Le samedi 1er avril 2006


Ces cons providentiels
Pierre Foglia, La Presse

Doit-on parler de souveraineté à l'école ? Bien sûr. Mais en même temps que de fédéralisme. Sans prêchi-prêcha. Me semble que cela va de soi. Je ne comprends pas que des gens comme Gérald Larose, Pierre Paquette, Marie Malavoy, Vivian Barboi et Gilles Vigneault, qui sont tout ce qu'on voudra sauf des cons, aient parrainé ce petit livre catéchisant : Parlons de souveraineté à l'école.

On vit dans le pays -- le Canada -- le plus bêtement cocardier de la planète. Le plus agité du drapeau. À l'ego bientôt plus gros que celui des Américains. On est à la veille d'être plus prétentieux que les Suédois en Europe, plus matamores que les Argentins en Amérique du Sud. On est les meilleurs dans presque tout, les plus beaux, les plus fins, les plus riches. On est LE modèle de démocratie sur la planète. Plus précisément : le modèle de fédéralisme démocratique. C'est d'ailleurs le grand dada du candidat-vedette à la direction du Parti libéral, Michael Ignatieff : « Le monde nous regarde, nous sommes un phare pour les États multilingues et multiculturels.

Le scandale des commandites nous a permis de voir comment fonctionnait, dans le détail, ce phare si éclairant : il fonctionne tout bonnement par commandites ! Comme le chantait à peu près Brel : J'ai apporté des bonbons, parce que les idées c'est périssable.

Le scandale des commandites nous a montré que le fédéralisme démocratique avait la forme d'un tas de fumier.

Et vous, bougres de cons, je vous parle, Larose, Paquette, Malavoy, Vivian Barbot, Vigneault, vous venez poser votre petite merde devant ce tas de fumier et devinez quoi ?

On ne voit plus qu'elle !

Tous ceux-là, innombrables, qui ont fermé les yeux bien dur sur le scandale idéologique des commandites les ouvrent soudain : Monsieur Larose, vous essayez d'endoctriner nos enfants ! Monsieur Larose, n'avez-vous pas honte ? Monsieur Larose, vous nous rappelez les curés, Duplessis, Hitler. Résultat : une grande claque sur la gueule de ce qui reste de l'idée d'indépendance.

Je ne serais pas surpris d'apprendre bientôt que M. Larose est devenu fédéraliste mais que, avant de l'accepter dans leurs rangs, un peu comme le font les motards, les libéraux lui ont demandé de commettre un crime pour prouver sa bonne foi. Et il a commis ça.

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Autre histoire de conne providentielle, si j'étais madelinot et chasseur de phoques, j'élèverais une statue à Brigitte Bardot.

T'es madelinot, tu chasses le phoque parce que t'as pas grand-chose à faire, parce que c'est le fun et qu'en plus t'es payé pour, c'est la mi-mars, tu sais que les écolos s'en viennent avec des chiffres embarrassants qui contredisent les tiens. Et aussi avec des questions fatigantes : comment ça, trop de phoques ? Mangent la morue ? Quelle morue ? C'est à cause des phoques ou de la sur-pêche qu'il n'y a plus de morue ? Et la viande, c'est bon, la viande ?

Il y a 10 ans, j'étais allé aux Îles, j'avais rencontré des restaurateurs qui m'avaient fait goûter de la viande de phoque. C'était parfaitement dégueulasse. Ça doit bien l'être encore.

Bref, c'est la mi-mars, t'es madelinot, chasseur de phoques, t'as pas envie de te farcir le discours des écolos qui s'en viennent, qu'est-ce que tu fais ?

T'appelles Brigitte Bardot. Tu l'invites aux Îles.

Pourquoi ?

C'est évident. Premièrement, elle est vieille. Secondement, elle est conne. Troisièmement, elle est raciste, collée sur le discours de Le Pen et dit des horreurs sur les Arabes, t'as juste à la relancer : pis, les Arabes, Brigitte ?

Ils puent, elle répond. Bref, c'est l'ennemies idéale. Elle débarque à Dorval, les journalistes se précipitent : Ah ! non, pas encore cette vieille conne raciste !

Et voilà. On ne parle plus de phoque. On parle de Brigitte Bardot, cette vieille conne raciste.

Arrivent d'autres personnalités qui sont aussi contre la chasse, Paul McCartney, par exemple. Écoute-t-on ce qu'il a à dire ? Pas une foutue seconde. On s'étonne : Hein ! Paul McCartney est chum avec cette vieille conne raciste ?

On fait front commun contre la sensiblerie du monde entier. C'est notre banquise, après tout, et nos phoques, ça ne regarde pas les étrangers. On peut les tuer si on veut. Comme dirait la sénatrice machin, c'est pas des Irakiens. C'est comme pour l'amiante. Vous vous rappelez l'amiante ? On avait raison contre le monde entier. Y a pas de danger, qu'on disait. Celle-là, par contre, on a fini par la perdre. Il aura manqué aux gens de l'amiante une Brigitte Bardot pour faire diversion.

Moi, si j'étais madelinot, j'élèverais une statue à Brigitte Bardot. En amiante.

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Je peux vous poser une question ? Maurice Druon l'académicien -- oui, je sais, quel vieux con lui aussi -- Maurice Druon s'est paternellement moqué du parler pittoresque des Québécois, vous souvenez-vous pourquoi ? Vous souvenez-vous pourquoi ? Vous souvenez-vous du début de la conservation ? Même s'il est con, il ne s'est pas réveillé ce matin-là en se disant tiens, je vais insulter les Québécois. Il était question de quoi, vous vous souvenez ?

Vous ne vous rappelez pas ? Vous vous rappelez Maurice Druon mais pas le reste. C'est exactement ce que je veux faire valoir dans cette chronique sur les cons providentiels. Ici encore, comme pour les phoques, comme la souveraineté, un con providentiel occulte le sujet.

Puisque vous me le demandez, il était question de la féminisation de la langue -- auteur/auteure, agent/agente, pompier/pompière --, que le Québec, par notre Office de la langue française, tente d'imposer au reste de la francophonie en arguant que c'est là une évidence sociolinguistique.

Comme pour les phoques, le Québec fait front. Sur la féminisation de la langue ? Pas du tout. Sur le fait que Maurice Druon est un vieux con.

La question de fond reste entière. La question ? Madame Chose professeure de français ou professeur de français ? En ajoutant un « e », le Québec a l'impression d'avoir beaucoup contribué à l'avancement de la fâmme. Je le félicite. Mais je serais plus impressionné si, pour l'avancement de la fâmme, il appliquait ses propres lois sur l'égalité salariale.

M'a tout l'air qu'on est plus doué pour la sociolinguistique que pour la socio sociale.

Anyway, le printemps s'en vient. Avez-vous recommencé à rouler ?