Le samedi 30 janvier 1999


Et ta sœur, elle est débardeur ?
Pierre Foglia, La Presse,

Il y a des athlètes homosexuels dans toutes les disciplines sportives. On connaît mieux ceux du patinage artistique, mais il y a aussi des joueurs de football homosexuels, des boxeurs homosexuels, des coureurs cyclistes, des marathoniens, des sauteurs à la perche, des avironneurs, des joueurs de hockey, etc.

Proportionnellement, il y a pourtant moins de gais dans l'élite sportive que dans la population. Les gais ne sont pas moins doués que les straights pour le sport, sauf que le conservatisme du milieu sportif ne favorise pas leur développement dans les programmes d'élite.

Chez les femmes, c'est le contraire. Les homosexuelles sont proportionnellement beaucoup plus nombreuses dans le sport que dans la population. La raison ? Elles frappent la balle plus fort au tennis, plus loin au golf. Elles ont un lancer plus lourd au hockey.

" C'est la moitié d'un homme ", a osé dire Martina Hingis de sa rivale en finale des Internationaux d'Australie, Amélie Mauresmo. L'attaque, malveillante, visait à déstabiliser. Reste que la question soulevée par cette " bitcherie " est pertinente. Les homosexuelles ont-elles des qualités morphologiques qui leur permettent de frapper la balle plus fort avec une raquette ou un bâton de golf ? À pédaler plus vite ( le peloton des filles compte un tiers d'homosexuelles ) ? À ramer plus vite ? À lancer des rapides au baseball ?

J'ai déjà soulevé la question. On n'avait pas aimé.

Te demandes-tu la même chose pour les artistes, m'avait-on répliqué avec un certain agacement.

Absolument pas.

Alors pourquoi les sportives ?

Parce que, bougre de con, qu'un artiste soit gai ou non, c'est du potinage. Ça ne change rien à sa création. Tandis que l'homosexualité d'une athlète influence peut-être, sans doute, sa performance. Or le sport n'est rien d'autre que performance. Un prix, un gros, est attaché à la performance.

Tant qu'on ne parlera pas de l'homosexualité comme d'une donnée significative du sport féminin, on encouragera les ragots, la jalousie, les conneries comme celles qu'ont dites Davenport et Hingis en Australie. Mais l'entraîneur d'Amélie Mauresmo n'a pas été bien plus malin quand il a prétendu que sa protégée avait acquis son impressionnante carrure en faisant de la musculation. Et ta soeur, Chose, elle est débardeur ? Et les autres joueuses, elles se préparent en faisant du tricot je suppose, c'est pour ça qu'elles n'ont pas cette carrure-là ?

SUPER BOWL - Je situe le début du Super Bowl à 18h17, au moment où Cher a entonné l'hymne national américain. Comme il s'est terminé à 21h41, le Super Bowl a donc duré trois heures et 24 minutes. Soit 204 minutes.

Ma question : sur ces 204 minutes de spectacle soi-disant sportif, combien de minutes de sport ? Par sport, j'entends mouvement et action. J'entends des joueurs qui bougent sur le terrain. Combien de minutes de sport durant ce Super Bowl, croyez-vous ? Tenez-vous bien, j'ai chronométré : 13 minutes et 27 secondes !

De l'hymne national au dernier jeu du match, 13 minutes et 27 secondes de jeu réel, de temps actif pendant lequel IL SEST PASSÉ QUELQUE CHOSE SUR LE TERRAIN. Une semaine de délire, des milliers de pages de journaux, des heures et des heures de " pregame show ", 204 minutes de spectacle, pour 13 minutes et 27 secondes de jeu !

J'aime le football pourtant. Son propos : gagner du terrain comme dans la vie. Sa superspécialisation, comme dans la vie encore. Son rythme : on arrête, on choisit un jeu, on l'exécute, on arrête, on choisit un autre jeu, on l'exécute... J'aime l'idée de s'arrêter pour penser à ce qu'on va faire. Sauf que si on profite de chaque arrêt pour glisser quatre annonces publicitaires, on n'a plus un match de football, on a un festival de pub.

Budweiser, McDonald, Volvo, Pontiac, Molson, la loterie, du vin, de la pommade pour les muscles, des assurances, la ScotiaBank, Esso, Chrysler, des pâtes, Tim Horton, des céréales, des chips, Air Canada, Acura, des batteries de voiture, des films, et des dizaines d'annonces maison de Global... Un exemple de séquence : 18h46, touché des Broncos suivi d'un bloc de quatre annonces, Budweiser, Air Canada, McDo, Global. On revient sur le terrain à 18h49 pour assister au dégagement des Broncos suivi du retour de botté des Falcons : 14 secondes de jeu exactement. Nouveau bloc d'annonces, Volvo, un film, Doritos, Global. Retour au jeu à 18h52. Les Falcons merdouillent et doivent dégager. 18 h 53 autre bloc d'annonces, téléphone cellulaire, Molson, batterie de char, Global. Il est alors 18 h 56 et dans cette séquence de dix minutes, on a eu moins de 30 secondes de jeu et 16 annonces publicitaires.

L'actualité fait ses choux gras de quelques pots-de-vin et de quelques coquins olympiques, mais quand c'est l'intégrité elle-même du sport qui est touchée, tout le monde s'en crisse. Ce Super Bowl s'est pourtant transformé en matraquage honteux d'un public captif. Le sport parasité, transformé en centre commercial nous renvoie platement à ce que nous sommes : des consommateurs.

Où est passé l'exploit ?

SANS PAUSE PUBLICITARRE - Je désignais allégrement, la semaine dernière, le triathlète Pierre Heynemand meilleur athlète au Québec. D'où ses remerciements aussi empressés qu'étonnés dans ma boîte vocale. C'est une erreur. J'ai tout simplement pris Heynemand pour le vainqueur du Ironman de Hawaï, sauf que ce n'est pas Heynemand qui a gagné le Ironman, c'est un autre Québécois, Peter Reid, de Mont-Tremblant, qui vit depuis deux ans en Colombie-Britannique.

Mes excuses.

L'Ironman de Hawaï ( disputé début octobre ) n'est pas seulement le plus prestigieux triathlon du monde, c'est une odyssée qui consacre des athlètes exceptionnels capables d'enchaîner quatre kilomètres de nage, 180 kilomètres de vélo pour finir par un... marathon ! Et t'as pas trois semaines pour faire tout ça ! Peter Reid, premier Canadien à remporter l'Ironman, a complété les trois épreuves en 8h24.

Un effort 36 fois plus long que le Super Bowl, sans aucune pause publicitaire.