Le samedi 21 août 2004


Le Canada rebondit !
Pierre Foglia, La Presse, Athènes

Je vous le disais pas plus tard qu'hier : le Canada est la nation du trampoline. Médaille d'argent pour Karen Cockburn, la seconde du Canada depuis le début des Jeux. Et une sixième place pour Heather Ross-McManus.

Quand je pense que j'ai failli ne pas assister à ce triomphe. Mon jeune collègue Simon Drouin voulait y aller aussi. On en est presque venus aux coups. C'est moi ! Non, c'est moi ! J'ai finalement usé de mon droit d'ancienneté. Il a fait une dernière tentative, très émotive : laisse-moi y aller, le trampoline est une grande tradition chez les Drouin, on disait le chapelet en famille en faisant du trampoline...

Si ça se trouve, c'est même pas vrai. Anyway, j'ai tenu bon.

Quand je suis arrivé au somptueux Indoor Hall, où se déroulait cette finale, il y avait là assez de journalistes canadiens pour former une association des journalistes de trampoline du Canada. Mais j'ai vite compris qu'ils n'entendaient absolument rien au trampoline. Des opportunistes. Hier, c'était vendredi, ça leur prenait une médaille pour le gros journal du samedi. Et voilà. Des chercheurs d'or, pas des journalistes.

Mais peut-être que vous non plus n'entendez rien à ce merveilleux sport ? C'est facile, le trampoline, c'est comme le patinage artistique. Deux différences : les filles portent aux pieds des chaussons de ballerine, et la musique est de la musique de centre commercial, si bien que pendant que se déroule la compétition, t'arrêtes pas de penser qu'il faut absolument que t'achètes des Q-tips et des filtres à café en revenant. Voyez, c'est écrit ici, dans mon carnet de notes : Karen Cockburn double vrille arrière, Q-tips.

Tout le reste est comme le patinage. Quand les filles ont fini leur routine elles vont s'asseoir sur un sofa en attendant leur note. Leur entraîneur les tient par l'épaule. Elles sourient et font des petits bye-bye à la caméra. Elle portent un costume avec des brillants, comme en portent les écuyères à la foire agricole de Saint-Hyacinthe. Celui des Canadiennes hier était rouge.

Les juges finissent par donner leur note, qui s'inscrit au tableau. Des fois, les filles pleurent. Et comme en patinage artistique, les juges sont tous achetés. Hier, pour la médaille d'or, ils ont honteusement favorisé une certaine Anna Dogonadze, devenue Allemande par mariage, mais Géorgienne d'origine, et on sait comment les gens des anciennes républiques russes ont le tour d'influencer les juges des sports artistiques. D'ailleurs, le trampoline est plein de Bulgares, d'Ukrainiens, de Biélorusses et de gens d'Ouzbékistan. C'est un très beau sport, mais pas tellement recommandable, surtout le soir.

Pour revenir à notre médaillée d'argent, Karen Cockburn, championne du monde en titre depuis l'an dernier, c'est la blonde de Mathieu Turgeon, un autre espoir de médaille au trampoline, qui s'exécute aujourd'hui. Encore sur Karen : elle a peur en avion et elle a le vertige, ce qui ne laisse pas d'étonner quand on voit ses acrobaties. Elle nous a raconté qu'elle avait été très nerveuse durant toute la compétition. «J'avais 19 ans à Sydney quand j'ai gagné ma médaille de bronze, j'étais juste contente d'être là. Ici, j'avais des attentes, le Canada attendait cette médaille, et ce n'est vraiment pas pareil.»

Karen Cockburn avait annoncé pour la finale une routine à très haut coefficient de difficulté, elle a changé à la toute dernière seconde pour une routine moins risquée : «Cela ne me ressemble pas, mais comme je viens de vous dire, j'étais nerveuse, et un peu ébranlée par ma performance très moyenne en préliminaires.» Pour le reste de son propos, il tient tout dans sa conclusion : c'est un grand jour pour Trampoline Canada.

Je suis d'accord.