Le jeudi 2 juin 2005


Un cercueil, un râteau et Maxiiime
Pierre Foglia, La Presse

Il arrive assez souvent que des lecteurs s'adressent à moi « par défaut ». Mme Guylaine Walsh, par exemple. Bonjour M. Foglia, je ne sais pas trop à qui m'adresser, s'excuse-t-elle, mais j'ai bien confiance que vous remettrez ce message à la bonne personne. Merci d'avance.

Mme Walsh fabrique des cercueils.

Vous ne pouviez pas mieux tomber, madame. Je suis votre homme. Surtout ce matin, j'ai mal ici, non attendez, plutôt là, un peu plus bas. Mais excusez-moi. Vous disiez donc que vous représentez la compagnie Mosaïque cercueil, un nouveau concept de cercueil simple, sobre, élégant, artistique, écologique et de bon goût.

C'est incroyable, madame, du sur mesure pour moi ! Vous l'avez fait exprès. Écoutez, simple, sobre. Élégant ! De bon goût ! C'est pour moi, c'est évident. Un boulanger de l'avenue Laurier (c'était pour me désobliger, mais tout de même) a déjà nommé un de ses pains une fogliasse, je crois même que cela se vend encore, pourquoi ne nommeriez-vous votre cercueil le sarcofog, comme dans sarcophage ? Je pourrais l'essayer, on prendrait des photos pour vos dépliants, ouvert et fermé.

J'ai cependant une réserve. Je comprends que votre nouveau concept tient beaucoup au couvercle, décoré d'une mosaïque de céramique détachable, qu'on remet à la famille avant la mise en terre, en souvenir du défunt, mais qu'au salon, ce couvercle est exposé debout, pour qu'on puisse l'admirer comme une oeuvre.

Ça, non, madame. La mosaïche et la céramiche, pas capable. Vous ne jouerez pas au Salon des métiers d'art avec mon cadavre, c'est pas vrai. Mon cercueil, je le veux en Tupperware. Dans une tentative de dédramatisation de la mort, je veux essayer d'avoir l'air d'un reste de pot-au-feu. Ou de boulettes d'agneau au curry. Quand ma fiancée fait des boulettes d'agneau au curry, c'est une recette pour huit et on est juste deux. Alors elle met le surplus dans un contenant en Tupperware et l'oublie au frigo. Je veux qu'elle me trouve au salon avec la même légèreté amusée qu'elle retrouve les boulettes d'agneau au curry, trois jours plus tard dans le frigo, derrière la pinte de lait : ah ! tiens, les boulettes !

Et bien sûr, ni fleurs ni couronnes. Juste une petite branche de persil sur le couvercle.

Jardinage au Grand Duché

Autre cas de courrier par défaut, et je ne viens pas de l'inventer, vous aller voir que cela ne s'invente pas. J'ai reçu de Virginie Huvelle, du 17, rue Munster, à Luxembourg, cette courte demande : Bonjour, nous sommes un média luxembourgeois nommé Made in Luxe et nous souhaitons faire un article sur les outils de jardinage de Martha Stewart. Vous avez écrit un article sur le sujet, la photo qui accompagnait l'article était fournie par Sears Canada, c'est cette photo des outils de Martha Stewart que nous voulons...

Je ne vois pas du tout de quoi vous parlez madame, mais je suis tellement ému d'être lu au Luxembourg, ce pays pour moi presque mythique, que je vous envoie à l'instant une photo de mon propre râteau, bien sûr ce n'est pas celui de Martha Stewart, mais il est très semblable. Mes amitiés au grand-duc.

Maxiiime

Mon jeune ami Maxime, qui n'est plus si jeune -- il entre à l'université à l'automne -- m'écrivait l'autre jour qu'il fera un certificat en journalisme concurremment à une majeure en études est-asiatiques. C'est la première fois que ce garçon me déçoit. La première fois que je le surprends en flagrant délit de conformisme. C'est pas mal journaliste, mais vous savez comment c'est, on veut toujours plus pour ses enfants, et je considère ce garçon un peu comme mon fils en dépit de quelques écarts de langage, comme à l'entame de son dernier courriel, alors qu'il me lançait, trivial : salut grande guidoune.

Bref, je lui souhaitais une autre carrière que journaliste. Je l'espérais représentant de Wonderbra pour tous les Territoires du Nord-Ouest. Ou mieux encore, grand chef d'un tout petit restaurant où il m'accueillerait à sa meilleure table : bonjour monsieur Foglia, pour dessert aujourd'hui, j'ai une omelette norvégienne dont vous me donnerez des nouvelles.

Ah ! Vous donner des nouvelles d'une omelette norvégienne plutôt que des nouvelles de Nathalie Simard. Ce qui ne nous empêcherait pas, Maxiiime et moi, de nous rendre utiles, en fondant la ligue de prévention contre la pédophilie des Basses-Laurentides. Pour une dénonciation, appuyez sur le 2. Pour une omelette norvégienne sur le 3.

Remarquez que Maxiiime fera un bon journaliste. Il a tout ce qu'il faut, en particulier le sens de l'observation. Ne me disait-il pas dans un autre récent courriel, comment se fait-il, cher monsieur Foglia (formule que je préfère de loin à grande guidoune), comment se fait-il que lorsque je lis Camus je me sens devenir moins con, mais lorsque je vous lis, c'est bien aussi,parce qu'alors, je ne me sens pas plus con que vous ?

C'est là, jeune homme, un des grands secrets du métier de chroniqueur : laisser au lecteur l'impression qu'il aurait pu écrire la chronique qu'il vient de lire. Mais je t'accorde que j'ai des confrères qui exagèrent beaucoup dans le rapprochement.

Sans timbre

De Carole : Merci de me faire sourire quand j'ai mes règles et que je suis grippée en même temps. (Rappelez-moi quand vous aurez le cancer du côlon, madame, vous allez voir, je suis absolument désopilant)...

De Francisco : Je suis cubain, à Montréal depuis quatre ans, si vous saviez combien de fois je me suis fait demander par des amis québécois pourquoi j'ai quitté un si merveilleux pays pour venir me les geler ici, merci de leur avoir répondu par vos articles, moi ils ne me croient pas...

De Marie-Louise : Pas juste les gars qui vont à Cuba pour le cul : quand on est un peu ronde, Cuba c,est bon pour l'ego.

Et Francine d'ajouter : Bonjour l'arnaque, elles sont des dizaines, entre 30 et 40 ans et un peu plus, à croire que le gentil Cubain de 19 ans est vraiment tombé en amour...

De Hubert-de-la-toux-sèche : Vous avez de jolies lunettes dans le journal, presque un vélo...

Troublant

37 ans, célibataire depuis peu. Je m'inscris à un site de rencontre sur le net. Je me trouve un surnom (il en faut un, c'est comme ça que ça marche, sur ces sites tout le monde se connaît par son nick). Je remplis la fiche. Ma photo... Rien. Le temps passe, toujours rien. J'efface tout et je recommence. Nouvelle photo (mais toujours ma tête à moi), nouvelle description et nouveau surnom... au lieu de « Le Survenant 18 » je choisis cette fois : Pierre Foglia. Eurêka ! J'ai été inondé de messages. Plein de rendez-vous. Et même quelques baises... Merci. Frédéric B.

Juste pour voir, la prochaine fois essaie avec le surnom Réjean Tremblay. Si tu repognes les mêmes, dis-le-moi-pas, OK ?