Le jeudi 21 octobre 1999


En pensant à Myriam Bédard
Pierre Foglia, La Presse

Je dois ma plus belle, ma plus intense émotion sportive de l'année à Geneviève Jeanson, cette jeune fille de Lachine qui a gagné deux médailles d'or au dernier championnat du monde de cyclisme sur route, en classe junior. Et je la remercie infiniment de ce bonheur-là.

Il y avait dans l'attaque qu'elle a portée dans la Torricelle, cette petite colline qui domine Vérone, il y avait tout ce qui fait la grandeur du geste sportif. La netteté. L'audace. Le défi. Le panache. Une manière de dominer son sujet qui renvoyait le peloton à ses petits travaux de broderie. Il y a du Mohammed Ali dans cette gamine.

À mon heureuse surprise, son exploit n'est pas passé dans le beurre. Il aurait pu. « Normalement » du bicyk de filles junior, ça dure trois secondes et demie aux nouvelles du sport. Mais bon, il y a des petits miracles comme ça, de temps en temps, sauf que je ne crois pas aux miracles. Je crois aux circonstances. Ici, je crois surtout que, au-delà de son exploit, Geneviève Jeanson a séduit les médias par sa spontanéité et la vivacité de ses propos. Il y a du champagne dans cette gamine.

La conférence de presse qu'elle a donnée à Dorval a été la plus rafraîchissante conférence de presse qu'ait donnée un athlète depuis très longtemps. Il était rafraîchissant de l'entendre souligner qu'elle et son entraîneur ne devaient rien à personne, surtout pas à l'Association cycliste canadienne. Il était rafraîchissant aussi de l'entendre dire qu'il n'y avait pas de raccourci au succès. Et tout cela pétillait d'insolence, on a même vu remonter quelques bubulles de malice. Du champagne, vous dis-je.

Le lendemain, elle est allée faire la tournée des postes de radio. Puis diverses émissions de télévision. Puis on l'a vue au Point. Et c'est à ce moment-là que j'ai dit wow les bicyks ! C'est bien bon le champagne, mais à un moment donné il faut remettre le bouchon sur la bouteille parce que quand les bubulles sont toutes parties, ça ne titille plus. Ça devient n'importe quelle bibine.

Vous allez me dire que Geneviève n'a pas été plus plate au Point que la plupart des politiciens et des artistes qui vont régulièrement y faire leur numéro de chien savant, c'est vrai, sauf que je n'ai rien à foutre des politiciens et des artistes, alors que Geneviève Jeanson je l'aime bien, Geneviève Jeanson c'est la quintessence de tout ce que j'aime dans le sport : Mohammed Ali sur un bicyk.

L'autre jour, Réjean Tremblay écrivait, avec une pertinence inhabituelle chez lui, qu'on faisait malheureusement, dans les médias, le même usage d'un champion du monde que d'un cornet de crème glacée : « On le lèche, il fond, et quand il est complètement fondu, on en lèche un autre. »

C'est, je le crains, ce qui est en train d'arriver à mademoiselle Jeanson. Vous voilà tout à coup bien sévère, me direz-vous. Pas sévère. Inquiet. Je sens derrière tout ça un itinéraire obligé, une tournée organisée comme pour un chanteur français de passage, je sens la présence de professionnels du marketing, des gens qui savent exactement comment faire mousser deux médailles d'or.

Pis encore, me direz-vous ?

Connaissez-vous Myriam Bédard ? Sans doute la plus grande athlète québécoise de cette fin de siècle ( après Caroline Brunet ). L'avez-vous vue récemment, Myriam Bédard ? Une pitié. Elle est devenue une espèce de clone aérobique de Lara Fabian.

Quand je vois que l'on exhibe mademoiselle Jeanson au Point, à l'Écuyer, au Forum, et sur bien d'autres plateaux où on lui fait refaire son numéro de jeune fille spontanée, sans que personne ne s'avise qu'il est contre la nature de la spontanéité de servir deux fois, quand je vois cela, je pense à Myriam Bédard, et j'aimerais tellement mieux penser à Geneviève Jeanson.

LA REINE DES NOUILLES - Je suis tombé l'autre soir, en zappant, sur le show de M. Daniel Pinard, Ciel! mon Pinard. Une première pour moi. J'ai été à la fois ravi et amusé (il est vraiment drôle ce cran), et agacé (il est vraiment insupportablement bavard). Tais-toi donc un peu. Laisse donc parler la dame. Anyway, Pinard fait cet effet-là à presque tout le monde, j'imagine que c'est voulu, ce n'est pas ce dont je voulais parler, je voulais parler de pâtes alimentaires.

Dans l'émission en question, M. Pinard visitait une épicerie fine de Saint-Lambert quand, passant devant le rayon des pâtes alimentaires, il tomba à genoux devant l'étagère des pâtes Martelli, se prosternant devant ce qu'il dit être la reine de la nouille, fabriquée selon l'antica tradizione artigiana, malaxée dans des pétrisseuses de bronze, les spaghetti Martelli sont ensuite asséchés un par un par des jeunes filles pubères qui soufflent dessus.

Allons donc, M. Pinard, il ne faut pas croire tout ce qui est écrit sur les étiquettes. Surtout en Italie. Combien on parie que je vous donne à goûter, en aveugle, quatre différentes marques de pâtes, et que vous ne serez pas fichu de distinguer vos « uniques » Martelli des communes De Cecco, des plus communes encore La Molisana (1,39 $ le paquet), et j'introduirais aussi, pour vous mêler un peu plus, des prétentieuses Orgoglio, une autre de ces nouilles attrape-touriste dans le genre de Martelli.

Chiche ?

BIZARRE - Relevée cette curieuse petite annonce l'autre samedi dans La Presse, section 343 (emplois demandés).

RÉCOMPENSE pour emploi au gouvernement, discrétion. Fixer rendez-vous. ( Suivait une adresse de boîte postale ).

Récompense ???? Combien ? À qui ?

LE BOUT DE LA MARDE - Les toilettes silencieuses de madame Marois font finalement grand bruit. « Comment peut-on, en même temps, couper dans le réseau de la santé et gaspiller un demi-million en rénovations de bureaux ministériels », se demandaient ce matin l'opposition et The Gazette, trop heureux de tirer la chaîne de ces providentielles bécosses.

Moi, les 400 000 $ pour rénover les bureaux ministériels de madame Marois ne me scandalisent pas. Parce que ça n'a rien à voir, parce que c'est le même genre de discussion démago que lorsqu'on parle du salaire des députés, parce que ce ne sont pas 400 000 $ qui vont changer quoi que ce soit à la situation dans le réseau de la santé. Ce qui me laisse totalement ébahi, par contre, c'est que le gouvernement n'ait pas prévu l'effet dévastateur de ces rénovations sur la population. Ce gouvernement qui devait s'appliquer à réunir des conditions gagnantes s'ingénie au contraire, depuis son élection, à réunir toutes les occasions de se faire flusher, et cette fois il pousse l'inconscience jusqu'à fournir lui-même la toilette.