Le lundi 26 juillet 1999


Le bogue de l'an 1999
Pierre Foglia, La Presse, Tour de France

N'allez pas croire que je boude la victoire de Lance Armstrong. Au contraire. Je m'en réjouis d'abord parce qu'il est Américain, aussi bête que cela. Du sang neuf, une autre culture cycliste, une autre culture tout court. Dans ce milieu consanguin, furieusement européen sans Noirs, ni Asiatiques, ni Arabes, un Américain, même Blanc, est un début exotisme, de métissage régénérateur. Un peu d'air frais. C'est une bonne nouvelle aussi pour le sport cycliste en Amérique du Nord qui stagnait depuis la brèche ouverte par Greg LeMond il y a dix ans.

Autre bonne nouvelle, même si je suis tanné d'entendre parler de son cancer des testicules, la résurrection, disons plus sobrement le retour au plus haut niveau de compétition d'un athlète qui avait des métastases partout il y a seulement deux ans, est la spectaculaire démonstration - en particulier pour les jeunes qui ont le cancer - qu'une guérison totale est tout à fait possible.

Non je ne boude pas la victoire de Lance Amstrong, au contraire. Ce garçon, si bête autrefois, a démontré une intelligence de la course absolument admirable et j'ai tout autant tripé sur le travail de ses équipiers, Hamilton, Livingston, Andreu, Hincapie, quintessence d'un cyclisme nord-américain qui n'a, ma foi, rien à envier aux meilleurs Européens. La preuve.

Mais alors, me demanderez-vous peut-être, d'où vient donc votre réserve monsieur le journaliste, quel est donc ce bogue qui met un bémol à votre plaisir ?

Le bogue c'est les organisateurs du Tour, ces sombres putes qui se servent d'Armstrong pour se dépêcher de dire que tout va très bien, madame la marquise. Ils avaient juré, la main sur le coeur, que plus rien ne serait comme avant. Or, justement, tout s'est passé exactement comme avant dans ce Tour. La dope. Pas vu pas pris. L'omertà. Tout.

Le bogue ce n'est pas que Lance Armstrong ait gagné. C'est qu'il ait accepté aussi docilement de remettre le couvercle sur la poubelle.