Le samedi 27 juin 1998


Les doutes de l'Afrique
Pierre Foglia, La Presse, Mondial 98

LENS

Après les hooligans, les arbitres sont les êtres les plus haïs de ce Mondial. En a-t-on dit du mal de cet arbitre américain qui, en accordant un penalty imaginaire aux Norvégiens, leur permettait de se qualifier aux dépens des pauvres Marocains.

En disant " l'arbitre américain ", les commentateurs français laissaient passer un soupir entre " arbitre " et " américain ". Enfin ! A-t-on idée. Quand le sort du monde se joue !

Même le très fiable Monde a ronchonné : " L'Afrique en droit de se plaindre ". Eh bien pas du tout. Une caméra suédoise vient de montrer ce que personne n'avait vu : un joueur brésilien tire violemment par le maillot le chandail du joueur norvégien. Il y avait bien peno. Indiscutable. L'arbitre Américain vient d'être félicité par son syndicat.

Quant aux Africains, tous éliminés du Mondial, sauf le Nigéria, ils jouent mieux du violon que du ballon. Aujourd'hui prompts à dénoncer le colonialisme latent du Mondial, ils oublient qu'ils sont entrés dans ce Mondial avec un formidable capital de sympathie. L'Afrique du Sud, tiens. Au début de ce Mondial, il n'y en avait dans les journaux, que pour les Bafanas-Bafanas, leurs danses zouloues, leur vaudou, leur charisme, et Benedict McCarthy leur ange sauvé des townships... Que dit aujourd'hui leur entraîneur Philippe Troussier : " J'avais un groupe sans vie, pas de sang, pas de caractère, même pas contents d'être là. Un groupe qui n'avait pas envie de vivre ensemble ". T'aurais pu le dire, Chose, avant que s'écrive toutes ces conneries sur les merveilleux guerriers zoulous inspirés par Mandela qui allaient changer la face du Mondial...

La Tunisie ? Inexistante. Le Maroc, on vient de le voir, n'est pas passé à la trappe sur une faute d'arbitrage. Peut-être méritait-il mieux, mais personne ne l'a volé. Le Cameroun lui, a été sorti sur une erreur d'arbitrage, c'est vrai. Ça fait partie du sport. Colère, tristesse, désolation, on comprend. Mais dire que " les Blancs ne nous aiment pas " ? Bullshit.

La vérité, peut-être dure à avaler, c'est que l'Afrique, qui doute beaucoup d'elle-même, comptait sur le football et le Mondial pour se rassurer.

Mais le Mondial vient de la renvoyer à ses doutes.

PAUVRE PRINCE -

Les ventripotents princes saoudiens aussi sont repartis mécontents vers leur royaume des sables. Crise politique, crise religieuse, et maintenant crise du football ? Le carton devant la France ( 0-4 ) a fait mal à l'orgueil.

Dans une entrevue à un confrère belge, un prince de moyen lignage, très près de l'équipe nationale saoudienne avouait trois maisons à Riyad, un appartement à Lausanne, un autre à Los Angeles, un parc de cinq Mercedes...

- Vous êtes très riche lui fait remarquer le confrère...

- Non proteste le prince.

- Ce serait quoi, pour vous être très riche ?

- Pouvoir acheter Ronaldo, répond le Prince, avec un regret.

J'ai une idée pour aider le prince trop pauvre pour payer Ronaldo. Mais avant, dites-moi, savez-vous si Stéphane Richer a signé son contrat ?

UNE CULTURE DE TRICHERIE -

Pour revenir à l'arbitrage, le soccer s'interroge ces jours-ci, comme les sports nords-américains d'ailleurs, sur la pertinence des reprises vidéo pour aider les arbitres. Curieusement, personne n'a relevé que la tricherie fait partie intégrante de la culture du soccer. Fourrer l'arbitre on fait ça dans tous les sports. Au soccer, fourrer l'arbitre, c'est un sport en soi. Je suis sûr que certains joueurs, et parmi les plus grands, s'entraînent à se laisser tomber pour obtenir ce fameux penalty.

Tirer le maillot, accrocher, retenir, coups sournois, hypocrites salamalecs pour s'excuser, le soccer est le sport le moins fair play que je connaisse. Mais ce qui me tombe le plus sur les rognons, ce sont ces incessantes ostinations à propos de la position du ballon sur les tirs de coup francs. Ici, montre l'arbitre. Le joueur fait rouler le ballon, triche d'un mètre ou deux. Je t'ai dit là, intime à nouveau l'arbitre, recule. Le joueur recule, mais, en reposant la balle, retriche d'un mètre. Et ce marchandage de souk se répète à chaque fois.

D'un médiocre !