Le jeudi 21 septembre 2000


Des pleurs, des fleurs
Pierre Foglia, La Presse, Sydney

On lisait l'abandon sur leurs visages. C'était à la piscine de Ryde au début de l'après-midi. Les filles du water-polo venaient de perdre contre l'Australie. Leur sort était entre les mains des Néerlandaises qui affrontaient les Russes en début de soirée. « J'ai joué aux Pays-Bas, disait la capitaine Cora Campbell, je connais les Néerlandaises, elles détestent les Russes, elles vont tout faire pour les battre. » Elles n'ont pas tout fait. Les Russes ont gagné, le Canada était éliminé.

Les filles ont regardé le match Pays-Bas-Russie au village, avec Daniel Berthelette, leur instructeur. À la fin, elles sont parties par petits groupes. Une sortie calamiteuse pour ces guerrières. Il n'y a pas de fleuriste dans ma banlieue pourrie. Je voulais leur envoyer des fleurs. Je voulais leur dire merci d'être parties de si loin, d'un sport qui n'existait même pas, pour, à la fin, faire un ou deux pas sur la lune. À la fin du match Russie-Pays-Bas, elles sont sorties en petits groupes. Elles qui n'en avaient toujours formé qu'un.

Un jeune collègue me demandait un peu plus tôt cette semaine: tu ne trouves pas qu'on charrie un peu avec les filles du water-polo? Peut-être. Au lieu de Marie-Claude Deslières et de ses trois enfants, je peux bien te parler de Marion Jones. Marion qui vise cinq médailles d'or ici. Tu sais ce qui l'ennuie le plus, ici, à Sydney, la gentille Marion? C'est d'être loin de ses deux amours, ses deux chiens Izzi et Polly. I miss so much my babies. Alors elle leur téléphone tous les matins. L'amie qui garde sa maison à Raleigh pose le récepteur à côté des chiens qui reconnaissent la voix de leur maîtresse.

Est-ce qu'ils ont branlé la queue? demande ensuite Marion Jones. Oui, ils ont branlé la queue, répond l'amie. Bruny Surin aussi branlait la queue chez Nike hier après-midi. Ne vous méprenez pas: il était content. Il n'a rien dit qu'on ne savait pas. Après lui est arrivé un monsieur de Nike qui nous a donné un cours de chaussures. Plus tôt j'avais demandé à une hôtesse si elle avait de la documentation sur les usines Nike en Chine. Malheureusement non. « Je sais seulement qu'au Vietnam, le salaire moyen des Vietnamiens est de 40$ par mois, alors que le salaire moyen dans nos usines est de 73$. But, m'a-t-elle mis en garde, but make no mistake, these are factories, not amusement parks. » J'avais compris, mademoiselle.