Le mardi 19 octobre 2004


La souveraineté en chantant
Pierre Foglia, La Presse

Attristé plus encore que consterné. Je réagis à l'engagement que vient de prendre M. Landry de tenir un référendum dans la première moitié d'un éventuel mandat du PQ. Triste oui. Après tout, c'est la fin de mon parti qu'on m'annonce ici. Même si je n'ai jamais été membre du PQ, mon parti au sens large de mon camp, mon bord, mes gens, même si eux, ne me reconnaissent probablement pas pour un des leurs. Ma gang quand même.

Disons d'abord que je reste un souverainiste convaincu. Convaincu de quoi ? Essentiellement que ce pays est Autre que celui dans lequel il ne parvient même pas à se fondre. Mais par ailleurs de moins en moins convaincu que mon sentiment est partagé, ou le sera prochainement, par une majorité de Québécois. Et encore moins convaincu qu'on puisse changer cela en faisant la promotion de la souveraineté, avec des fonds publics.

À ceux qui disent qu'on est passé bien proche au dernier référendum, je réponds qu'on n'est pas passé proche du tout. Qu'on ne fait pas un pays avec une majorité simple.

Et à ces autres, qui disent que la question nationale au Québec est dépassée, je réponds que 40 % des québécois diraient oui à la souveraineté si un référendum était demain : 40 % c'est pas loin de la moitié d'un pays, et on ne balaie pas la moitié d'un pays sous le tapis.

Alors qu'est-ce qu'on fait ? Je n'en sais rien... O.K., c'est pas vrai, j'ai une vague idée. Vous allez me crier des noms, mais tant pis, je vous dit ma vague idée. Je crois que le puck est dans le camp du Canada et qu'il l'est depuis 1995. Comme un con, le Canada a commencé par scorer dans ses propres filets par le scandale des commandites qui a révélé l'incroyable manque de vision de ces gens qui prétendent bâtir un pays. Reste qu'ils ont encore le puck. Le Canada a encore l'initiative, c'est encore à lui de jouer. Il peut encore gagner. Et même si une petite voix me dit qu'il va encore se planter, c'est juste pas le moment de faire entendre cette petite voix, c'est juste le moment de fermer sa gueule sur la souveraineté.

C'est le moment de meubler la souveraineté autrement. Le moment d'un projet social. Le moment de parler de culture, vous n'en parlez jamais quand vous êtes au pouvoir -- sauf pour débattre de la langue. Le moment de parler d'économie, qu'on ne retrouve pas encore une fois, si vous êtes élus, avec un gouvernement de droite, alors qu'on pensait élire la gauche. Parlant de gauche, prenez donc cinq minutes, toute la gang du PQ, pour lire Françoise David qui, dans Bien commun recherché, pose la question : avons-nous besoin de la souveraineté comme outil de changement social ? Elle ne répond pas non. Mais elle ne dit pas franchement oui non plus. Ai-je rêvé, ou elle évoque un fédéralisme asymétrique respectueux ?
Et pendant ce temps-là, vous parliez de quoi, déjà, dans la bulle de votre conseil national ?
De foncer dans le mur. Bravo.
D'utiliser des fonds publics pour faire la promotion de la souveraineté. Grande idée. Un programme de commandites peut-être ?
D'envoyer une équipe du Québec aux Jeux olympiques ! Bien tiens. Le problème, c'est que je ne vois pas très bien qui acceptera de marcher derrière la chaise roulante de Chantal Petitclerc à la cérémonie d'ouverture. Sûrement pas Despaties. Émilie Mondor ? M'étonnerait. Macrozonaris ? C'est sûr, Macrozonaris !

Mais le coup de génie de ce formidable week-end pour l'avancement de la souveraineté du Québec, c'est d'avoir suggéré, et ça presse, l'adoption d'un hymne national. Voilà ce qui s'appelle avoir le sens des priorités. Dites-moi, je suis curieux, cela vous est venu à la suite d'un brain storming ou y'en a un d'la gang qui est allé suivre un atelier de gestion créative à l'UQAM ?
Je peux vous aider si vous voulez. J'ai une certaine expertise en hymnes nationaux, je suis notamment l'auteur de celui du Luxembourg que vous connaissez sûrement, mais si... La belle dé Cadix a dé yeux dé velours / tchika-tchik aya-yaiyella belle dé Cadix habite maintenant à Luxembourg...

Pour le Québec, j'ai pensé à quelque chose de plus sobre qui irait comme ceci :
C'est nous les Québécois d'la Gaspésie à l'Abi-ti-bi / On s'est bricolé un pays avec nos parents et nos amis / Et nous voulons porter haut et fier / le fleur de lys qu'avaient conquis nos pères / Et si quelqu'un venait à y toucher (bis) À Y TOUCHER / Nous serions là pour mourir à ses pieds (bis) À SES PIEDS / Battez tambours, à nos amours, c'est nous les Qué-bé-cois ! (1)
Je continue de travailler là-dessus, ou vous allez encore une fois vous rabattre sur Vigneault et son crisse de Lac ?

La lutte contre le cancer

Vous pouvez bien me traiter de ronchonchon. Vous n'êtes pas pires non plus. Vous êtes quelques-uns, ces jours-ci, à marmotter contre cette annonce d'un marchand de meubles du boulevard Taschereau, que l'on voit dans les journaux (dont le nôtre) et sur les panneaux d'autoroute, notamment sur le pont Champlain, annonce qui montre une poitrine de femme nue, au demeurant de fort jolis seins, dont l'un a la tétine transpercée d'un anneau. Au-dessus du sein sans anneau il est écrit « traditionnel » et au-dessus de celui avec un anneau il est écrit « contemporain ». Subtil éloge à l'éclectisme, on comprend tout de suite que ce marchand de meubles vend tous les styles, à la fois des chaises dont les pattes ont été gossées à Saint-Jean-Port-Joli et des sofas conceptuels pour le seul confort des esthètes qui ne s'assoient que sur une fesse, c'est bien connu.

Mais je vois bien que mon explication ne vous satisfait pas, je vous entends encore grommeler : oui mais pourquoi montrer des seins pour vendre des sofas et des chaises ?
Si vous aviez lu le texte dans le bas de l'annonce, niochons que vous êtes, vous auriez appris que Jusqu'à la fin octobre, mois de le lutte contre le cancer du sein, ce marchand versera une partie ( ? ) de ses recettes afin de soutenir les femmes dans leur combat.

Vous savez quoi ? Le mois prochain sera le mois de la lutte contre le cancer de la prostate. J'ai hâte voir le nouvelles annonces. Et surtout de voir où ils vont mettre l'anneau.

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(1) Largement inspiré de Les Africains, vieille chanson colonialiste française du début du siècle, une de mes chansons préférées avec Bandiera rossa, vous ne connaissez pas Bandiera rossa ? Eh misère. M'a vous la chanter un petit bout : (...) Avanti o popolo alla riscossa / Bandiera rossa deve trionfa / Evviva il communismo et la libertà. Tsoin, tsoin.