Le mardi 23 novembre 2004


La vie mon vieux et la télé
Pierre Foglia, La Presse

Tout le monde en parle, moi aussi d'abord. De la bonne télévision, même de la très bonne. J'ai particulièrement aimé la façon dont Lepage a rebondi après la tempête Desjardins, pas tellement la réplique elle-même, mais le soin qu'il a mis ce jour-là à faire une super bonne émission. Il n'est pas de meilleure réponse à la critique. Tu te relèves et t'en colles deux de suite de la ligne de trois points, floutche, floutche, sans toucher le bord. Cette fois-là y'avait Michel Rivard (toujours génial quand y chante pas), y'avait les Locos machin, écoeurants même quand ils chantent ; la semaine d'après, ça été beaucoup moins bon, on avait changé de ligue avec Marie-Chantale Toupin.

De la bonne télévision avec des hauts et des bas, forcément. Les bas, c'est surtout les invités français, pas parce qu'ils sont français, parce que les bons ne viennent pas ici, ou quand ils viennent, ils débarquent le samedi, font ce qu'ils ont à faire et s'en retournent le mercredi. Ceux qui restent jusqu'au vendredi (Tout le monde en parle est enregistré le jeudi soir), c'est les téteux.

Hier, il y a eu la meilleure entrevue depuis que l'émission existe, et peut-être même depuis que la télévision existe : cette Marie-Josée Croze douce et dingue et si joliment décapsulée. En la voyant, je me suis promis d'aller voir Les Invasions barbares avant Noël, promis, juré.

Mais dimanche, aussi, et c'est pour cela que j'y reviens, Tout le monde en parle a montré ses limites, et ses limites, c'est l'information. Tant que l'invité est porteur d'un message, ça va encore, ça rit, ça déconne, ça avale tout rond aussi, je me souviens d'un truc sur le Tibet qui a sombré dans le lamaïsme larmoyant, mais bon, c'est pas grave. C'est quand l'invité est porteur d'informations qu'il faudrait vérifier et mettre en contexte. Dimanche soir, il y avait ce grand reporter français, Éric Laurent, venu parler de son livre La Face cachée du 11 septembre. Toutes les révélations qu'il nous a faites accréditent la thèse d'un vaste complot. Après le fait ou avant ? Ce n'est pas clair. Ce qui l'est, très clair, nous dit M. Laurent, c'est que le 11 septembre n'est pas du tout ce qu'on croit.

Pas une seule question ne lui a été posée. Pas un commentaire pour relever que c'était là des informations difficilement vérifiables. Les propos du grand reporter sont passés comme du beurre dans la poêle. Je comprends que c'est une émission de variétés, que ce n'est pas un lieu de débat. Mais il aurait fallu douter un petit peu quand même. Ne pas envoyer se coucher presque deux millions de téléspectateurs avec un autre foutu grand complot dans la tête.

Mon cul, le grand complot. Le 11 septembre, c'est 19 salopards dans quatre avions, 2890 morts et un petit moron qui en a profité pour mener une guerre inutile et se faire réélire. C'est vraiment pas la peine de lui donner des munitions avec des complots à la con.

Schizophrénie

J'ai lu la critique du film Nouvelle-France dans les journaux de fin de semaine : cela va de mauvais à complètement nul et ridicule. Or, depuis 15 jours, tous les journaux, toutes les émissions de télé et de radio en font une promotion tous azimuts. La vedette du film, son réalisateur, Despardieu à travers tout ça...

Je vous explique comment ça marche. L'industrie (les distributeurs, dans le cas des films) impose un embargo aux médias. Venez voir le film, mais pas de droit d'en faire la critique avant sa sortie officielle. Venez faire des entrevues avec les acteurs, avec le réalisateur, parlez-en le p lus possible, mais pas de critique.

Ça donne des bonnes entrevues, du bon stock en général sur le métier de réalisateur, sur la carrière d'un acteur en particulier, sauf qu'il manque quelque chose : c'tu bon ou pas ? J'entendais un animateur de radio (Homier-Roy ? je ne suis pas sûr) discuter du budget du film avec le réalisateur. Trente-trois millions, inhabituel chez nous, le stress de gérer une telle somme, une bonne entrevue, du bon stock, sauf que tu l'as vu le fil. Chose, tu sais qu'il ne vaut pas d'la marde, tu sais que c'est un flop de 33 millions, me semble que la discussion pourrait prendre une autre dimension...

Je n'ai rien contre le promotion. J'en ai contre cette convention dichotomique qui fait que pendant 15 jours, les médias qui ont vu le film ne parlent que de ça, mais sans en parler, en faisant semblant de ne l'avoir pas vu.

Votre assurance santé couvre la schizophrénie, les boys ?

Avertissement (reçu, lundi matin, ce courriel anonyme ou presque)

Monsieur, j'ai lu votre chronique samedi passé. Le petit bout où vous parlez de Guy Cloutier. Attention, taisez-vous. Il n'y a que 10 % des cas de pédophilie qui sont dénoncés. Il en reste 90 %, ça fait beaucoup de monde monsieur.

Réflexion faite, ne vous taisez pas. Le silence est plus dangereux encore. Samedi, M. Foglia on ne savait pas trop où vous vouliez en venir avec vos écrivains qu'on ne connaît pas. J'ai entendu chuchoter à votre propos. Sortez, je vous en conjure. Venez crier avec nous : « Ça prend-tu un gros chien sale de pédophile. »

La vie

Je peux vous poser une question ? Marion, la nouvelle diseuse de météo de Radio-Canada, vous aimez son style ?

Moi, je le trouve très expressive. Je trouve qu'elle est la Josélito Michaud du front froid. Elle ne se contente pas de dire la météo, elle la joue, elle la déclame, elle viendrait d'une troupe de théâtre amateur que je n'en serais pas étonné. Je dis ça, parce que quand j'étais jeune, je faisais moi-même partie d'une troupe de théâtre amateur, Les Joyeux Baladins de la Meurthe-et-Moselle. On avait joué une pièce d'un auteur local, ça s'appelait Il pleut sur Lunéville. Le rideau s'ouvrait sur une fille qui fermait son parapluie en disant : « Ah comme la pluie a plu ! » Moi, main levée, paume tournée vers le ciel, je lui répondais : « D'ailleurs je crois qu'il pleut encore un petit peu. » Et là, la fille rouvrait son parapluie . Un triomphe. Je ne sais pas ce qu'elle est devenue. On m'a dit qu'elle avait épousé un éleveur de dromadaires du côté de Tizi Ouzou où il ne pleut presque jamais. C'est bien pour dire la vie, des fois.