Le mardi 20 septembre 2005


Le junkie
Pierre Foglia, La Presse

Si c'est pour reprendre le pouvoir et en faire à peu près ce que M. Charest en fait, M. André Boisclair est la meilleure chose qui peut arriver au PQ. Charest-Boisclair, même dogme néolibéral, même conviction de porter la modernité, même conviction (presque divine) qu'ils ont été appelés pour la réaliser au Québec, et même confiance en la science économique pour l'imposer.

Si c'est pour reprendre le pouvoir et sauvegarder un minimum de solidarité sociale, alors c'est Mme Marois. L'ennui, c'est qu'avec Marois, le PQ est moins sûr de reprendre le pouvoir qu'avec M. Boisclair.

Si c'est pour faire l'indépendance, aucun des deux. En fait, aucun des neuf. Ces deux-là parce qu'ils n'essaieront probablement pas, les autres parce qu'ils se planteraient.

De tous, c'est M. Boisclair que j'aime le moins. Qu'a-t-il donc pour lui, ce jeune homme un peu fendant ? Je veux dire à part d'être homosexuel ? Je plaisante à moitié. Je n'aime pas sa façon de porter son homosexualité avec la fausse sobriété du héros de la guerre qui porte sa rosette à la boutonnière. On n'en a rien à cirer qu'il soit pédé. Ça ne me fait pas un pli non plus qu'il ait peut-être pris de la coke. S'il en prenait encore, je dis pas... mais ça m'étonnerait. Rien qu'à le voir nous regarder sans nous voir parce que son regard embrasse déjà le Québec dans son entier, je peux vous dire à quoi il se shoote en ce moment, je peux vous dire qu'il est passé à une drogue beaucoup plus dure que la coke : le pouvoir.

Coke et pouvoir : mêmes effets secondaires, même style de junkies. La coke des hommes d'affaires, des avocats, des journalistes, la ligne tirée le midi juste avant d'aller baiser je ne sais pas qui, ou juste avant un rendez-vous important, important, c'est comme ça qu'on se sent. Et péremptoire. Et bavard. Contrairement à ce que s'imaginent ceux qui n'en ont jamais pris, c'est pas flyé du tout, la coke, bien moins qu'un petit joint. Ça décolle, pas la coke, t'es tout là, hyper groundé dans le ici, dans le maintenant. La plus straight de toutes les dopes. Une dope de jeune chambre de commerce.

Mais ce qu'il faut dire surtout, c'est avec la coke, soudain, tu sais. Tu sais quoi ? Tout ce que l'autre ne sait pas. Tu sais à sa place.

Exactement comme le pouvoir. Ce qui pue chez Charest, chez Bush, chez Parizeau, chez les Français, Chirac tiens, ou pire Mitterrand et sa putain de rose à la main, ce qui pue chez le roi, chez le pape, chez le président, chez le premier ministre, c'est la même chose que chez le coké : la vérité révélée. Ils savent. Parce qu'ils voient de haut. Ils savent quoi ? Tout. Mais surtout, ils savent ce qui est bon pour le peuple. Alors que le peuple bien sûr, ce con, ce nul, ne sait pas lui-même ce qui est bon pour lui.

On reproche à Boisclair d'avoir peut-être tiré une ligne de temps en temps, on fait toute une histoire d'un faux pas sans voir que ce jeune homme un peu vide qui laisse une légère odeur de savonnette dans son sillage est un junkie complètement accro d'une drogue autrement dure et plus dommageable pour la collectivité : le pouvoir.