Le dimanche 25 juillet 1999


Le parrain
Pierre Foglia, La Presse, Tour de France

Lance Armstrong aura tout fait dans ce Tour.

Le gagner en le dominant du prologue au contre-la- montre d'hier. Alimenter sa légende en nous resservant celle de Lazare. Le sauver en se donnant en exemple - si je suis revenu d'entre les morts, le cyclisme en reviendra aussi.

Beaucoup plus surprenant encore, Armstrong est devenu le patron que le Tour se cherche depuis la retraite de Indurain. Le patron c'est celui qui fait régner l'ordre dans le peloton, celui qui est le gardien de la tradition cycliste, de ses règles non écrites et de ses secrets. On devient patron du peloton comme on devient parrain de la mafia ou pape : par « autorité élective ». Bref, on devient le patron parce qu'on l'est. L'ironie de la chose c'est qu'à ses débuts, lorsqu'il a débarqué de son Texas natal, Armstrong disait qu'il n'avait rien à foutre de la tradition, des règles non écrites, des tactiques de course, il allait courir à sa manière, gagner tout ce qu'il y a gagner et rentrerait dans son cher Texas où l'on sait vivre.

Aujourd'hui il habite en France. Déplore que ses concitoyens ne comprennent rien au cyclisme. Court exactement comme Indurain courait selon les plus vielles recettes du cyclisme et de la pharmacie. Et il fait régner l'ordre dans le pleloton. C'est lui qui est allé dire « tu fermes ta gueule ou tu décrisses » à Christophe Bassons, symbole du renouveau du cyclisme qui se vantait de courir à l'eau claire. C'est lui surtout qui a rivé son clou à la presse « non alignée » - Le Monde, Libération - en l'accusant de généraliser la suspicion. Bref c'est le même gars qui disait n'avoir rien à foutre de la tradition qui a rétabli les deux plus solides traditions du cyclisme un instant ébranlées par les affaires : le mensonge et le silence.

Qu'on se le dise, la mafia à pédales a un nouveau parrain.