Le mardi 8 mars 2005


Tiens, un courrier du genou
Pierre Foglia, La Presse

Je reçois encore des lettres écrites à la main, dans des enveloppes, avec des timbres -- d'après mes jeunes collègues, c'est parce que je suis vieux, il n'y a plus que les vieux qui s'écrivent à la main -- anyway, je décachette l'enveloppe, la lettre commençait ainsi : Je m'appelle Gisèle Léautaud...

La petite-nièce de Paul ? Paul Léautaud, l'injurieux bougon de la Vallée aux Loups, ses lunettes sur le bout du nez, son chat dans les bras, sa tuque sur la tête, tel que le montre son portrait encadré au-dessus de ma bibliothèque. Paul Léautaud, qui enseigne dans son Journal littéraire, cette leçon que je n'ai jamais cessé d'apprendre sans avoir jamais réussi à l'apprendre vraiment, il faut s'efforcer d'écrire comme tout le monde mais en n'écrivant comme personne.

Cette Gisèle serait sa nièce, elle me dirait que par le style je lui rappelle son oncle et je ferais encadrer sa lettre au-dessus de ma bibliothèque à côté du portrait de Paul. Sauf que c'est pas du tout ce qu'elle disait, d'ailleurs, elle n'est pas du tout la nièce de Paul, elle m'écrit : je ne lis habituellement pas vos chroniques, mais on m'a fait lire celle où vous insultez les scouts, je me demande de quel droit, etc.

Il me semble que les scouts existent pour être insultés. Je n'ai pas inventé que scout et surtout boy-scout sont habituellement employés au sens péjoratif, au sens de petit nono zélé. C'est toujours ainsi que je les emploie, sans trop y penser, et le lendemain je reçois une beurrée (une jambeurrée ?) de protestations, qu'avez-vous contre les scouts ?
Rien.
Rien, mais j'ai bien aimé le courriel de Jean-Sébastien, un collègue des sports, qui m'envoie cette définition toute italienne du scoutisme :
Una banda di bambini
Vestiti da cretini
Diretta da un cretino
Vestito da bambino
Traduction : une bande d'enfants habillés comme des crétins, menés pas un crétin habillé comme un enfant. Ecco !

CINÉMA

Pis, M. Foglia, êtes-vous allé voir Les Invasions barbares, finalement ?
C'est drôle que vous me demandiez ça aujourd'hui, j'y vais justement demain. Quoique je me demandais si je n'irais pas plutôt voir Alys Robi. Paraît que c'est très bien aussi.
Pis, M. Foglia, êtes-vous allé voir Million Dollar Baby ?
J'y vais demain aussi.
Bref, M. le chroniqueur vous n'allez pas souvent au cinéma ?
Je loue des films. Tenez, samedi, j'ai reloué Dogville.
Pour Nicole Kidman ?
Un peu.
Pour le massacre de la fin ?
Non. La première fois, j'ai adoré le massacre de la fin. Il y a quelque chose d'adolescent là-dedans, de jubilatoire. Mais la seconde fois, ce massacre m'a dérangé. Il enterre la question que pose le film : Nicole Kidman a-t-elle provoqué, voire consenti à ce qui lui arrive ? C'est une question essentielle, pas pour comprendre le film, pour comprendre l'humanité. C'est en cela un très grand film.

L'HUMOUR ENCORE

D'une linguiste, Louise D. : vous évoquiez samedi le pubis des vieilles linguistes. Ça m'a rappelé qu'alors que j'étudiais à l'université, en linguistique incidemment, on avait voulu appeler notre journal » Le cunilinguiste », géniale trouvaille qui n'a pas fait rire les littérateurs qui ont imposé un titre drabe, je ne me souviens plus lequel.

Vous venez de résumer, madame, le débat actuel sur l'humour. On n'arrête pas de répéter que les humoristes ne sont pas très drôles, ce qu'on ne dit pas, c'est que s'ils l'étaient, on les trouverait encore moins drôles. Le public manque totalement de curiosité en humour, comme dans le reste, il est notamment imperméable à l'absurde et à l'humour noir... Je réponds parfois des folies au téléphone. J'en ai une nouvelle : ça sonne, je décroche : association des pédophiles de la Haute-Yamaska, bonjour... Le silence glacial à l'autre bout est pour moi, ces jours-ci, la chose la plus drôle du monde. C'est pour vous dire comme je m'ennuie au festival de l'humour et à la lecture de quelques chroniques.

LA SANTÉ

Je voulais vous écrire après votre article sur les greffes de moelle osseuse, puis j'ai oublié... lymphome de Hodgkin à 11 ans, soignée par le docteur Demers à Sainte-Juju, m'en suis sortie guérie, ont suivi des études en médecine, spécialisation en hémato, précisément en greffe de moelle à Maisonneuve avec les docs dont vous avez parlé et qui sont bien comme vous le dites dans votre article. J'exerce présentement à Vancouver où je suis allée compléter ma formation en 99... J'ai eu d'autres problèmes de santé, bref je connais les deux côtés du problème, manque de ressources, listes d'attente, vieux buildings... mais aussi soins de première classe, personnel efficace, compétent. Oui le système de santé craque à la grandeur du Canada, non il ne va pas s'écrouler, plein de gens le portent à bout de bras... et ça marche !

Pourquoi je reste à Vancouver ? La routine. Et puis il fait 8 degrés, ici. Vous ? (Julye Lavoie)

GÉOGRAPHIE

Je ne sais pas si vous vous rappelez ces enfants de troisième secondaire auxquels le prof demandait : qui est Roméo Dallaire ? Pas un souffle dans la classe, jusqu'à ce que le plus allumé lève la main : ah oui oui oui, c'est rapport au génocide de Rouyn-Noranda.

Il y a une suite -- une suite à l'envers si l'on veut dire. Elle m'est rapportée par la mère de jumelles de neuf ans qu'elle conduit, ce samedi matin-là, à un tournoi provincial de basket au centre Claude Robillard. Les gamines se préparent et la mère leur annonce qu'elles vont affronter une équipe de Rouyn-Noranda. Alors une des jumelles de protester : hein ! Des filles du Rwanda ? Des Noires ? C'est pas juste, sont trop bonnes !

LE SOIR, EN TURQUIE

Eh bien non, pas de nouvelles de mon jeune ami Maxiiiime. C'est rare. J'espère qu'il ne lui est rien arrivé. Figurez-vous que l'autre jour, une demoiselle m'écrit pour me demander ses coordonnées. Tu parles que je l'ai vue venir avec ses gros sabots et sa jupette ras le bonbon. J'ai transmis à Maxiiiime en lui disant si elle est jamais rousse, et si jamais vous faites des enfants, tu m'en mets un de côté. Et pis voilà. Pu de nouvelles. J'espère qu'elle ne l'a pas enlevé. J'espère que je n'ai pas branché mon jeune ami sur une amazone qui fait la traite des adolescents. Elle l'a peut-être drogué. Prélevé ses organes. Ou peut-être l'a-t-elle envoyé dans un camp clandestin en Turquie où on le fait travailler dans les champs de betterave à sucre toute la journée, et le soir, le soir, LE SOIR ! J'aime mieux ne pas y penser. Adieu Maxiiiime.