Le mardi 12 janvier 1999


Comment va la santé ?
Pierre Foglia, La Presse,

Il y a environ un mois je racontais dans cette chronique le parcours médical - " sans histoires d'horreur " disais-je - d'un vieux monsieur qu'on a soigné pour un cancer de la gorge. Un vieux monsieur qu'on n'a pas fait poireauter indûment dans les salles d'attente, qui n'a pas été rudoyé ni bousculé par un personnel surmené et aigri par les coupes. Au contraire, le vieux monsieur a reçu des soins diligents, attentifs et même empressés. Je citais, au tableau d'honneur, l'Hôpital du Haut-Richelieu à Saint-Jean et le service de radiologie de l'hôpital Notre-Dame.

Le croiriez-vous, un mois après, je reçois encore des commentaires courroucés de gens, des dames surtout, des vieilles dames me semble-t-il, qui me disent ne pas être des lectrices de La Presse, mais on leur a découpé mon article, elles l'ont lu et vraiment, monsieur Foglia, vraiment, on n'a pas de compliment à vous faire, vous êtes un bel écoeurant.

Ce n'est pas spécifiquement pour leur répondre que je reviens sur le sujet, mais il me fait quand même plaisir de leur dire, au passage, que j'ai précisément écrit cette chronique contre l'état permanent de scandale dans lequel nous tiennent leurs jacasseries d'épicières variqueuses qui n'ont rien d'autre à foutre dans la vie que de parler de leurs maladies. Je suis bien content qu'elles aient lu ma chronique. Je suis heureux qu'elles se soient étouffées avec, mais pas assez, puisque, apparemment, il leur reste assez de souffle pour m'engueuler.

Cela dit, j'ai reçu d'autres critiques fort justifiées que j'ai rapportées aussitôt, et je suis d'accord pour un bémol majeur : mon vieux monsieur n'est pas la preuve qu'il n'y a pas de problème dans notre service de santé.

Il est seulement un petit peu la preuve qu'il n'y pas QUE des problèmes dans notre système de santé.

Je la raconte souvent celle-là et vous allez l'entendre une autre fois. J'ai suivi la guerre du Liban à la télévision pendant cinq ans. Vingt secondes tous les soirs aux nouvelles, boum une voiture qui explose, boum un obus, tadadadam un type traverse la rue en tirant des rafales de mitraillette. Dans ma tête, le Liban n'était plus un pays avec des gens, c'était devenu un truc qui faisait boum, tadadadam boum. Et un jour je suis arrivé au Liban. Au plus fort de la guerre. En débarquant du bateau à Djouniyé, la première chose que j'ai vue c'est des autos avec des skis sur le toit, des gens qui allaient faire du ski dans les monts Galilée.

C'est pareil pour notre système de santé. Il ne fait pas boum boum toute la journée. Il y a les problèmes, nombreux, douloureux. Et il y a le quotidien, en général bien assuré par un personnel compétent, voire chaleureux. On n'est pas plus mal soigné au Québec qu'aux États-Unis, sûrement mieux. Avec plus de justice, en tout cas. On n'est pas plus mal soigné au Québec que dans les autres nations industrielles dites " avancées ". Certainement pas une médecine de tiers-monde comme je l'ai entendu dire avec un involontaire mépris en quoi notre picotte mérite-t-elle plus d'égards que le cancer du papou d'un colon ? Fouille-moi.

Anyway si ça me faisait tant plaisir de raconter l'histoire du vieux monsieur qui a été bien soigné, ce n'était même pas pour dire qu'on avait un bon système de santé. Puisque, vous voulez tout savoir, c'était pour dire - on sortait à peine de la campagne électorale - c'était pour dire comme je les avais trouvés puants, toute la gang, d'avoir fait de la santé non pas un enjeu électoral, mais un outil électoral.

Bien sûr que tout est politique. Le " vivre ensemble " dont relève la santé est éminemment politique, la société dans toutes ses fibres est politique. Mais on confond chez nous politique - politikos " de la cité ", élaborer la cité, la concevoir - on confond faire la cité, avec faire de la politique, je veux dire faire le con pour garder le pouvoir ou pour le prendre.

On était dans un avion, on volait je crois vers Gaspé, j'étais assis à côté de l'attaché de presse de M. Charest et je lui disais combien m'horripilaient les discours de son boss sur la santé. Il me demande pourquoi. Parce que, mon vieux. Ton boss, il s'en contrecrisse de la santé. Qu'il devienne demain matin ambassadeur du Canada à Washington, ou PDG de Bombardier et c'est fini. Fini, tu m'entends. Il ne dira plus jamais à personne : comme c'est effrayant ce qui se passe dans les hôpitaux au Québec. Il n'en a rien à cirer. C'est un outil pour prendre le pouvoir. Et pour Bouchard, le contraire, un piège où il peut le perdre. On n'a pas eu d'autre débat sur la santé que celui-là.

Depuis deux ans, les trois quarts des gens qui interviennent sur le sujet de la santé dans les émissions d'information, dans les journaux, dans les colloques, dans les sommets, dans les lettres ouvertes aux journaux, dans les assemblées syndicales des infirmières, dans les rencontres de médecins, dans ma boîte vocale, le font au nom du parti libéral ou au nom des péquistes.

You bet que ça ne va pas bien la santé au Québec. Mais c'est peut-être moins dans nos hôpitaux que dans nos têtes.

SALUT LES BELGES -

Hé ho, les boys, je peux vous poser une question ? Avez-vous beaucoup d'autres anniversaires à fêter cette année que l'an 2000 ? Déjà que vous allez nous casser les bonbons toute l'année avec vos célébrations du millénaire - ce que vous allez faire à minuit, où vous allez être et avec qui, déjà que je trouve bien long de vous entendre freaker sur le bogue qui va vous manger une seconde plus tard - qu'aviez-vous besoin, en plus, de fêter les 70 ans de Tintin ? Cette ridicule face à claques, plus pédé qu'une musaraigne, plus Belge que Johnny Hallyday, né à Etterbeek, dans la banlieue de Bruxelles, la banlieue la plus résidentielles du monde, Tintin le héros résidentielle le Tino Rossi de la bande dessinée, Tintin a 70 ans pis après ? Est-ce suffisant pour que vous vous mettiez tous à chanter comme des veaux, Tintin ne nous quitte pas, ne nous quitte pas, raconte-nous encore l'histoire de ce roi mort comme un rat mort, hé ho, les boys, êtes-vous tous en train de devenir Belges ou quoi ?

Allez, ne soyez pas fâchés. Tiens, je vais vous en pousser une petite en flamand, une vraie, une belle... it's four in the morning, the end of december, I'm writing you now to see if you're better...

Becs.