Le vendredi 29 septembre 2000


Un Grec sort de la pharmacie
Pierre Foglia, La Presse, Sydney

La chose était drolatique. Ce Blanc triomphant dans la finale du 200 mètres, les princes noirs du sprint insultés, le public amusé, hé! hé! pour une fois... Konstantinos qui? Konstantinos Kenteris. Jamais entendu parler. Il ne figure pas au tableau des quarante meilleures performances de l'année. Pas mentionné dans Athletics, la bible anglaise de l'athlétisme. Au Championnat du monde l'an dernier, attendez que je regarde, Kenteris, Kenteris, ah! voilà, DNF en première ronde did not finish, peut-être son ischio-jambier, ça arrive...

N'allez pas croire pour autant que ce Grec ne sort de nulle part. Il sort de la pharmacie.

Les Australiens se désolent, leurs Jeux sont en train de devenir ceux de la dope, dix cas à Séoul, cinq à Barcelone, deux à Atlanta, plus de trente à Sydney. Une illusion, en regard de la réalité, trente cas c'est absolument risible. il y en avait deux fois plus, rien que dans le peloton des cyclistes.

Le vrai état de la situation nous est donné par cette fuite qui embarrasse beaucoup les Américains en ce moment, fuite par laquelle on a appris que le laboratoire accrédité de Cincinnati a « omis » de rendre publics quinze tests positifs au cours des six derniers mois. Aucune suspension. Aucun nom transmis aux fédérations internationales ni au CIO. On nous dit que ces cas sont actuellement sous enquête, et qu'aucun des athlètes concernés n'est actuellement à Sydney.

Sauf C.J. Hunter, le mari de Marion Jones, actuel champion du monde du lancer du poids, testé positif QUATRE fois cette année. Hunter n'est pas à Sydney comme athlète, mais comme entraîneur de sa femme, nous répond-on.

Pourquoi le comité olympique américain couvre-t-il CJ Hunter?

Répondre à cette à question, c'est poser le véritable problème de la dope aux Jeux et ailleurs.

NBC a acheté les droits de retransmission des Jeux jusqu'en 2008 pour 3,2 milliards. Pas pour retransmettre le lancer du marteau. NBC a acheté une grande messe. Si on commence à raconter que les enfants de choeur sont des dealers et que le curé va aux putes, plus personne n'ira à la messe. NBC a payé très cher le droit de raconter au monde des belles histoires. Sa plus belle histoire cette année, c'était la conquête des cinq médailles d'or de Marion Jones. Comptez sur NBC pour ne pas dire qu'elle vit avec un junkie.

SOIRÉE AU STADE - Marion Jones justement a très facilement remporté le 200 m hier. Les Australiens qui connaissent beaucoup moins l'athlétisme que la natation ont été déçus, ils croyaient que Cathy Freeman pourrait être une menace. En fait, elle n'avait rien à faire là. Pourquoi ne pas rester sur son apothéose du 400? Pas compris. Anyway. Pour revenir à Jones, son sourire était plus crispé, m'a-t-il semblé, et le public beaucoup plus froid à son endroit. Quelques sifflets se sont mêmes élevés quand elle est allée embrasser son gros nounours, c'est comme ça qu'elle appelle C.J. Hunter, elle est vraiment toute seule à voir un nounours là-dedans. Nous on verrait plutôt mammouth aux hormones.

Le show était au saut en longueur, le show est toujours au saut en longueur, je ne sais pas pourquoi, peut-être que l'expression («être sauté» vient de là... L'Australien Jai Traurima (8,49) a poussé le Cubain Pedroso à se surpasser à son dernier essai (8,55).

Les décathloniens nous ont encombré toute la soirée, je veux dire qu'ils sont difficiles à suivre, c'est seulement à la fin que l'Estonien Erki Nool s'est dégagé, devant le Tchèque Roman Sebrle et l'Américain Hoffins. Ils mériteraient une soirée à eux tout seuls. Avez-vous pensé qu'après ses dix épreuves, en deux jours de compétition, Nool avait gagné exactement la même médaille d'or que le gars du trampoline?

DERNIÈRE MINUTE - En canoë (C1) Maxime Boilard dont je vous ai parlé quelques fois, vient de se qualifier pour la finale aux dépens du Danois Christian Frederiksen... l'entraîneur de Caroline Brunet. Ça vient juste d'arriver. 22 ans et parmi les neuf meilleurs canoïstes au monde, un sacré exploit dans un sport qui demande des années et des années d'expérience. On n'a pas fini d'entendre parler de ce garçon.

RIEN À VOIR - Michelle Fournier - elle lance le marteau, vous savez ce gros boulet au bout d'un filin - est bien déçu de sa performance: « J'ai lancé en dessous de mes moyens à Sydney. Je n'ai pas dépassé 60 mètres, alors que j'ai déj`s lamcé à 65... » Michelle prendra des vacances avec ses parents ici. Après elle ne sait pas. Elle a un MBA en commerce d'une université de la Caroline du Sud. Elle va continuer le marteau, c'est sûr, et peut-être reprendre le disque... Quelqu'un me demande dans un e-mail comment l'idée vient aux jeunes filles de lancer le marteau. C'est sûr, ce n'est pas une idée qui vient aux jeunes filles fluettes qui toussent. Ça prend une carrure. Comme le marteau est une nouvelle discipline aux Jeux, il n'y pas encore une génération de lanceuses de marteau, alors elles viennent du lancer du disque, du poids. Plus rarement du ping-pong. Y'a tu d'autre chose vous voulez savoir?

MOOSE DUPONT - Juste après l'enclos où Jules s'ennuie, à la sortie du village des médias, il y avait un type d'une association pour la protection des kangourous (The Kangaroo Protection Co-operative) qui distribuait des tracts qui disaient que cette année il va se tuer cinq millions et demi de kangourous en Australie.

Comme dirait Moose Dupont cinq millions et demi de kangourous c'est des kangourous en ta... Ils sont tués pour la viande que l'on sert surtout aux touristes, pour la peau, pour le plaisir de tuer, ils sont empoisonnés par les paysans du bush qui leur reprochent de bouffer les récoltes...

Finalement, Jules, t'es mieux ici, dans ton enclos où l'aventure est réduite à zéro, je te l'accorde, mais est-ce bien plus exaltant de finir en croquettes dans l'assiette d'un Japonais? Je te le demande.

LES AYANTS DROIT - Aux Jeux il n'y en a que pour la télé. L'écrit on compte pas. On se fait une raison. Mais des fois, il y a le ton. Ce matin on attendait Émilie Heymans et Anne Montminy dans la zone mixte, arrive une jeune femme de TSN, suivie de son cameraman et de son preneur de son. Elle s'en vient droit sur nous. Tassez-vous, nous dit-elle, j'ai des droits. Trois pieds à côté c'était les mêmes droits, Non. C'était là, où on était. Pourquoi ici mademoiselle? Pour filmer le backround. Le backround c'était des toilettes... De toute façon, gentlemen, je n'ai pas de raison à vous donner, j'ai des droits... La vie est mal faite, je trouve, en Australie. On a le droit de tirer les kangourous, pas les bécas-ses.

Une semaine de plus il y aurait des meurtres. CKAC a envoyé un journaliste à Sydney, Louis Gosselin. Il n'a pas le droit d'enregistrer des entrevues sur les sites dans les zones mixtes. Il ne le fait pas. Mais l'autre jour au judo, il se trouvait à côté du père de Nicolas Gill qui venait de gagner, en toute bonne foi Gosselin tend son micro à papa Gill pour recueillir ses impressions. Une fille de Radio-Canada le voit faire. Le stoole. Gosselin a été suspendu, on lui a retiré son accréditation pendant deux jours!

C'est normal nous on a acheté les droits.

Et le droit d'être conne, Joséphine, l'as-tu acheté aussi? C'était pas nécessaire, dans ton cas c'est pas un droit, c'est une servitude.