Le jeudi 3 juin 1999


Pourquoi pas moi ?
Pierre Foglia, La Presse

J'informe ici M. James Arnett, président de Molson, que je voudrais poser ma candidature à la succession de M. Ronald Corey au poste de président du club Canadien.

Parlons brièvement de sous. Pour les sous, ça fonctionnerait un peu comme ça fonctionne en ce moment dans mes finances personnelles. C'est très simple quand j'ai besoin d'argent j'en demande à ma fiancée. Bien sûr, j'ai une vague idée de ce que je peux, et surtout de ce que je ne peux pas lui demander. Je n'arriverais jamais à la maison en lui disant fiancée, j'ai besoin de 70 000 $ pour m'acheter une Porsche.

Je n'ai nul besoin d'une Porsche.

De la même façon, M. Arnett, je n'entrerai jamais dans votre bureau en vous disant : j'ai besoin de 105 millions pour faire signer un contrat de sept ans à Forsberg ou à Sakic, ou Nieuwendyk.

Je n'ai nul besoin de Forsberg, pour mon projet.

Permettez-moi d'attirer votre attention, M. le président, sur les présentes séries. Particulièrement sur celle qui vient de se terminer entre Buffalo et Toronto. Contre tout attente, des bons matches et du jeu spectaculaire. " Durant les séries, les joueurs élèvent leur niveau de jeu d'un cran ", aiment radoter les commentateurs sportifs. En fait, pendant les séries, quand il faut gagner absolument, d'instinct, les joueurs élèvent leur niveau de jeu COLLECTIF, d'un cran et même de plusieurs crans. Même les grands joueurs. Michael Jordan n'a jamais été aussi grand que lorsqu'il est devenu " collectif ", vers le milieu de sa carrière.

C'est l'exemple et le changement de cap que je vous propose, M. le président. Une équipe qui jouerait en équipe toute l'année.

Je vous entends : c'est l'affaire de l'instructeur. Vous avez raison un peu et tort beaucoup. Aucun instructeur ne peut faire jouer en équipe 25 têtes de vache, qui font carrière sur leurs statistiques personnelles. Bâtir une équipe, en pensant " équipe ", n'est pas la responsabilité des seuls instructeurs. Cela participe d'un état d'esprit, d'une volonté de toute l'organisation, d'un DG qui ne signe pas des contrats à bonus, etc. Je vous propose cette révolution, M. Arnett : une équipe. Au lieu de recruter, pour le Canadien, des joueurs-sauveurs, des vedettes, ou des attardés qui ont le " CH " tatoué dans le front, recrutons des joueurs, même moyens, même un peu médiocres, ayant le sens du jeu collectif. Je tiens le pari : dans cette Ligue nationale de têtes enflées qui tiennent pour acquis que le monde leur doit la gloire et la fortune rien que pour les regarder patiner, une équipe qui jouerait en équipe toute la saison pourrait obtenir de surprenants résultats et combler un public relativement averti comme celui de Montréal.

Je peux me tromper, bien sûr. Mais pas vous, M. Arnett. Vous ne pouvez pas vous tromper, en me nommant. Si M. Corey a pu rester 17 ans à ce poste-là, alors moi aussi, sans aucune prétention. N'importe qui, en fait. J'ai connu M. Corey quand il travaillait à Radio-Canada, c'était une sorte de Jean Pagé, à peu près aussi creux et aussi fat. Ce qu'il peut faire, je suis absolument certain de pouvoir le faire aussi. Sauf peut-être manger autant de nouilles.

Bien sûr, " pour continuer dans la tradition " vous serez mieux servi par un Serge Savard, et mieux encore par un Bob Gainey. Mais, si vous êtes pour vous rabattre sur un Marcel Aubut, ce gros tas de rien, alors je vous le demande, mon vieux : pourquoi pas moi ?

ON ME DISAIT MORT J'ATTEND UN BÉBÉ - Ce ne fut pas une grande course de filles dimanche sur la montagne. Ça roulait fort, mais bon, neuf tours ( sur onze ) sans échappée, sans attaque, sans rien, ça manquait un peu d'esprit d'aventure. Le numéro tardif de Lyne Bessette a sauvé le show, et bon, la montagne était belle pareil... J'étais avec des amis, dont quatre journalistes, pas un seul en service, tous là pour " le fun ". Ça n'a Pas rapport, mais quand même un peu, le même jour, le Parti libéral tenait son conseil général à Saint-Hyacinthe, je me demande combien de journalistes y sont allés " pour le fun " ?

Pour continuer dans le bicycle, je vous signale qu'on est dans la dernière semaine du Tour d'Italie, dominé par Marco Pantani, et ça ne risque pas de changer, puisque aujourd'hui, demain et samedi, les coureurs crapahutent dans la haute montagne. Derrière Pantani, un jeune coureur fait la barbe aux Jalabert, Gotti et autres favoris, il s'appelle Paolo Savoldelli, c'est le cousin de mon ami Pepe Marinoni, de Terrebonne, qui fabrique les vélos sur lesquels roulent la moitié des cyclos sportifs du Québec. Ils viennent du même village de montagne, Rovetta, près de Bergame. Savoldelli est un super rouleur ( 2e du contre la montre hier ), et un pas pire grimpeur, mais c'est surtout un descendeur complètement fou. L'autre jour, il a gagné une étape en prenant deux minutes à Pantani dans la dernière descente, Pantani étant lui-même considéré comme un casse-cou...

Rien à voir avec le vélo, enfin si un peu, j'attendais mon tour chez le physio, je tombe sur un récent Paris Match qui parlait de dopage, je lis, je me tanne, je me mets à feuilleté la revue. Faut dire que ça fait cent ans que je n'ai pas lu Paris Match, la dernière fois c'était une revue de bonne tenue, des grands reportages, des photos... Eh bien mon vieux, c'est pu pareil du tout. Et vous lisez ce machin, vous ?

L'entrevue avec Jacques Martin, " On me disait mort, j'attends un bébé ", vous aimez ce genre-là ? Au fait, c'est qui, Jacques Martin ? " Il y a un an victime d'une attaque cérébrale, il a frôlé la mort. Aujourd'hui, à 65 ans, il donne la vie "... " Juliette - notre autre petite fille - tapote le ventre de sa maman tous les matins : elle sait que c'est moi qui ai mis la graine "...

Ah ben, elle est grande pour son âge.

Il y a quarante ans, je travaillais dans un journal qui s'appelait La Patrie dont le boss était Yves Michaud ( oui oui le Robin des banques ), je me souviens il fredonnait toute la journée la même saloperie de chanson : il suffirait de presque rien, nananana, pour que je te dise je t'aime ", il était nul, ce con ! mais nul ! En ce temps-là, on faisait déjà des titres comme celui-là: " On me disait mort, j'attends un bébé ".

Je ne me doutais pas qu'on avait quarante ans d'avance. C'était du nouveau journalisme, en somme.