En janvier dernier, Bianca, 13 ans, parvenait à débarquer seule de son bain. Y'avait pas de quoi écrire à Foglia franchement... Débarquer seule de son bain! La belle affaire! Pendant ce temps-là d'autres de son âge se préparent à atteindre des sommets en tennis, en cyclisme ou que sais-je encore?... En voilà qui valent la peine de défrayer la chronique de monsieur Foglia. Certainement pas Bianca.

La lettre est signée Danielle B, mère de Maude atteinte de paralysie cérébrale, tout comme Bianca. Maude et Bianca ont participé à la même recherche sur l'oxygénation en caisson hyperbare. Et s'en portent beaucoup mieux. Paraît-il.

Je pourrais vous répondre sur le même ton, madame, qu'au cours des dernières semaines, non seulement je n'ai pas parlé des enfants atteint de paralysie cérébrale, mais je n'ai pas parlé non plus des autistes, ni d'aucun des millions d'enfants qui souffrent à travers le monde de toutes sortes de maladies. Par contre, j'ai abondamment parlé de mes chats et de petits riens insignifiants comme d'habitude.

C'est voulu madame. Si je devais faire écho à tous les malheurs qu'on me raconte, cette chronique deviendrait, dans un premier temps, une vallée de larmes, puis - il n'y a rien qui se banalise plus vite que le malheur -, puis une sorte de catalogue des chagrins qui ferait fuir le lecteur aussi sûrement qu'un éditorial sur la réforme municipale.

Je pourrais vous répondre cela madame. Et ce serait à peu près la vérité. Mais je vais vous parler straight. L'histoire de Bianca, atteinte de paralysie cérébrale, sortant pour la première fois de son bain sans l'aide de ses parents, c'est exactement le genre de petite histoire que j'aime raconter, le genre de petite victoire qui illumine la vie quotidienne de l'Homme et de sa fiancée plus que n'importe quelle épopée olympique.

Mais. MAIS!

Mais ce n'est pas cette petite victoire-là que vous voulez que je raconte madame. Ce n'est pas l'histoire de Bianca triomphante, sortant du bain. C'est l'histoire de Bianca ressuscitée par le traitement en caisson hyperbare.

Ce même traitement hyperbare que des chercheurs, des médecins mandatés par le ministère de la santé et de la science viennent de déclarer inopérant et sans aucun effet thérapeutique après une recherche dont vous refusez les conclusions, madame. C'est votre droit. Comme c'est votre droit de partir en croisade contre ces médecins et ces chercheurs qui ne croient pas à l'efficacité du traitement hyperbare.

Je viens de relire les papiers de mes collègues sur les conclusions négatives de la recherche, et sur les arguments de votre contestation. Dimanche midi, j'ai suivi un débat sur le même sujet à l'émission Demain la science qui elle aussi a rigoureusement fait le tour de la question. Bref, l'information a bien été donnée au public. D'ailleurs, ce n'est pas pour ajouter des faits nouveaux que vous m'avez relancé. C'est pour m'embarquer dans votre croisade. Je ne m'en scandalise pas. Tout le monde est en croisade. Il n'y a plus que ça, partout, des victimes en croisade.

J'ai promis de vous parler straight et je vais le faire. J'y serais allé dans votre croisade, madame. J'aurais porté votre pancarte. J'en ai porté d'autres qui étaient moins honorables. Je n'aurais pas été jusqu'à parler de magouille, de scandale, comme vous le faites parce que je ne doute pas une seconde de l'intégrité des médecins qui ont conclu à l'effet nul de l'oxygénation en caisson hyperbare. J'aurais tablé sur une certaine incertitude thérapeutique. J'aurais dit, what the fuck. Si le traitement hyperbare ne fait pas de bien il ne fait sûrement pas de mal. Sauf au porte-monnaie des parents. À 100$ le petit tour de caisson, envoye-donc, clic-clic la carte soleil. Je suis un boomer, rappelez-vous. Un clic-clic de plus, un clic-clic de moins, ça ne me fait pas un pli. J'aurais raconté l'histoire de Bianca sortant de son bain et pour vous faire plaisir, madame, je me serais même arrangé pour que tout le monde comprenne bien que c'était un détail accessoire, qu'elle sortait surtout du caisson hyperbare.

Ce qui m'a retenu?

Votre posture de victime. Cette manière qu'ont de plus en plus les victimes d'avoir forcément raison puisqu'elles sont dans le malheur. Cette façon qu'elles ont de dire: je suis la maman d'un enfant handicapé, osez me dire non, juste pour voir.

Non.

LA PUB - J'ai sous les yeux le numéro du magazine InfoPresse consacré aux gagnants du 41e concours du Publicité-club de Montréal. Dieu que c'est déconcertant. Tant de talent, d'imagination, de trouvailles pour baiser le consommateur... Des putes de génie. Les concepteurs de pub sont des putes de génie. J'ai sous les yeux l'annonce qui a gagné le coq d'or dans la catégorie journaux. Deux petites notes comme des pieds qui marchent au pas de l'oie (le dessin ci-contre) pour annoncer le festival international de musiques militaires de Québec. Délicieux non? Mais pour annoncer quoi? La plus niaiseuse des musiques, la musique militaire!

Tout le paradoxe de la pub dans cette antinomie: le plus pétillant des flashes pour annoncer le plus balourd des produits.

Donnez-moi un sujet merdique, je vous ferai une chronique complètement nulle. Eux, c'est le contraire. Donnez-leur de l'adjudant qui joue du tambour, ils vous renvoient un pastoureau qui joue du flûtiau. Plus c'est pourri, plus c'est mauvais, plus c'est pas montrable, pas disable, pas écoutable, pas mangeable, pas baisable, plus ils s'exaltent.

Les géraniums n'ont jamais été plus pleinement rouges qu'en Roumanie sur le bord de la fenêtre de Ceausescu. Et bien eux aussi. Je les admire et je les haïs. Je leur serre la main et je leur mords le nez. Souriez petits cons, vous allez pleurer.

PERSONNEL - Je vois dans La Presse d'hier (A18) qu'un serveur défectueux de la messagerie Hotmail prive de leurs messages de nombreux utilisateurs de ce service. Étant du nombre des victimes, je prie les gens qui ont mon adresse Hotmail - en particulier les athlètes que j'ai contactés la semaine dernière - d'adresser leurs messages-réponse à fog44@altavista.com. Marci bien.