Le samedi 21 août 2004


Le malentendu
Pierre Foglia, La Presse, Athènes

Le boxeur Benoît Gaudet n'ira pas plus loin. Après avoir remporté un premier combat contre le Comité olympique Canadien qui ne voulait pas lui donner son billet pour Athènes, après un avoir gagné un second combat contre un Cubain de grande réputation, Benoît a trébuché hier devant un Coréen, excellent boxeur, mais qui semblait pourtant à sa portée. Une défaite incontestable qui laisse des regrets. Il y a un malentendu dans cette défaite-là. Je laisse Benoît Gaudet lui-même vous le raconter :
- J'étais persuadé, et Stéphane Larouche aussi, qu'on était en avant dans les points. Me semble que mes coups étaient plus précis, plus efficaces, je mentirais si je disais que j'étais au-dessus de mes affaires, mais jusqu'au milieu du troisième round, j'étais calme. Je ne pensais pas du tout être en retard. Et Stéphane non plus. Dans le coin, il me disait de répondre avec mon crochet à ses coups au corps, mais il ne me disait pas : envoye envoye on est dans le trouble.

Dans notre tête on n'était pas dans le trouble...

C'est le grand malentendu en question. Il faut savoir que les boxeurs et leurs soigneurs ne voient pas le pointage après chaque round.

Benoît reprend son histoire :C'est quand j'ai vu le Coréen me céder le centre du ring au milieu du troisième round que je me suis dit oh oh, il y a quelque chose de pas normal. Il est connu pour être agressif tout le temps, s'il se met à danser et à reculer c'est parce qu'il se croît en avant. Stéphane a compris la même chose et m'a dit d'y aller, mais c'était trop tard. Je viens de voir les feuilles de pointage, je n'imaginais pas que j'avais tout ce retard...
T'as le sentiment de t'être fait voler ?

Franchement oui.

Désolé, mais si je peux dire un mot : franchement non. Il n'y a pas eu de vol. Quant à moi, le Coréen a remporté chacun des quatre rounds. J'ai noté, comme on note chez les pros, et j'arrive au même résultat que les juges olympiques qui ont donné le Coréen vainqueur 26 points à 16. J'insiste, Gaudet n'a pas été dominé, n'a pas été ébranlé, mais il a subi le combat. Jo Seok Hwan s'est emparé du centre du ring dans les deux premiers rounds, et les contres de Gaudet étaient trop rares et trop imprécis pour marquer des points.

Dans le troisième et le quatrième rounds le Coréen, qui se savait en avant, a laissé l'initiative à Gaudet tout surpris. Celui-ci a compris trop tard qu'il avait une grosse pente à remonter. Il a procédé par bourrées brouillonnes, s'est fait prendre en contre et, au lieu de combler son retard, a reperdu des points.

Stéphane Larouche n'était pas fier de mon analyse ! Tout dépend ce que tu appelles un point, m'a-t-il repris gentiment, on me raconte que c'était déjà 5 à 1 pour le Coréen après 30 secondes, je ne me souviens pas d'un seule combinaisons, au tout début du combat, qui justifie un tel pointage...

On ressassera tant qu'on voudra. Benoît va prendre un peu repos et peut-être retourner à l'école à temps plein, ou passer pro avec Larouche. Il reste un seul boxeur canadien dans ce tournoi olympique, Andrew Kooner (dans les 54 kg), il affronte un Cubain à son prochain combat qui en sera un de quarts de finale (le vainqueur est assuré d'une médaille de bronze).

HISTOIRE DE FAMILLE - J'ai rencontré Justin Trudeau l'autre jour. Il fait le reporter pour CKAC. Il a l'air de s'amuser. C'est drôle parce que c'est lui vedette, même s'il fait semblant que non. Dans son dos les gens murmurent : C'est Justin Trudeau... C'est comme ça que j'ai su que c'était lui. Je me suis avancé, ah monsieur Foglia, bonjour. Un garçon bien élevé. Je lui ai demandé comment allait sa maman. J'aimais bien sa maman. Au fait, est-elle remariée ? Ben oui, remariée, peut-être bien même redivorcée bientôt. Et vous avez des demi-soeurs et des demi-frères ? Plein ! J'ai ainsi pris des nouvelles de toute sa famille, une chance qu'il ne m'en a pas demandé de la mienne. Je n'en ai pas de nouvelles de la mienne. Mon ordinateur marche pas. Mes enfants m'aiment pu. Ma fiancée je sais pas ousqu'elle est. Et je couvre le trampoline. Triste fin de vie, je vous le dis.

ANDOUILLETTE DE MOUTON - Les chats athéniens sont magnifiques comme tous les chats, mais demi-sauvages. Ils écument en bande les terrasses des cafés qui avoisinent les ruines. Très hauts sur pattes pour mieux se sauver, ils sont maigres à faire peur. Pour vous donner une idée, dans Bine-Bino, mon chat le plus gros, il rentre à peu près huit chats athéniens et demi. Remarquez il doit y en avoir des bien nourris ici aussi. Dans les petshops, j'ai vu des petites boîtes à l'agneau rôti et à l'andouillette de mouton. Nous, si on mange bien ? Sur les sites olympiques c'est plutôt dégueu. Le plus décevant sont les fruits, avec ce soleil-là tu t'attends à ce que le suc te dégoulines des babines, ben non. Je me promettais de bouffer une tonne de figues, ben non. Je connais des Italiens qui en récoltent des plus juteuses à Montréal.

ÉCHANGE INTERNATIONAL - C'est une devinette, elle est très facile. Dans l'entrée du terminus où les journalistes prennent les autobus pour aller sur les différents sites, il y a deux tôtons qui vendent ou échangent des petits drapeaux, des épinglettes, des badges, des pins. Leur t-shirt semble avoir été coupé dans le drapeau de leur pays, devinez quel pays. Un indice ? Quand je leur ai demandé s'ils étaient... (la nationalité du pays qu'il s'agit de trouver), le plus gros des deux tôtons m'a dit oui, toi aussi ?

Oh non. Moi je viens de l'Ouzbékistan.

Good, good, a dit le plus petit des deux tôtons. T'as des pins ?