientôt je prendrai ma retraite, et qui saura qu'il est là ?

- Qu'est-ce que vous pensez des hooligans, M. Bernard ?

- Je pense qu'on devrait leur botter le derrière. Puis les amener ici. Ils s'ennuient de la guerre, ces petits imbéciles ? Je leur ferais réciter à haute voix les noms des 11285 soldats gravés dans la pierre du monument en haut de la colline...

Une bonne idée. On le voit de Lens ce monument immense, immense et même, disons-le, un peu inutilement grandiloquent. Ce serait une affaire de rien d'y traîner, en le tirant par l'anneau qu'il a dans le nez, le plus chauve, le plus tatoué, le plus taré des hooligans. Allez, récite...

Edmond Hall, Augustin Hague, Leslie Haight, Williams Jones, Arthur Jordan, David Lacroix, Norman Krick, John Krueger, Nelson Campbell, Murray Campbell, Benjamin Delmore...

Continue, continue...

Samuel Evans, Robert McGowan, Murray Campbell, Louis de Bellefoil...

- De Bellefeuille, ducon

- De Bellefouille

- Ça va, continue.

Herbert Mumby, Stanley Vogan, Polydor Ouellette, Joseph O'Hara, James Trick, Harry Monroe, David Baker, Abraham Greenwall, David Abbott, François Bélanger, Earle Freeman, Nelson Vipond, Raoul Petit, Alphonse Pételle, Perry Campbell, Alexander Fenwick, Jeremie Gowan, Fred Dandurand, Gordon Stanford, Victor Leuning, Michael...