Le lundi 13 juillet 1998


Un beau mondial
Pierre Foglia, La Presse, Mondial 98

Voilà, le Mondial s'est terminé en apothéose, par la victoire des Français comme je le souhaitais, parce que j'aimais cette équipe et, que le Brésil me tombait joyeusement sur les rognons.

Un beau Mondial. Il n'en est jamais de laid de toute façon. Même aux États-Unis où ce fut un ratage complet, de l'organisation à la finale, après un mois de mortel ennui c'est ce qu'ils avaient dit : un beau Mondial.

En France au moins on était au coeur du sujet. En France au moins, c'est aux trois quarts vrai que ce fut un beau Mondial. Surtout la seconde moitié, quand la France toute entière se mit à chanter sur les Champs-Élysées, à Lille, à Marseille, à Bordeaux : " On a gagné, on a gagné ". Une joie si belle, si simple, dans ce pays compliqué. Un moment de grâce absolue. Un nationalisme de toute les couleurs, " blanc-Black-Beur " selon l'expression du journal Libération, qui dit exactement le contraire du nationalisme Dupont-Ducon de Le Pen. Un nationalisme sans chauvinisme, ça se peut, la preuve. La joie d'être ce qu'on est : multicolores. La France s'est projetée dans cette équipe chamarrée, et y a trouvé toutes les raisons d'être fière de ses métissages...

Pour cela surtout ce fut un très beau Mondial. Pas con disons.

Pour le football lui-même d'autres vous diront, dans ces pages que ce fut pas si mal de ce côté-là non plus.

J'ai quant à moi redécouvert la fausse lenteur du plus universel des sports, repris goût à ce que donne à vivre un match de foot, à l'affrontement de cultures différentes, celles qui veulent le ballon comme un soleil, celles qui le donnent pour que vous vous brûliez avec.

Quelque couacs quand même, le plus gros du côté de la billetterie, près de 100 000 billets qui n'ont jamais été livrés à ceux qui les avaient payés, Anglais et Japonais surtout. Escroqueries au plus haut niveau.

Autre point noir : le Mondial est trop long. Trop de matches inutiles, au résultat trop prévisible. Ils étaient bien gentils les Coréens, les Japonais, les Tunisiens, les Autrichiens, les Américains, les Jamaïcains, les Sud-Africains et les Écossais aussi, mais bon, avec l'Iran et la Bulgarie ils n'étaient pas dans la même ligue comme on dit. Un tiers-Mondial en quelque sorte sans autre intérêt que son exotisme.

L'arbitrage aussi. On a beaucoup critiqué l'arbitrage de ce Mondial. Je ne suis pas d'accord. Les erreurs d'arbitrage sont une composante du sport. En faire une maladie est bien de cette époque en quête de pureté, de perfection, d'intégrismes. Accepter l'erreur, la malchance, l'accident, c'est ça aussi le sport, en tout cas c'est la vie. Le gros point noir de ce Mondial n'a pas été la médiocrité des arbitres, mais la tricherie ( pas en finale Dieu merci ). Les joueurs qui se laissent tomber, qui miment la douleur, voilà le vrai scandale. Qu'on ne contournera pas par la reprise vidéo. La solution ? Changer les mentalités. Ce sera long ? Ça prend toujours du temps pour être moins con...

Dernier bogue enfin, le hooliganisme. La solution on l'a vu à Lens : un déploiement invraisemblable de forces policières. S'il faut décréter la mobilisation générale pour chaque match de foot... Un truc m'a sauté dans la face en côtoyant les hooligans à Lens : avant d'être un fasciste, avant d'être un ivrogne, un hooligan est un type qui veut sortir de l'anonymat de sa petite vie merdique. Et qui ne sait pas s'y prendre autrement qu'en faisant le crétin. Bref ce n'est pas un être si différent de vous et moi. Peut-être qu'on pourrait lui suggérer d'autres moyens de se distinguer, je ne sais pas moi, les arts plastiques, des cours de cuisine japonaise, l'apprentissage des langues sino-tibétaines. Je déconne ? Pensez-vous que les innombrables sociologues qui leur font la morale ne déconnent pas aussi ?... En attendant qu'on déconne moins, les uns et les autres, dans un hôpital de Lille, un gendarme repose toujours dans le coma.

Je suppose que le foot serait moins universel sans quelques martyrs.