Le dimanche 5 juin 2005


Remplacer le droit par l'hygiène
Pierre Foglia, La Presse

Elle est née ici, vous croyez ? Ses parents aussi ? Ah bon. Ses grands-parents, d'abord ? Homolka, c'est pas canadien ; ce ne serait pas hongrois ? Polonais ? Quéqu'affaire biélorusse ou tchèque ? Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, on est un pays d'immigration, faut faire avec. Y en a des très bien et y en a des tueurs en série. Tu peux jamais savoir avec l'immigration : c'est une loterie. Le plus maudit, c'est que des fois le premier arrivant lui-même est correct, ou trop occupé à s'installer dans son nouveau pays pour faire des mauvais coups. Mais c'est ses enfants. Ou ses petits-enfants. L'a-ta-visme. Atavisme, ça veut dire : « dans le sang ». Ils ont ça dans le sang.

Il est trop tard pour imposer des restrictions à la liberté de Mme Homolka. C'était avant qu'il fallait le faire. Comment ? Par la prévention. Commençons donc par tenir un registre des immigrants et de leurs descendants, un peu sur le même modèle que le registre des prédateurs sexuels. Mais non, je n'ai rien contre les immigrants. J'en ai contre toutes les sortes de criminels. Je suis tanné des criminels, qu'ils soient arabes ou pas. Suis-je clair ?

J'entendais les résidants de Notre-Dame-de-Grâce s'inquiéter de la présence probable de Mme Homolka dans leur quartier très prochainement, et je me disais : pourquoi on n'entend pas aussi les gens de Rosemont, d'Ahuntsic, de Laval, de Longueuil ? On n'empêchera certainement pas Mme Homolka de prendre le métro ? Peut-être même qu'elle prendra l'autobus et qu'on la verra dans mon village. Oh ! mon Dieu ! Karla en train de manger un club aux Deux Clochers ou en train de louer Les Invasions barbares à mon dépanneur, ah non madame, je suis désolé, je l'avais réservé avant vous, ça fait assez longtemps que je veux le voir, de toute façon vous seriez déçue, y a rien de barbare là-dedans. Pardon ? Si je suis M. Foglia ? Pas du tout. Il n'est pas là.

Pauvres gens de Notre-Dame-de-Grâce qui font une obsession de Mme Homolka. Il y a peut-être trois ou quatre autres tueurs en série dans NDG en ce moment, qui n'ont encore tué personne, c'est vrai, et c'est bien là le problème : on ne peut même pas les arrêter. On le sait, pourtant. Juste à leur nom avec des « k » et des « z » dedans. Juste l'accent. Mais la loi les protège sous prétexte qu'ils n'ont rien fait. Y ont rien fait pour l'instant. Avez-vous remarqué que la police intervient toujours après les crimes ? Jamais avant. Pourtant...

Nos sociétés démocratiques et de plus en plus meurtries de l'être trop s'ouvrent tout doucement à autre chose que le droit. Il était temps (petit navire). Par exemple, ce registre des prédateurs sexuels dont je parlais à l'instant, c'est bien, mais pourquoi se limiter aux prédateurs sexuels ? Sont-ce là les seuls criminels que nous ayons à redouter ? Dites-vous bien un truc : les criminels, les vrais, ceux qui ont fait de la prison, sont déjà repérés, fichés, la police peut retrouver leur trace n'importe quand, rapidement. Et de toute façon, saviez-vous que seulement 0,5 % de tous les crimes commis le sont par des récidivistes ? Cela veut dire que 99,5 % des crimes sont commis par de nouveaux criminels.

C'est à ce problème-là qu'il faut s'attaquer en priorité. Ce qu'il nous faut, c'est UN REGISTRE NATIONAL DES SUSPECTS. Je vous donne un exemple. Vous allez vous louer un film, vous surprenez votre voisin dans le cubicule réservé aux trucs porno. Ah ha ! Un petit coup de téléphone au registre national. Trois jours plus tard, une adolescente fait une fugue dans votre quartier. La police se présente chez votre voisin. La fugueuse n'y sera probablement pas, mais le suspect sait, désormais, qu'on le tient à l'oeil.

Ce que je suis entrain de vous dire, c'est qu'il faut arrêter de considérer la criminalité comme une affaire de droit. Nous sommes mûrs, je crois, comme corps social, pour une solution plus viscérale, qui viendra plus de trop tripes que du droit.

Je lisais mon collègue Yves Boisvert hier, qui disait l'impossibilité de revenir sur le jugement de Mme Homolka, l'impossibilité de lui dire : on s'est trompés madame, c'est pas 12 ans, c'est 125 ans. Et pourquoi ne peut-on pas faire ça ? Parce que, nous explique mon collègue, nous sommes dans un État de droit.

Pis ? On a juste à décider que c'est assez, l'État de droit. Fuck l'État de droit.

Ça fait deux de semaines que je vous entends, gens du pays et de NDG, vous prononcer sur la liberté surveillée de Mme Homolka, et c'est clair : vous êtes prêts à passer à autre chose qu'à l'État de droit. Et c'est à dessein que je viens de parler de corps social. Que fait-on avec notre corps ? On le soigne, oui, quand il est malade, mais je veux dire : pour qu'il ne soit pas malade ? On le lave. On l'immunise. On y fait attention. On ne l'expose pas aux microbes. Et comment ça s'appelle, tout ça ?

Eh bien ! Oui ! L'HYGIÈNE.

Remplaçons le droit par l'hygiène. L'hygiène de notre corps social.

N'attendons pas d'être malade comme société. N'attendons pas que notre voisin, ce malade, ce Homolka, nous donne ses microbes. Pensons à la lutte contre le crime comme une forme d'immunologie. Pensons même à des cliniques d'hygiène sociale où seraient examinés les suspects sociaux. Le fils de votre voisin, celui que vous avez surpris en train de louer un film de cul, fume du pot dans les escaliers ? Vous rapportez immédiatement ces déviants à la clinique d'hygiène sociale la plus proche de chez vous. Ils sont convoqués. Examinés. Fichés. Traités si nécessaire. Et voilà.

On l'a compris, l'esprit que doit soutenir cette opération, c'est l'esprit de purification. La volonté de guérir comme société.

Allez, profitez bien du week-end, c'est un des derniers avant que la bête à forme humaine sorte de sa tanière et menace vos petits enfants. Et si vous allez à vélo, n'oubliez pas votre casque. Le danger est partout.