Le vendredi 9 juillet 1999


Le Tour Bégaie
Pierre Foglia, La Presse, Tour de France

La semaine prochaine, dans les montagnes, quand se jouera le Tour, je me languirai sans doute de ne pas y être, mais là tout de suite, dans le Nord-Est sidérurgique de la France ? Dans cette espèce d'Abitibi française sans les lacs ? Dans ces villes du regret et de la mémoire (de guerre), Maubeuge, Thionville, Metz ? Beurk. Même les trains ne s'y arrêtent que la nuit pour ne pas les voir.

Et le Tour qui bégaie. Steels- Steels. Cipollini-Cipollini. Cinq étapes, cinq arrivées massives. Cinq fois le même scénario : le peloton laisse quelques domestiques lui ouvrir le chemin six ou sept minutes devant, puis les reprend à dix kilomètres de l'arrivée. Et on recommence le lendemain. Il ne se passe rien. Mais c'est bien. C'est voulu. Dans la première semaine, le but du Tour est de réconcilier la France avec ses géographies les moins glorieuses, Maubeuge, Thionville, Metz, Metz où un Français sur deux a fait son service militaire, autant dire qu'un Français sur deux est allé aux putes pour la première fois de sa vie à Metz. J'ai dit " villes du regret " ? Je voulais dire de la nostalgie.

En attendant, c'est drôle à dire, le Tour piétine parce qu'il va trop vite. Les grands attendent le contre-la-montre de dimanche pour une première explication au sommet. Les petits ne peuvent rien contre la dictature des sprinters qui font rouler leurs équipiers à un train d'enfer. Les sprinters ne passeront pas tous les montagnes, ils n'ont que cette semaine pour justifier leur salaire. Cipollini, en plus, se cherche un employeur prêt à lui donner un million par année. À 32 ans, il brûle ses derniers feux, attendez-vous à ce qu'il fasse d'autres flammèches aujourd'hui et demain.