Le jeudi 24 janvier 2002


Une bonne idée pour aider les joueurs compulsifs
Pierre Foglia, La Presse

Je ne fréquente pas les casinos, je n'achète pas de billet de loterie, je n'ai pas d'opinion ni de sentiment particulier sur le jeu. Mais j'ai le droit de m'étonner, non ?

On parle beaucoup- encore récemment avec cette histoire de maison de paris dans le Quartier chinois- de joueurs compulsifs, de suicide, de vies détruites par le jeu, on en fait épisodiquement un débat de société, et l'autre jour, j'ai entendu un truc qui m'a laissé songeur, excusez-moi si je tombe des nues, mais saviez-vous que Loto-Québec "fidélise" les joueurs compulsifs ? J'entends par là qu'elle les enchaîne encore un peu plus à leur vice par une carte de fidélité. On protestera sûrement à Loto-Québec, de la façon dont je formule la chose, n'empêche que c'est bien ce qui se passe : pour éteindre le feu, on jette de l'essence dessus.

Les casinos de la province remettent, aux joueurs assidus qui en font la demande, une carte de fidélité- du type des cartes Air Miles des compagnies aériennes-, ils sont 290 000 au Québec à utiliser cette carte magnétique qui se glisse dans la machine à sous pendant que l'on joue. Les mises sont enregistrées sur ordinateur, comptabilisées, les joueurs classés en cinq catégories selon l'importance de leurs mises. Qu'est-ce qu'on gagne ? Des petits cadeaux. Des repas gratuits. Des voyages. Le système permet surtout à Loto-Québec d'étudier et de suivre de près sa clientèle la plus "productive". Un joueur qui se manifeste habituellement tous les jours disparaît-il des relevés pendant deux ou trois semaines ? Une promotion lui arrive comme par hasard : cher ami nous vous offrons de passer deux jours à nos frais dans Charlevoix...

Le programme est connu sous le nom de Casino-Privilèges. Les 290 000 joueurs "encartés" au Québec ne sont pas tous compulsifs, on l'espère, reste que les compulsifs sont évidemment du lot.

On se fend de grandes campagnes de publicité pour prévenir les gens contre le jeu pathologique, on établit des programmes d'aide, on discute à n'en plus finir... peut-être qu'on pourrait tout simplement commencer par ne pas inciter les joueurs compulsifs à jouer encore plus ?

Hein, j'ai des bonnes idées, des fois...

Au cas où vous vous poseriez la question, il existe une autre catégorie de joueurs dans les casinos- qui n'ont rien à voir avec ceux dont on vient de parler- on les appelle les "hautes-mises", le genre 25 000 $ par soirée. Vous vous doutez bien qu'ils ont droit au tapis rouge, à la pêche au saumon, au salon privé, aux courbettes, ceux-là ne sont pas considérés comme des malades, ceux-là ne se suicident jamais, ceux-là sont déjà morts de toute façon.

LES ÉCRIVAINS

Une jeune femme, ma foi fort jolie, écrit un livre qu'elle intitule Putain et la voilà bien triste aujourd'hui d'être traitée en bête curieuse.

Arrive une deuxième jeune femme, tout aussi jolie, mais beaucoup plus grosse, qui entreprend de consoler la première en lui racontant qu'il y a dix ans, elle a elle-même écrit un livre qui s'intitulait Défense et illustration de la toutoune québécoise et qu'elle est devenue, elle aussi, un objet de curiosité. Tout le monde, braille la grosse, n'a voulu voir en nous que la pute et l'obèse d'un livre, personne n'a pris la peine de découvrir les prodigieuses écrivaines que nous sommes, pourquoi ?

Curieux comme je suis, je me le demande aussi.

Est-ce parce que celle qui a écrit Putain a laissé entendre qu'elle avait déjà fait un peu la pute, ce qui a beaucoup aidé à la vente du livre, mais d'un autre côté a distrait le lecteur de la littérature ?

Je ne sais pas, je réfléchis tout haut...

Même chose pour la seconde qui regrette qu'on n'ait vu que la grosse et pas l'écrivaine, mais qui, aussitôt son livre sorti, s'est pitchée dans tous les talk-shows de merde de l'époque, style Coallier et Marguerite Blais, où elle devait bien se douter qu'on lui poserait des questions sur sa taille plutôt que sur son style.

Je n'affirme rien, je cherche.

Est-ce tout simplement à cause du titre ? Laissez-moi penser à un livre dans lequel on se dit, à chaque phrase, ah ça c'est un écrivain... Olivier Rolin, tiens, Port-Soudan. Port-Soudan, comme titre c'est quand même moins sexy que Putain. Et Anagrammes de Lorrie Moore, Anagrammes ! Je vous demande un peu, allez donc deviner si l'auteure est grosse, ou si elle grimpe aux arbres... C'est peut-être ça le truc des vrais écrivains : ne pas mettre tout son talent dans le titre, en garder pour en dedans.

Anyway, je vous mène sur des fausses pistes exprès. Quand des écrivains ne sont pas reconnus à leur juste valeur, c'est presque toujours à cause de...

Mais non pas à cause que leur livre est un peu nul. À cause... Dieu que vous n'entendez rien à la littérature, À CAUSE DE CES SALOPERIES DE MERDE DE CRITIQUES LITTÉRAIRES, BON.

Le bel hiver

CE QUE JE TROUVE le plus agréable de cet hiver très doux, c'est la tête de la dame météo, au téléjournal le soir...

Alors Jocelyne, pas de tempête à l'horizon ?

Eh non. Pas de tempête. Pas pour nous, hélas...

Une otarie qui verrait fondre son bout de banquise sous elle ne serait pas plus dépitée. Que dame météo se désole que l'hiver ne soit plus l'hiver, bon, elle doit avoir ses raisons- sans doute qu'elle aimerait faire de la luge ou du saut à ski-, ce qui est agaçant, c'est qu'elle a l'air d'attendre qu'on se désole avec elle, comme on se désolerait d'une catastrophe nationale, il y a dans ce pays un patriotisme de la tempête qui fait de vous un vrai Canadien. Ce que je ne suis pas, lalalère.

Alors Jocelyne, pas de tempête en vue ?

Même pas cinq centimètres...

J'ai stoïquement traversé le téléjournal, ses inéluctables hôpitaux, les comités de transition que je comprends même pas comment ça marche, l'autoroute Notre-Dame que je sais même pas de quoi ça cause- c'tu le truc de Plamondon ?- la faiblesse de notre dollar, Jeff Hackett ou Théodore, un reste de taliban, quelques Hells trop pauvres pour se payer un avocat, tout cela pour en arriver à dame-météo :
Alors Jocelyne ?
Même pas cinq centimètres.

Ah ! le tout petit zizi de l'hiver, comme il est mignon. Je joggais l'autre midi sur le chemin Saint-Armand quand je vois arriver un vélo, un vélo ! Mi-janvier !... On s'est fait un grand sourire en se croisant. Je suis sûr que nous avions en tête la même pensée : quel bel hiver !