Le mercredi 21 juillet 1999


Zéro suspens
Pierre Foglia, La Presse, Tour de France

N'empêche qu'on a failli avoir un grand Tour de France. Si Alex Zülle n'était pas tombé dans la deuxième étape il ne serait aujourd'hui qu'à une minute et demie de Armstrong. Si Zülle était moins myope, s'il voyait plus loin que sa roue avant, s'il se plantait moins souvent, on aurait une course. Il faudrait faire pédaler ce foutu Suisse, en tandem avec chien d'aveugle. Je me souviens d'une année, Zülle était tombé trois fois dans la même étape, il avait dû abandonner, et le lendemain, rentré chez lui, il était encore tombé dans les escaliers.

N'empêche que Zülle est le seul qui ait tenu tête à Armstrong dans le contre la montre, et hier, en montagne, il l'a même très légèrement devancé. Bref, on est passé juste à côté d'un de ces duels homériques qui font les grands du Tour de France, je crois que Lance Armstrong aurait quand même gagné, mais pas dans l'ennui total comme présentement.

Il a manqué à la grande étape pyrénéenne d'hier d'être décisive. Après l'effrayante succession de cols arides et pierreux de Menté, du Portillon, de Peyresourde, et de Val-Louron, au sommet de Piau-Engaly, il n'y avait à gagner qu'un prix de consolation. Il est allé à Fernando Escartin. Pour être Espagnol, Escartin n'est pas pour autant un Grand d'Espagne comme le furent Indurain et Delgado, plutôt un honnête montagnard, taciturne et dur à la tâche, peu fait pour les bouquets, hier, sur le podium, il tenait le sien comme un babouin tient un râteau.

Demain les coureurs enchaîneront les cols d'Aspin, Tourmalet et Aubisque, un grand classique pyrénéen, mais dans le mauvais sens, puisque du haut de l'Aubisque ils dévaleront vers Pau, 60 kilomètres de plat qui remettront les compteurs à zéro, ce qui est aussi la note qu'il faudra donner à ce Tour de France, au chapitre du suspens.