Le samedi 23 octobre 2004


Céline ou Michèle ?
Pierre Foglia, La Presse

Mon ami fulminait. Quelle indécence. Font faillite. Demandent à leurs employés de se serrer la ceinture. Des milliers de petits actionnaires perdent tout dans cette faillite et voilà qu'ils engagent Céline Dion. Tu vas écrire là-dessus, j'espère ?

Que veux-tu que j'écrive ?
Que c'est écoeurant. Quoi ? Tu trouves ça correct ?
Je trouve ça conforme, normal, dans la logique des opérations courantes de: ce genre d'entreprise.

Tu trouves normal de foutre du monde dehors, de demander aux employés qui restent de consentir à des baisses substantielles de salaire et, deux mois après, d'embaucher une chanteuse de merde pour faire de la pub ?

Holà, camarade, tu mêles tout. Je ne trouve pas correct qu'Air Canada ait saisi l'occasion de sa reconstruction pour faire chanter ses syndicats. Je ne trouve pas correct que les petits actionnaires boivent la tasse et que les gros président au renouveau de l'entreprise, comme une prime à leur mauvaise gestion. Mais bon, c'est fait. C'est accepté. Revoilà Air Canada en piste. On repart à neuf. Nouveau capital. Nouvelles conventions collectives. Nouvelles actions en Bourse. A partir de là, qu'est-ce que tu leur reproches au juste ? Leur plan de relance ? Leur campagne de pub ? Céline Dion ? T'hayiiis cette grande tarte, c'est ça ? Moi aussi. N'empêche que si Air Canada m'avait demandé de lui préparer une campagne de pub, c'est la première que j'aurais appelée. Allô, Céline ? La chanteuse la plus connue, la plus appréciée au monde est Canadienne. Pourquoi j'irais demander à Britney ou à Michael ? Et Céline se montrant intéressée, elle devenait incontournable.

C'est pas son choix qui me fatigue, ce sont les millions qu'on va lui donner.

Tu voudrais qu'elle fasse du bénévolat ?
Non, mais étaient-ils obligés, à peine ressuscités, de se payer ce qu'il y a probablement de plus cher sur la planète ? Sont-ils à ce point au-dessus de leurs affaires ?
C'est précisément l'image que veut projeter ce genre du pub, au dessus de...

Je me serais attendu à plus de sobriété.
Tu veux dire une pub honnête ? Une pub qui montrerait le vrai portrait d'Air Canada, une pub un peu branlante, misérabiliste exprès ? Une pub avec un relent de faillite ? J'ai une idée. Dis-moi ce que t'en penses. Michèle Richard au comptoir d'Air Canada à Dorval, elle brandit un de ces tickets de repas qu'on donne aux passagers dont l'avion ne partira que le lendemain parce qu'il y a eu un problème de moteur, elle tape du poing sur le comptoir, trépigne et hurle à la préposée: je veux un autre ticket pour mon chien I

L'intégrisme

J'interpelle souvent, dans cette chronique, les fonctionnaires responsables de la direction de la santé publique du Québec. chaque fois pour dénoncer leur intégrisme hygiénique, pour protester de ce qu'ils confondent santé publique et morale publique. Mais ils ne confondent pas, bien sûr. Ils savent très bien la différence entre une campagne et une croisade contre le tabagisme. Il n'appartient pas aux gens de la santé publique de presser le débat public, de hâter les nouvelles lois. Les lois doivent encadrer les changements dans la société, pas les provoquer. Il n'appartient pas à la direction de la santé publique de grenouiller avec les lobbies, fussent-ils contre la drogue, pour le contrôle des armes à feu. Il ne leur appartient pas de capoter sur le mauvais cholestérol. il ne leur appartient pas de nous purifier .

J'interpelle souvent les fonctionnaires de la santé publique et la dernière fois que je l'ai fait, il en est un de la direction régionale du secteur de Québec qui m'a répondu, excédé, OK, monsieur le chroniqueur, tracez donc la ligne entre ce qui est notre responsabilité et ce qui ne l'est pas.

Je m'excuse du retard apporté à la réponse.
OK, monsieur le fonctionnaire. Crissez-nous patience avec les bactéries dans le fromage qui n'ont jamais fait mourir personne et occupez-vous de la bactérie machin difficile, qui a fait quelques centaines de morts dans vos hôpitaux seulement cette année.

Considérez la ligne comme tirée.

LE BIEN -Sur le même sujet, l'intégrisme, on nous montrait cette semaine à la télé, dans le cadre de la campagne électorale américaine, l'influence de la droite religieuse à laquelle appartient M. Bush. À la question mais que faites-vous de la liberté de penser ? Ces croyants répondaient, comme ils répondent toujours, qu'ils soient musulmans, chrétiens ou juifs: pour quoi faire, la liberté de penser ? Et penser quoi ? Dieu sait ce qui est bon pour nous, et that's it.

Ce qui rend M. Bush si proche de ben Laden, ce n'est pas la prière, ce n'est pas d'être contre l'avortement, contre l'utilisation du condom et pour l'abstinence, c'est son désir de soigner l'Amérique (et le monde) par des prières, par l'abstinence. C'est le bien qu'il nous veut. C'est le mal qu'il hallucine. LA SÉCURITÉ- Sur l'intégrisme encore. Et toujours dans l'éclairage de cette campagne électorale, qui fait tant ressortir les verrues de nos voisins, on parle beaucoup ces jours-ci de prolifération d'armes à feu. Sont-ils bêtes, ces Américains. Et de nous péter nos bretelles à feuilles d'érable, avec notre loi sur le contrôle des armes, en oubliant d'en donner le prix: plus d'un milliard, pour , une efficacité toute relative.

D'autant plus que le problème n'est pas là. Ce ne sont pas tant les armes qui font problème que LE LOBBY des armes, la puissante NRA, sa philosophie, sa volonté de pureté (par le raccourci qu'est le revolver, bang, bang les bandits) . Notez-le, selon la NRA, ce qui fonde le désir de posséder une arme, c'est avant tout la sécurité.

Chez nous, le lobby contre les armes à feu qui a forcé au contrôle s'appelait, rappelez-vous, la Coalition pour le contrôle des armes à feu. Le réseau de la santé publique du Québec en était l'âme. Et quel était le but de cette coalition ? Eh oui I La sécurité.

La sécurité des citoyens est-elle mieux garantie avec une loi sur les armes, ou sans ? On s'en crisse.

Ce que j'essaie de vous dire, c'est que l'intégrisme n'est pas dans le revolver, avec ou sans, il est dans l'obsession sécuritaire.