Le mardi 17 février 1998


On se calme le pompon !
Pierre Foglia, La Presse, Nagano

J'ai écrit l'autre jour que le hockey féminin n'avait pas sa place aux Jeux olympiques.

Madame Nathalie Lambert, multiple médaillée olympique et occasionnelle collaboratrice de La Presse à Nagano, a compris de mon papier que les filles n'avaient pas d'affaire à jouer au hockey. Ou qu'elles y jouaient moins bien que les gars. Ou quelque chose dans ce goût-là. Et elle s'est livrée, dans notre numéro de dimanche, à une laborieuse défense du sport féminin.

Que je n'avais absolument pas attaqué.

J'ai seulement dit que le hockey féminin n'était pas assez développé, hors du Canada et des États-Unis, pour justifier là tenue d'un tournoi olympique. Je maintiens.

Si le hockey féminin nord-américain, est assez riche en talents et en traditions pour alimenter, comme il en est question, une ligue professionnelle, le reste du monde n'est tout simplement pas prêt. Vous pouvez ne pas être d'accord, madame Lambert, mais que vient faire ici votre solo de drum sur le sérieux, la rigueur, et la discipline des athlètes féminines ? En ai-je douté dans mon papier ? Le procédé est passablement malhonnête. Pour ne pas dire dégueulasse. Je n'ai jamais parlé de ça. Je n'ai pas attendu que vous gagniez des médailles olympiques pour découvrir le sport féminin, cherchez-moi d'autres chicanes que celle-là et lâchez-moi avec vos leçons de morphologie, je ne vous ai pas attendue non plus pour savoir qu'il y avait quelques petites différences entre les hommes et les femmes, ce qui n'a jamais influencé ma façon de couvrir et d'apprécier un marathon, une course de vélo, un match de basketball, ou un match de hockey pourvu que les filles qui y jouent tiennent au moins debout. Me semble que c'est un minimum aux olympiades, non ?

Vous tombez mal quand vous me suggérer de " suivre le sport amateur un peu plus régulièrement qu'une fois par quatre ans ". Il se trouve que je suis très au fait de l'actualité du sport amateur, n'importe quel confrère en ce moment à Nagano vous l'aurait confirmé si vous aviez pris la peine de vérifier. Pour quelqu'un qui se mêle de donner des leçons de rigueur, je vous trouve bien mal chaussée, madame Lambert.

J'ai répété cent fois (et écrit) que je tiens Myriam Bédard pour l'athlète de la dernière décennie au Québec. Si vous me demandiez de nommer les dix plus grands athlètes des Jeux modernes, je nommerais très certainement parmi ceux-là au moins trois femmes, Jackie Joyner-Kersee, Nadia Comaneci et Kristin Otto, savez-vous au moins qui est Kristin Otto madame Lambert ? Bien sûr que non. Vous n'en avez la moindre foutue idée.

Peut-être m'avez-vous entendu prétendre que les joueuses et joueurs de curling ne sont pas des athlètes. Ça oui, je l'ai dit. Pour les joueuses de hockey japonaises, chinoises, suédoises et finnoises, je soutiens seulement que leurs matches sont super dull à regarder. Je dis que les Jeux olympiques ne mesurent pas la bonne volonté, ni le cardio, ni la forme en général, ils mesurent le talent et sa représentation, autrement dit le show. Vous seriez mal venue de nier l'importance du spectacle, le sport dans lequel vous avez performé étant connu pour en mettre plein la vue, même qu'à Lillehammer c'était un peu trop.

Je crois savoir, madame Lambert, quelle mouche vous a piquée. C'est le mot " profondeur " dans cette affirmation que je maintiens aussi : " Les sports féminins manquent souvent de profondeur. " Vous avez compris que je disais qu'ils manquaient de consistance, de qualité, de valeur. Avez-vous un Larousse à Nagano ? Dommage. Vous y auriez lu que la profondeur, dans ce sens-là, c'est le nombre, la quantité, le membership. Le manque de profondeur, c'est tout simplement un manque de participantes, une trop petite base pour dégager une élite et une relève à cette élite. Le manque de profondeur s'explique évidemment par le relativement récent avènement des femmes à la pratique du sport d'élite. C'est le contraire du sexisme que de le rappeler.

Les femmes ne sont admises aux Jeux olympiques que depuis 1928, à Amsterdam. La toute première femme à avoir performé sur un plateau olympique est une lanceuse de disque et la grande controverse de ces jeux d'Amsterdam portait sur le 800 mètres féminin. On prétendait que c'était une distance beaucoup trop longue " pour des femmes ". Le Daily Mail de Londres avait même écrit : " Courir fait vieillir les femmes prématurement. "

À la ligne d'arrivée du 800 mètres, plusieurs coureuses s'étaient écroulées comme à la fin d'un marathon, et la scène avait si violemment impressionné l'opinion publique que le 800 mètres fut supprimé ! Jusqu'aux Jeux de Rome (1960), les femmes ne couraient plus que les sprints (100 et 200). Tout cela est dans un livre sur les femmes et les Jeux que je peux vous prêter si vous voulu madame Chose. Cela dépoussiérera votre stock de clichés...

Savez-vous depuis quand les Chinoises jouent au hockey ? Cinq ans. Vous plaidez la patience, vous dites qu'un sport prend une douzaine d'années à devenir adulte. Je ne vous suivrai pas non plus sur ce terrain, je prétends que les olympiades ne sont pas un lieu de maturation, mais d'accomplissement, d'achèvement. Ce sera le sujet d'une autre chicane. En attendant, la journaliste que vous tentez de devenir, selon votre propre expression, devra apprendre à lire avant d'écrire. Mais une solution plus rapide serait de vous consacrer à la télévision et à la radio. Ce que je vous conseille vivement.

Saluez bien bas vos chats, vous en avez de nombreux je crois, je ne suis pas certain que vous les méritez tous.