Le samedi 4 juillet 1998


Cette manie de laisser leur porte ouverte
Pierre Foglia, La Presse, Mondial 98

SAINT-DENIS

Le Danemark est un petit royaume bonasse où le rare hooligan dépérit faute de congénères pour s'exciter le poil des jambes. Le rare hooligan danois désespère surtout de voir tant de femmes dans les stades du Danemark, ce qui civilise considérablement l'atmosphère. Le Danemark est le seul pays d'Europe où il y a presque autant de femmes que d'hommes dans les stades. Même que parfois ce sont elles qui tapent dans le ballon. Les Danoises étaient finalistes du tournoi féminin de soccer olympique d'Atlanta.

Je vous parle du Danemark parce que je suis en train de les regarder jouer à la télé contre le Brésil. Et comme tout le monde dans la salle de presse, je souhaite ardemment la victoire des Danois, mais ils viennent de s'en faire péter un, et voilà, c'est 3-2. De dépit, toute la salle de presse a fait " Hon... "

Pourquoi on est tanné du Brésil ? Parce que. C'est trop. Trop de tout. Ils en mettent beaucoup. Ils sont partout, nombreux. Il n'y en a que pour eux. Leurs journalistes parlent fort au téléphone. Veulent tous les billets. Veulent le plancher. Bref, font royalement chier. Mais ils gagnent...

Le Danemark donc, cinq millions d'habitants, et les cinq millions étaient tous à Nantes. Cette manie d'aller voir un match de football à l'étranger, tous ensemble, le même jour, leur jouera un tour un jour. Surtout qu'ils ne ferment jamais leur porte. Un jour, ils vont se faire voler leur pays par quelques nomades, ou réfugiés, cela ne manque pas, qui l'emporteront avec eux pour y vivre des jours heureux. Les Danois ne trouveront plus le Danemark en rentrant chez eux, les plus prétentieux se feront Suédois, ceux qui aiment le plus la saucisse se feront Allemands et les autres je ne sais pas, mais je veux bien les accueillir chez moi à Saint-Armand.

Voilà, le match est fini, les Danois ont perdu, mais ils ont fait très peur aux Brésiliens jusqu'à la fin. Dommage...

LES CHOUCHOUS DU POUVOIR -

Les Croates sont cinq millions aussi, mais c'est leur seul point commun avec les Danois, pour le reste ce sont des gens très différents, par exemple, les Danois dansent en se tenant par la main, alors que les Croates dansent en se tenant par les oreilles, qu'ils ont très grandes. Après le lapin belge, ce sont les Croates qui ont les plus grandes oreilles d'Europe.

Balivernes ? Sans doute. Mais si vous saviez toutes les sottises qui se répètent sur la Croatie, ces jours-ci, au Mondial... la plus inexacte étant sans doute celle qui postule que la Croatie est une courageuse petite république qui s'ouvre à la démocratie depuis qu'elle a proclamé son indépendance en 91. C'est ce que vous pensez vous aussi ? Que les Serbes sont les méchants. Les Bosniaques, les Slovènes, les Croates et maintenant ceux du Kosovo, les gentils. C'est ça ? Vous êtes dans le champ. Le président croate, Franjo Truman, n'est pas exactement un démocrate et les Croates sont dans le même élan de purification ethnique que les Serbes, ( notamment à Vukovar où ils ont une revanche à prendre ).

Quant aux joueurs croates, puisqu'il faut bien revenir au football, ils ne sont pas plus sympas, pas moins baveux que les autres millionnaires des Balkans, le plus irascible étant sans aucun doute leur buteur Davor Suker, qui demande mille dollars US pour une entrevue depuis qu'il est devenu champion d'Europe avec le Réal de Madrid.

Ne pleurez pas trop sur les " pauvres petits joueurs croates qui ont tant souffert de la guerre qu'ils mériteraient de battre les Allemands, aujourd'hui à Lyon ". À Madrid, à Valence, à Stuttgart, à Rome, à Parme, à Séville où ils évoluent, ils n'ont pas souffert beaucoup de la guerre. Et peut-être encore moins à Zagreb, où ils sont les chouchous du pouvoir.

BABY-FOOT -

J'y jouais beaucoup quand j'étais petit : le foot de table. Le Baby-foot comme ils écrivent avec une majuscule parce que c'est une marque déposée. Il n'y a plus de Baby-foot dans les cafés de Paris comme vient de le vérifier le journal Libération. À cela une excellente raison : il y avait 250 000 cafés en France il y a 25 ans, il n'y en a plus que 80 000. Seconde raison : les jeux électroniques. Assez curieusement, on trouve pas mal de Baby-foot en Amérique du Nord, surtout dans les quartiers italiens des grandes villes et dans les cafés underground autour des campus américains. Il y en a même un à Frelishburg, mon vieux. Je m'y suis fait planter l'autre jour par un jeune homme qui ne perd rien pour attendre...

UN DIMANCHE EN ITALIE -

Un dimanche de calcio ordinaire. 10 heures du matin, sur Telemontecarlo, un match du championnat du Brésil, en direct. Midi, Guida al campionato ( sur la 1 ). 14 h, Quelli che il aspettano ( celui qu'on attend, mais ce n'est pas Dieu, c'est Vieri ), suivi de Quelli che il calcio sur la RAI-3. À 17 h, Stadio-Spririt. À 18 h, sur la RAI-1, l'émission de foot la plus écoutée, sept millions de téléspectateurs : Novantesimo minuto. À 19 h sur Télémontecarlo, Goleada, trois heures ( trois heures !!! ) de commentaires, d'analyses, de buts au ralenti. En même temps sur Italia-1, Domenica Sprint. Suivi de Pressing. À minuit, un résume : Corsa al Mondiale...

Fous de foot les Italiens ? Complètement abrutis vous voulez dire.

Vont peut-être prendre un petit break, là ?

CASH -

En dollars canadiens, le gentil Ronaldo est le joueur le mieux payé du monde du football. Il gagne autour de 50 millions par saison avec l'Inter de Milan. Les trois joueurs qui le suivent sont Brésiliens comme lui, mais jouent en Espagne : Denilson ( Séville ), 45 millions ; Rivaldo ( Barcelone ) et Roberto Carlos ( Madrid ), 40 millions. Del Piero, l'attaquant de la Juve, fraie dans les mêmes eaux, alors que le premier Français, Zinedine Zidane, à même pas six millions, constitue le bargain du championnat italien, ( il joue à la Juve comme Del Piero ).