Le jeudi 12 février 1998


Le plaisir, une dope dangereuse ?
Pierre Foglia, La Presse, Nagano

Le recours à la marijuana pour améliorer la performance sportive est une pratique plutôt récente. Ça fait longtemps que les athlètes fument leur petit joint, comme tout le monde, mais à ma connaissance, les premiers cas connus de dopage à la mari remontent à moins de deux ans, quand les Français ont découvert, avec une certaine stupeur, que quelques-uns de leurs meilleurs gardiens de but ( au soccer ) fumaient du cannabis avant les matches pour les aider à surmonter le stress et, ce qui est plus curieux encore, en tout cas moi ça m'étonne beaucoup, pour aiguiser leur vision, en particulier leur évaluation des distances...

Testé positif à la mari, Bernard Lama, gardien de but de l'équipe de France, a été suspendu pour deux mois. Le Patrick Roy français (qui joue en Grande-Bretagne ) a reconnu les faits et accepté sa sentence avec une relative sérénité : " Je savais que c'était interdit, je n'avais qu'à faire attention ".

Pour les mêmes effets anxiolytiques, la marijuana serait aussi très populaire auprès des tireurs olympiques, à l'arc ou la carabine.

Je corrige donc ce que je vous affirmais un peu rapidement hier dans la précipitation de la nouvelle, il n'est pas exact de prétendre que le cannabis n'améliore pas la performance. D'où le relatif intérêt de savoir quand Rebagliati a fumé son dernier joint. Le 30 janvier comme il le prétend ? (petit comique !) La veille avec ses copains ? Ou une heure avant son slalom ? Consommation " sociale ", ou " utilitaire " ?

Nuances significatives, mais aussi, si vous voulez mon avis, purement académiques. Il est des questions plus importantes à se poser. Celle-ci par exemple :

Comment des gens qui savent que au moins 30 % des médaillés olympiques sont bourrés d'hormones INDÉTECTABLES, comme le IGF-1 par exemple, la dernière grande dope à la mode avec l'hémoglobine réticulée et les perfluocarbones qui accélèrent le transport de l'oxygène dans le sang, ou la fluoxérine, un antidépresseur, ou la tacrine qui agit sur les neurotransmetteurs comme le cannabis, mais cent fois comme le cannabis, comment ces gens-là qui laissent aller les plus gros poissons peuvent-ils ne pas remettre à l'eau une minuscule petite sardine comme Ross Rebagliati ?

Ces gens du CIO, dont je parle, oseront-ils rappeler les médailles d'or de Djamel Bouras, le judoka français, et de Paola Pezzo, la championne italienne de VTT, maintenant qu'on sait qu'ils marchent à la nandralone, une des plus vieilles ( et plus efficaces) dopes du sport ?

Comment des gens qui ont fait un modèle olympique de l'obscène Florence Joyner-Griffith osent-ils faire un scandale pour un petit joint ?

Va-t-on traîner dans la boue un gamin coupable de fumettes quand on sait que cinq millions d'Américains se font des biceps à la testostérone ? Que les écolières prennent des anabolisants pour combattre leur cellulite ?

Va-t-on une fois de plus transporter le problème de la drogue sur le terrain de la morale parce qu'on est impuissant scientifiquement à détecter les produits vraiment dangereux ?

Que veulent nous dire les bonzes de l'olympisme en pointant Ross Rebagliati ? Que fumer un petit joint c'est pas bon ?

J'ai souvent eu l'impression que du point de vue olympique, le plaisir gêne. En tout cas ils l'ont mis sur la liste des produits interdits.

C'EST BON LE CURLING -

Toujours à propos de la marijuana, on sait qu'en Californie, on en permet l'usage thérapeutique aux sidéens et aux cancéreux. Ce qu'on sait moins, c'est que la marijuana, efficace contre le cancer, est également très efficace contre le curling. D'ailleurs la consommation du cannabis a énormément augmenté ( même en Saskatchewan ) depuis le début des Jeux, et cette augmentation serait directement reliée aux interminables matches de curling que Radio-Canada s'obstine à infliger à la population canadienne.

C'est un fait observé, et que j'ai maintes fois éprouvé moi-même : quand on fume du cannabis on améliore non seulement sa performance, mais aussi celle des autres. Je me souviens d'un documentaire sur la culture de la betterave fourragère en Pologne septentrionale, je me souviens en particulier d'une betterave tirant sur le rose qui jouait un tout petit rôle dans ce documentaire mais avec un naturel extraordinaire qui n'est pas sans évoquer le jeu de la skip de l'équipe canadienne de curling, sauf que, la skip a des lunettes.

À RENDRE MALADE -

Je vais vous faire hurler mais ce n'est pas pour vous faire hurler que je le dis, c'est parce que je le pense : le hockey féminin n'a rien à faire aux Jeux olympiques.

Un sport qui ne peut pas recruter assez de bonnes joueuses à travers le monde pour un tournoi à six équipes, n'a rien à faire aux olympiques.

Très bien le hockey féminin quand il est joué par les Canadiennes ou les Américaines. Mais un match Canada-Japon est une aberration comme on n'en voit même plus au jeux du Québec. Je lisais je ne sais plus dans quel journal que Danielle Goyette, auteur de trois buts dans ce match contre le Japon, avait " du feu dans les yeux ". Mettons que des petites braises sous la cendre eussent largement suffi.

À l'exception des grandes disciplines olympiques, athlétisme, aviron, gymnastique, natation, le sport d'élite féminin manque souvent de profondeur. L'exemple criant du tennis : cinq ou six grandes joueuses et pouf un grand trou, à la septième tête de série on est déjà rendu chez les pee-wee.

Le déséquilibre du tennis est multiplié par dix au hockey. Même si le Canada n'a gagné que 2-0 contre la Chine, ce n'était pas un match, ni un spectacle. Ce qui n'a pas empêché Radio-Canada de nous en décrire les trois périodes. C'est une autre aberration : pendant quatre ans, jamais de hockey féminin à Radio-Canada. Pas un match. Tout d'un coup, parce que c'est les olympiques, ça devient très important de ne pas manquer une mise-au-jeu de Canada-Japon. Pareil pour le curling, dont on ne nous épargne pas une pierre.

On devine dans cette boulimie olympique le souci d'en avoir " pour son argent ". Je comprends bien que les droits de retransmission ont coûté cher, mais c'est comme au restaurant quand on a choisi le buffet, t'es pas obligé de reprendre 12 fois du jello parce que ça ne coûte pas plus cher. T'es pas obligé de te rendre malade...

POUR LA TÊTE -

Je devine que les journaux de ce matin parlent abondamment de cannabis, alors aussi bien vous instruire jusqu'au bout. Saviez-vous qu'il se tient en Hollande au mois de novembre, une foire du pot, au cours de la laquelle est remise annuellement la Coupe Cannabis à la meilleure variété intérieure et extérieure ?

En cette année olympique, le gagnant pour la variété intérieure est le Hawaïan Bud dont la revue High Times ( janvier 98 ) vante ainsi les particularités : " Fort en résine, buzz immédiat et cérébral ". Cérébral, hein ? Exactement ce qu'il vous faut pour regarder le curling.