Le mardi 27 septembre 2005


Un bien joli vase
Pierre Foglia, La Presse

Des fois, je suis dans la remise à gosser je ne sais quoi, ma fiancée m'appelle : viendrais-tu une minute ? J'arrive tout de suite, bébé. Elle est dans le salon, la tête penchée sur le côté, elle regarde la jolie flûte en cristal qu'elle vient de rapporter d'une vente de garage, elle a mis un aster mauve dedans avec une marguerite jaune et l'a posée sur la tablette où y'avait jusqu'à présent un autre vase, ou était-ce une cruche émaillée, ou un pot à eau ? Je ne me souviens déjà plus.

Qu'est-ce que t'en penses ?
C'est bien.
Franchement ?
J'te jure, c'est très bien.

Suis retourné gosser mes affaires dans la remise. Dans les mois qui viennent, je vais passer cent mille fois à côté de la flûte sans la voir, et sans remarquer bien sûr qu'elle aura remplacé l'aster et la marguerite par des foins-foins séchés. Dans quelques années. si je ne suis pas mort, je serai encore en train de gosser quelque chose dans la remise : viendrais-tu une minute ? Bon ! Elle aura dégotté une autre potiche ! Tout à fait entre nous, je m'en contrecrisse dès lors qu'elle a fait poser cette tablette dans le salon, faut bien mettre quelque chose dessus, non ?

Bref, je voulais vous dire que je vous trouve bien fou de vous chicaner à propos de Macaëlle Jean. C'est de loin la plus jolie chose que l'on peut mettre sur cette tablette-là, monarchique si vous voulez, et qui ne sert à rien, je suis bien d'accord, pis après ? Vous savez à quoi vous ? Pis moi ? Pis Réjean Tremblay ?

J'étais en vacances en doublement content de l'être quand l'ouragan Michaëlle Jean a balayé le Québec le mois dernier. Il y a d'abord eu le dérapage du successeur de Jeff Fillion, puis la lettre navrante de Jacques Lanctôt, puis Yves Beauchemin, puis l'hystérie des indépendantistes purs et durs qui sont allés chercher des poux à l'époux. Un débat ridicule et mortifère. Et ça continue. Rien que ce matin, j'avais trois courriels pour dénoncer la monarchie qui nous a déjà coûté deux guerres mondiales (sic !) et qui va nous coûter maintenant des millions en robes pour habiller la princesse du patronage.

Des fois, je trouve que les indépendantistes purs et durs n'ont vraiment rien à envier aux Dion, Pettigrew et Lapierre pour fucker l'idée même de l'indépendance. Des fois, j'aurais très envie d'être luxembourgeois, bulgare, ou papou.

L'imagination -

Avez-vous entendu parler du Festival des films du monde de Saint-Armand ? Le FeFiMoSa. On y a présenté des films de cinéastes locaux, M. Jacques Godbout, M. Binamé, Jean-Pierre Lefebvre, et d'autres moins connus. La chose s'est tenue le long week-end de la fête du Travail, et on a connu un succès, ma foi, inespéré. Je fus attiré à ce festival sous de fausses représentations, les organisateurs m'avaient promis qu'on y projetterait Les Invasions barbares. Je me suis précipité bien sûr. Las ! On a largement abusé de ma crédulité. Résultat : je n'ai toujours pas vu Les Invasions, ce qui ne saurait tarder cependant.

Moi qui ne sors jamais, me voilà donc mêlé à la foule de la cérémonie d'ouverture, fort réussie d'ailleurs, bonjour monsieur, bonjour madame, ceci, cela, et, plus tard dans la soirée, c'est l'anecdote que je veux vous raconter, plus tard dans la soirée, ce presque inconnu qui vient me saluer. Il est avec un ami : tu connais M. Foglia ? L'autre ne me connaît absolument pas, alors le premier de lui expliquer ce que je fais, il en met beaucoup et, à la fin, il a cette phrase : On se demande où il va chercher tout ça !

L'autre, qui ne m'a jamais vu, jamais lu, de répondre : Ça prend de l'imagination, c'est tout. Alors le premier d'en remettre une couche : ah ! pour ça, il n'en manque pas !

Au nom de l'information et en mon nom personnel, je vous remercie, les amis.

Pour revenir aux Invasions, une jeune collègue me lance l'autre jour : arrêtez donc de déconner avec Les Invasions, c'est nul de toute façon, allez plutôt voir La Neuvaine, un film magnifique qui est en quelque sorte la réponse aux Invasions.

La réponse, la réponse, oui mais c'est quoi la question ?

La Prévoyance -

Cher Foglia, quand j'ai lu ce matin dans La Presse qu'il y avait pénurie de baryum liquide dans les hôpitaux, ce truc que l'on utilise pour colorer le gros intestin et détecter ainsi le cancer du côlon, je me suis dit oh ! oh !, j'en connais un qui va paniquer !

C'est gentil de vous inquiéter Marie-Christine, mais figurez-vous que j'ai prévu le coup. Ça fait quelques années que je stocke du baryum liquide, j'en ai trois tonneaux dans ma cave, et du meilleur. Parfois, je réunis quelques amis, j'en remonte une ou deux et hop, sans prétention, on se fait toute la gang ensemble, un petit checkup du côlon. Aimeriez-vous être de notre prochaine sauterie ?

Maxïïïïme -

Il est grand maintenant, mon ami Maxiiiime, il est à l'Université de Montréal, en études orientales je crois, je crois, ou quelque chose du genre. Il habite au 14è étage de la tour Est des résidences. Son papa et sa maman sont allés le visiter hier...

« Tu ne me demandes pas comment se sont passées mes vacances », me dit ma mère, qui n'a pas besoin d'invitation : « J'ai joué aux cartes avec tata Yvette ».

Dans le parking des résidences, on croise souvent des pères chauves, un four micro-ondes sous le bras, c'est pour leur fille. Quand je suis allé reconduire mes parents, on a croisé toute une famille, le père, la mère et le petit frère, la fille est un peu grosse et elle a des mèches blondes, elle tient des patins à la main que son père a sortis tantôt du coffre de l'auto. Ils ne se parlent pas beaucoup. On voit que les parents sont inquiets, peut-être qu'ils se demandent à quoi ça sert tout ça, peut-être que leur fille est inscrite en danse contemporaine.

La dernière fois que vous avez parlé de moi dans La Presse, en arrivant à l'heure du souper y'avait 10 photocopies de votre article sur la table de la cuisine, dont une pour l'orthométriste. Une voisine a dit à ma mère qu'on a parlé de moi à Radio-Canada, je me suis senti comme la construction d'un pont ou comme le résultat d'une étude sur les farines animales.