Le jeudi 25 novembre 1999


Le chef des pompiers est un incendiaire
Pierre Foglia, La Presse

À lire les commentaires médusés des chroniqueurs politiques hier matin, on pourrait facilement déduire que M. Chrétien prend de l'acide. Ou pire, pour un politicien, qu'il n'a aucun instinct politique. Que a-t-il donc pris de réallumer un débat référendaire en train de mourir sous ses cendres ? Que lui a-t-il pris de requestionner la question à un moment où il n'en est pas question ? Et de vouloir fixer à 60 % la majorité d'un oui à la séparation quand n'a jamais été plus lointaine la perspective d'une séparation ?

Comment peut-on diriger un pays avec d'aussi gros sabots, se redemandent pour la énième fois les observateurs politiques de toutes tendances ?

Pourquoi donner des armes aux souverainistes ?

Pourquoi mettre M. Charest dans l'embarras une fois de plus ? ( Rappelez-vous le fameux « la Constitution n'est pas une épicerie » qui avait creusé la tombe de M. Charest dès les premiers jours de la dernière campagne électorale ).

Pourquoi se conduire comme un bum de ruelle en vargeant à grands coups de pied sur un adversaire à terre, et en faire un martyr de la cause ?

À lire les commentaires des chroniqueurs politiques hier matin, M. Chrétien est, au mieux, un impénitent gaffeur, au pire un foutu crétin.

Je vous pose la question : Et si c'était le contraire? Si M. Chrétien n'était rien de moins que le Machiavel de la Haute-Mauricie ? Vous réalisez, j'en suis sûr, que c'est un paranoïaque qui parle. Quand il s'agit de politique je deviens parano, ou naïf, c'est la même chose, du moins la même souche : l'ignorance. C'est donc un ignorant politique qui vous parle et qui vous dit : c'est impossible, M. Chrétien n'aurait pas eu la remarquable carrière politique qu'il a menée jusqu'ici, sans posséder un peu de génie politique. Vous et moi, comme six milliards d'autres humains, sommes faits à 90% d'eau, M. Chrétien est fait à 90 % de politique. Il est impossible qu'il ait pris la décision de réallumer le débat référendaire à la légère. Je ne peux pas m'empêcher de penser que tout a été calculé, y compris son apparente maladresse qui plaît tant aux Canadiens parce qu'ils croient y reconnaître une vertu nationale.

Et si M. Chrétien a tout calculé, à plus forte raison a-t-il calculé l'impact de ses nouveaux diktats référendaires. Il savait bien qu'il allait foutre le feu, M. Chrétien. S'il l'a fait pareil, c'est donc que c'est cela qu'il voulait : foutre le feu.

Pourquoi foutre le feu?

Je vous soumets que c'est peut-être pour avoir le mérite de l'éteindre.

Bref, cet autre épisode de notre grand débat constitutionnel, ne nous aura rien appris que nous ne sachions déjà.
Nous savions déjà que le Canada a besoin de M. Chrétien comme chef des pompiers pour éteindre les feux au Québec (d'autant plus besoin que le Canada ne semble pas à la veille de découvrir que l'incendiaire est le chef des pompiers lui-même).

Et nous savons aussi depuis longtemps que M. Chrétien a besoin de M. Bouchard, comme M. Bouchard a besoin de M. Chrétien, chacun servant de repoussoir-faire-valoir à l'autre.

Mais M. Charest là-dedans, demanderez-vous ?

Que voulez-vous que je vous dise? Qu'il mange d'la marde, M. Charest.

CE QUE L'ON CONÇOIT BIEN S'ÉNONCE CLAIREMENT - Pour rester dans la politique, mais municipale cette fois, un ami d'Alma m'envoie un document que je vous invite très fortement à méditer. Il nous renseigne sur trois choses : sur le suffrage universel, sur la qualité des hommes politiques, et sur leur capacité à structurer leur pensée.

Le maire d'Alma, Jean-Maurice Harvey répond ici à un journaliste qui lui demande s'il s'attendait à un plus fort taux de participation qu'aux précédentes élections municipales. La réponse du maire (n'essuyez pas vos lunettes, la brume est dans le texte) :
« Vous m'ouvrez une belle porte pour lancer un beau message : les citoyens doivent aller voter ! C'est là, la plus belle démocratie qu'on doit supporter. Et je pense que je dis qu'avec ce que je viens de faire comme énoncé, et pour endosser ces énoncés, qu'ils se déplacent pis qu'ils aillent voter. Alors c'est la marge que j'aurai comme rassurance auprès de tous pour les arguments qui sont développés. En fait, l'argument qui est développé, c'est la population qui va se déplacer pour dire on endosse ça. » Jean-Maurice Harvey, maire d'Alma.

LE DIVIN EN SOI - Ginette Bureau a écrit un livre qui s'intitule Toucher le divin en soi, (éd. Médiaspaul), un ramassis de clichés nouvelâgeux et autobiographiques sans grand intérêt, mais bon, cette dame a bien le droit de se toucher le divin si ça lui chante. Elle a le droit d'en faire un livre. Elle a le droit aussi de me l'envoyer, elle n'est pas obligée de savoir que le nouvel âge me donne des boutons.

Par contre, Ginette, j'ai beaucoup aimé la lettre que vous m'avez envoyée avec votre livre. Le début surtout quand vous dites « Comme Malraux, je crois que le 21ème siècle sera spirituel ou ne sera pas. » Malraux a dit ça ? C'est bien. Moi aussi d'abord. Seriez-vous assez aimable de m'inclure dans la formule si vous deviez la réutiliser, et mon petit doigt me dit que vous devez l'utiliser souvent. Pourriez-vous dire, à l'avenir : Comme Malraux et Foglia je crois que le 21e siècle sera spirituel ou ne sera pas.

N'allez pas croire que je suis fâché, hein! Pas du tout. Tiens, je vais même vous chanter une petite chanson pour finir, ça s'appelle La diva et le tarla, je viens de la traduire du folklore grec, le premier couplet va comme suit (imaginez un petit air de basouki en arrière - à ne pas confondre avec le bazooka qui fait bomboum, le basouki fait cuicui), qu'est ce que je disais ? Ah oui les paroles de la chanson :
Une diva se touchait le divin
Sur le divan
Arriva son amant,
Que fais-tu là diva ?
Je me touche le divin grand tarla,
Ah bon, et le souper est pas fait ?
Ben non d'une seule main
Pour éplucher les patates
Ça va pas bien...

Ne vous gênez surtout pas, si vous avez aimé ça, vous me le dites et je vous en traduis un autre couplet la semaine prochaine. Allez, je vous embrasse.