Le lundi 11 juillet 1999


Contre la montre
Pierre Foglia, La Presse, Tour de France

On écrit, dans les comptes rendu de hockey que le but a été compté en avantage numérique, et on ne s'embarrasse pas d'expliquer ce que signifie « avantage numérique ». On suppose que les gens qui ne le savent pas, ne veulent pas le savoir de toute façon.

J'ai choisi de faire la même chose quand j'écris sur le vélo ou l'athlétisme : je parle à ceux que ces sports intéressent. J'ai déjà pensé autrement, j'ai déjà parlé de vélo en catéchiste qui explique les choses. Mauvais calcul. Les gens qui ne s'intéressent pas au vélo, ne veulent pas savoir de toute façon. Et les autres s'ennuient comme s'ennuieraient les amateurs de hockey si on leur répétait à chaque match ce qu'est un avantage numérique.

Bien sûr il y a des exceptions, il y a le type au fond de la classe qui lève soudain la main et vous demande:
- Monsieur, c'est quoi un contre la montre ?

Ma première réaction serait de lui répondre : « Qu'est-ce que cela peut bien vous foutre ? Moi je ne sais pas ce qu'est un point non mérité au baseball et je ne m'en trouve pas inculte pour autant ».

Mais ma bonté naturelle revient au galop, tagadam, tagadam, tagadam (c'est le galop de ma bonté naturelle) et telle la boussole dans la main du promeneur égaré je montre le chemin.

Le contre la montre, cher ami, est une parabole. On court sa vie dans un peloton de parents, d'amis, d'enfants, de collègues, et puis un jour on va chez le médecin qui vous dit: « Monsieur vous avez le cancer du colon ».

Et nous voilà fin seul avec notre cancer du colon, parents, amis, collègues n'y peuvent strictement rien.

Eh bien le contre la montre est le cancer du colon du coureur du Tour de France. Une épreuve qu'il doit disputer seul. Une poignée seulement survivront. Les plus forts.

C'est aujourd'hui à Metz, une petit ville tristounette qui ressemble d'ailleurs à un début de maladie.