Le mardi 7 juillet 1998


Les rastaquouères de Mémé
Pierre Foglia, La Presse, Mondial 98

SAINT-DENIS

Savez-vous ce qu'elle a d'extraordinaire cette équipe de France qui mériterait de gagner le Mondial ?

Elle a Aimé jacquet, son entraîneur que toute la France appelle Mémé. On n'imagine pas plus provincial que Mémé Jacquet. Quand on voit ce type arriver sur le terrain, on ne peut pas soupçonner une seconde que ce soit là l'entraîneur de l'équipe de France. On pense plutôt que c'est un plouc qui s'est trompé de métro. Ou un type qui cherche ses pantoufles.

Mais là où l'image se brouille, c'est quand on voit avec quelle bande de rastaquouères ce Mémé Jacquet, ce Dupont-Dupont s'est accotiné pour gagner son Mondial. Voyons un peu. Zigouline Zidane. D'origine maghrébine. Marcel Desailly est Noir. Christian Karembeu est noir kanak, Patrick Viera, également. Bernard Diomede, Noir des Îles. David Trezeguet, qui tire sur le café au lait, est un peu Argentin. Djorkaeff est arménien. Lizarazu, Basque. Henry est Noir. Boghossian est sûrement d'origine arménienne aussi. Blanc est Blanc comme Barthez, Deschamps, Leboeuf. Guivarc'h est breton. Mais Lilian Thuram est Noir.

C'est cette équipe d'immigrés menée par Dupont-Dupont qui fait vibrer la France.

Remarquez bien que ça n'empêchera pas les beaufs de revoter Front National et pour Le Pen aux prochaines élections. Si le sport rendait moins con, ça se saurait... Mais en attendant, quelle belle image, quel reflet chatoyant d'eux-mêmes renvoie aux Français, cette superbe équipe de France.

MONDIAL DES BANLIEUES -

Les jeunes Montréalais se seront finalement rendus jusqu'en demi-finale de ce petit Mondial à l'ombre du grand qui réunissait 37 équipes de 37 villes du monde.

En quarts de finales, les Montréalais avaient d'abord sorti les Français de Bourges, 7-1, dans un match à sens unique, comme l'indique le score.

En demi-finale, les Montréalais aux Madrilènes. Et ils se sont cogné le nez ! Ils ont logiquement perdu 6-2. Les Espagnols, meilleurs techniciens, ont contrôlé le ballon. Nos amis sont partis d'un bien mauvais pied quand leur gardien Patrick Guefard a récolté un penalty pour une charge inutilement musclée. Guefard, de l'avis général, est certainement le meilleur gardien de ce tournoi. Mais pas hier. Déconcentré par son erreur de début de match, il a été faible sur au moins deux buts.

Ils l'ont pris dur un peu. Il y en a deux qui braillaient.

- Voyons donc les boys...

- Ouais man, on avait une chance d'aller en finale...

Dans l'autre demi-finale, Buenos Aires a battu Johannesburg. La grande finale oppose donc, aujourd'hui, les Argentins aux Espagnols. ( Notons que les Argentins sont issus du même groupe que les Montréalais qui ont été les seuls à les battre en préliminaires ).

Dans la petite finale, Montréal disputera la médaille de bronze aux Sud-Africains de Johannesburg. Ce sera difficile. Mais bon, on ne les chicanera pas, même qu'ils méritent des félicitations pour leur parcours presque sans faute dans ce tournoi où personne ne les plaçait dans les quatre meilleures équipes.

Bonnes vacances, les jeunes.

UN UIKEND À MAUBEUGE -

Je le redis, c'est ce dont on parle le plus autour du Mondial, le Mondial a vidé les hôtels, les restos, les magasins, les musées, le Luxembourg. Peu de touristes, pas du tout de congressistes, le Mondial est un désastre sauf pour les McDo, Pour le tirage des journaux et les télés payantes. Je vous l'avais déjà dit des autres villes où je suis passé, Toulouse, Lyon et Lens, c'est pire à Paris. Au Grand Marché, rue de Sèvres ( où je fais provision de confitures ), une caissière disait que le " uikenne ", Paris ressemblait à Maubeuge.

Je n'avais aucune réservation. En arrivant de Lens, j'ai téléphoné au Facotel de Saint-Denis, à deux pas du stade de France en me disant, tu rêves... " Mais oui monsieur, nous avons des chambres ", m'à dit la dame.

Facotel ? Connaissez pas ? Il y en a trois dans Paris, quatre en banlieue. C'est bien. Comme des petits apparts, avec kitchenette. Hier soir, je me suis fait cuire des patates. La grande vie mon vieux ! À la semaine autour de 550 $. Plus 25$ pour le garage. On peut louer à la nuit aussi.

Je suis toujours surpris quand vous revenez de Paris. Je vous demande quel hôtel, quel prix, vous me sortez des 220 $ du côté de l'Opéra, ou de l'imbuvable Rive Gauche. Le faites-vous exprès ?

LE GRAND SILENCE -

En Italie, chicane et colère après la consternation. Selon un sondage réalisé au lendemain de la défaite, 88 % des Italiens imputent la défaite de la Squadra azzurra à l'entraîneur Cesare Maldini. On lui reproche son plan de match trop conservateur, on lui reproche de s'être obstiné à faire jouer un Del Piero inexistant à la place d'un Roberto Baggio plus pointu. Maldini persiste et signe : " Je referais exactement la même chose, si le match était à rejouer ". Là dessus il quitte le plateau de télé ( Montecarlo ) où on l'avait invité.

Di Biagio, l'homme au penalty manqué est épargné par les critiques, il faut dire qu'avant sa malchance, il avait été le meilleur italien du Mondial. Comme dit mon cousin de Varese que je viens d'avoir au téléphone, il n'y a plus rien qui va en Italie, le meilleur devient le pire, le pape est Polonais et dieu est Français...

- Déconne pas, c'était comment Varese ?

- C'était le silence.

RUGISSEMENTS -

Grève à l'Euro-disney des artistes qui passent la journée dans Winnie l'Ourson, dans la Petite Sirène et autres animaux du Livre de la Jungle. Veulent des augmentations. L'homme qui est dans le lion ( ou serait-ce le lion qui est dans l'homme ) rugit à la porte de sa ménagerie américaine, il porte une pancarte sur laquelle on peut lire : " Je crève ".

On raconte que l'employé syndiqué qui est dans l'orang-outang avait agrandi le trou par lequel il respire. On l'aurait obligé à le repriser, " avec du fil jaune en plus ", se plaint-il.

Du fil jaune, quand même ! Un orang-outang n'est pas un serin.